Mehdi Cayenne
Mehdi Cayenne
Le portrait onirique de Mehdi Cayenne
Le portrait onirique de Mehdi Cayenne
Partager
Dans le rêve, je suis sur l'île de Stromboli dans la mer
Tyrrhénienne. Elle lui écrit un message. Lui envoyer des
adjectifs purs à demi-mots de sa plus belle et sombre
solitude. Elle ne sait pas par quel "je" commencer. Vous
pourriez m'aider, Monsieur ?
me dit-elle, elle est très belle,
très jolie demoiselle, la robe en fleurs naturelles, le coeur
en pétale, assise à la table voisine, des olives et des câpres à
portée de main, elle ressemble à un mystère jamais résolu.
Elle m'explique : voilà, j'aimerais inviter ici un bel homme
que je ne connais pas. Il va me prendre pour une folle. Il
s'agit d'un court séjour, quelques jours tout au plus. Je n'ai
jamais pris ces chemins, ce serait une expérience unique.
Dans un autre rêve, un homme m'avait expliqué qu'il
fallait parcourir les sentiers sauvages qui longent Ginostra,
découvrir les plages, la lave, entendre les grondements
du volcan, la force de la nature.
La femme se présente : je m'appelle Claudia.
Après un long silence, je dis : mais
pourquoi lui ?
Elle me répond : c'est écrit dans l'âme de ses
chansons. Je me réfugie dans sa plus belle voix, dans ses mots
d'un poète-né. J’ai lu qu'il avait joué dans des maisons de
retraite, dans des prisons, dans des écoles, dans des festivals
de poésie, de théâtre. J'ai lu qu'il adorait dire oui. J'aimerais
le faire sortir de sa zone de confort. L'excursion dure cinq
heures sur des roches de lave, je vous répète que je n'y suis
jamais allée, mais j'en rêve toutes les nuits.
La dame m'offre
son plus beau sourire puis j'écris le message à sa place.
Je lui lance : comment s'appelle-t-il ?
Elle ne me répond
pas, j'entends le hurlement du volcan alors que nous en
sommes loin, loin de cette île. Entre deux cris d'un monstre
invisible elle dit : nous ne sommes pas si loin du volcan, les
conditions climatiques se dégradent depuis quelques mois
dans le monde. Tout craque, on entend tout de partout.
J'observe au loin deux hommes qui manquent de se noyer,
aucun cadran n'affiche pourtant la même bonne heure, elle
poursuit : il s'appelle Mehdi Cayenne ou Mehdi Hamdad, je
ne sais plus.
Elle me fait écouter ses chansons. Sublimes, je
tombe à mon tour en extase, extrême admiration. Je pense
qu'elle veut l'emmener vers l'irréel. Je termine le message
par n'en souffrons pas.
Le pigeon voyageur est impatient,
j'enroule et accroche le morceau de papier à sa patte.
Il s'envole, poussé par nos encombrants silences. On va le
laisser venir. Vous êtes sa dame de trèfle. Vous habitez dans
le coin ?
Elle me répond doucement, ses mots soufflés par
les vents d'ailleurs : je suis née à Crève Coeur, une bourgade
à une dizaine de kilomètres d'ici, pas loin.
Subitement,
sans raison apparente, elle s'enfuit en pleurant. Je me
lance d'abord à sa poursuite mais je renonce vite pour
éviter toute imprudence et je reviens à la table d'où est
parti le pigeon voyageur. Je remonte le pantalon et serre
la ceinture. Je sors mes cartes de tarot, je lui fais un tirage
à distance : je vois des pépites, des voyages, de la réussite,
de l'adrénaline. J'entends sa voix derrière moi : monsieur
Patrick Lowie ?
Je me retourne, un jeune homme, en jeans
taché de peinture blanche, les cheveux maculés, qui arbore
un large sourire peinturluré de blanc, me tend le bras, me
serre la main: j'ai reçu le message de Claudia. Où est-elle ?
Je lui dis qu'elle s'est enfuie, il continue : j'ai fait un rêve qui
m'a marqué avant d'arriver : je marche sur le plancher des
vaches — puis je regarde vers le haut, le soleil qui brille sur
les briques brunes d'un immeuble à côté. Comme un élan,
quelque chose que l'on ose, comme un acte de foi (à l'instar
de l'entrée en scène d'ailleurs), je me mets à flotter, puis je
vole... Je vole ! Mais seulement quand j'y crois.
Je rétorque
que je sais tout, que lorsqu'il doutait il battait forcément de
l'aile, que plus il y croyait plus il remontait. Je lui explique
qu'en tirant les cartes, je le voyais visiter les toits, les nids
d'oiseaux, les paysages de la ville, de forêts à n'en plus finir,
les volcans. Je lui dis que son rêve n'est pas banal. Puis,
me
dit-il, dans le rêve, je suis dans un champ, comme un réflexe,
avec une certaine urgence enthousiaste, je me mets à courir,
puis à m'envoler. Je vous demande pardon, mais le rêve de
l'envol est plus ennuyeux à raconter qu'il n'est à vivre.
Le
pigeon voyageur revient, le message non délivré à la patte.
Je lui dis calmement : votre art est puissant, sans limite,
je vous prédis un plus bel avenir encore, maintenant allez
vous baigner Mehdi Cayenne, il est six heures du matin,
l'heure idéale pour rejoindre Ginostra. Sur le chemin nous
échangerons sur le sacré et le profane. J'espère que nous
reprendrons vite connaissance et que je vous emmènerai à
Mapuetos, vous y avez droit, vous aussi.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Mehdi Cayenne est un chanteur, électron libre, réel inclassable dans la francophonie internationale. Avec une palette vaste sonore mêlant le doux et l’abrasif, il a su - au cours de ses trois derniers albums “Luminata” en 2011, “Na Na Boo Boo” en 2013 et “Aube” en 2015 - développer son approche éclectique, minimaliste et évocatrice. Charismatique, énergique, déconcertant, il acquiert une précision scénique palpable au cours de multiples spectacles au Canada et en Europe avec des artistes aussi divers qu'éminents (Michel Fugain, A Tribe Called Red, Louis-Jean Cormier, Saul Williams, Socalled, Alaclair Ensemble, Alex Nevsky, Klô Pelgag, Yann Perreau, Dumas), sur toutes les grandes scènes d'ici et d’ailleurs (Francofolies de Montréal, Francofolies de Spa, Festival Pause Guitare, MaMA, BIS de Nantes, Festival International de la Chanson de Granby...). Le folk-rock doux et paradoxal de son dernier opus aura servi d'entrée en matière pour la suite: s'en vient une cassure nette, une éclosion, un feu de jeu, à la fois plus intense et plus accessible. Mehdi revient en 2018 avec un son éclaté, fluorescent, ardent, inspiré par les mouvement afro-punk et par les sons et les rytmiques qui ont bercé son enfance entre le Maghreb, l'Europe et l'Amérique du Nord. Ajoutant à ses chansons pop-rock des tranchants trip-hop, world, funk, bruitistes, il maîtrise plus que jamais une écriture à la fois dense et concise - marquée elle aussi par des expressions idiomatiques d'ici et d'ailleurs - posant un regard tendre mais acéré sur lui-même ainsi que le monde qui l'imprègne. Ayant travaillé plus de 50 chansons, Mehdi va allumer 2018 avec une série de surprises audio-visuelles qu'il déclinera comme tant de notes qui font monter la pression jusqu'au climax final. À suivre!
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com