Arroseur arrosé

Mapuetos


Si je dois rêver, pourquoi rêver les rêves des autres ?

Fernando Pessoa

Arroseur arrosé

L'arroseur arrosé , est le titre donné par l'histoire du cinéma à un court-métrage de 49 secondes réalisé par Louis Lumières. Pourtant le titre choisi par le réalisateur est tout autre : Le Jardinier et le petit espiègle (1895). Si on décortique le film on remarquera que l'arroseur arrose pendant 10 sec, qu'il est arrosé pendant 10 sec et que l'espiègle est frappé sur les fesses et tiré par les oreilles pendant 29 sec. Le titre aurait pu être Les fessées de l'arrosé . En écrivant les portraits oniriques, j'arrose un jardin virtuel (et parfois bien réel) d'histoires oniriques, mais il m'arrive aussi d'être arrosé, d'être pris à mon propre jeu : vous écrivez mon portrait onirique. Je vous invite à le faire mais attention aux fessées !
David GIannoni

Le portrait onirique de Patrick Lowie
signé David Giannoni


     Il s'était promis de ne pas rentrer tard après cette
longue journée de travail à la menuiserie. Non que
quelqu'un l'attende chez lui mais il est des jours où il faut
savoir s'arrêter. Mettre pause sur nos envies de courir et
courir encore.
     Il avait passé les dernières heures à découper, racler
puis polir et polir sans fin cet objet si précieux pour lui.
     Il n'avait pas encore terminé mais là il était trop vanné,
décidément.
     L'objet était accompagné de 2 autres plus petits. C'est
ce qu'il appelait sa trilogie de Mapuetos du nom de la ville
lointaine d'où provenait ce bois si brut et raffiné à la fois.
     Cet objet il le destinait à son amoureux du moment,
un être doux et sombre qui l'avait littéralement envoûté
depuis leur première rencontre.


     Il sortit de l'atelier et passa devant le vieux port où
les restos des pêcheurs laissaient émaner cette odeur si
caractéristique de sardine grillée.
     Il en eu l'appétit aiguisé mais passa son chemin.
     Il voulait rentrer chez lui.


     Devant son immeuble, dans sa rue, un banc. Et un
clochard qui s'apprêtait pour la nuit.

     Une vie simple dans un corps simple et une tête bien
remplie.


     Une vie comme un film néoréaliste avec cette fine
touche d'absurde qui suffisait à ne pas la rendre source
d'ennui.


     Il monta, il mangea, il vit les infos à la télé, se lava,
s'endormit, dormit, se réveilla, déjeuna, puis sortit dehors,
travailler.
     Seul.

     Il croisa le regard éteint du clochard qui rangeait ses
affaires prêt à arpenter une nouvelle journée. Il tenta un
Ça va Philippe ? et celui-ci de lui répondre : Je m'appelle
Patrick...


     Il continua son chemin. Gêné.
     Il passa par le vieux port.
     L'aube confondait mouettes poissons hommes et
chiens.


     Il s'approchait de l'atelier.
     Dans la rue les badauds parlaient bruyamment,
échangeaient des bribes incompréhensibles de discours
sur la faute et la responsabilité. Ils semblaient alertés par
un événement dont la gravité lui échappait encore.


     Il arriva enfin devant la maisonnette.
     Elle avait dû prendre feu pendant la nuit.
     Rien.
     Rien ne restait qu'un amas de cendres et d'objets divers
calcinés.
     Mapuetos
     Mapuetos
     Mapuetos


     Il se dit.


     Mapuetos ...

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