Dedé Ribeiro
Le portrait onirique de Dedé Ribeiro
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Je pensais sincèrement qu’elle voulait à nouveau produire ma pièce Le Plongeoir. Elle m’observe avec son sourire habituel et me dit : non, ce n’est pas ça . On remonte la Rua dos Andradas et on laisse nos corps se débrouiller avec l’instinct jusqu’à la rua Tuyuty, elle me parle de l’Orchestre Symphonique de Pato Branco, je lui parle de l’écrivain et chanteur Vitor Ramil. Partages, échanges. La ville m’enveloppe à nouveau, j’entends le léger sifflement de cet amour éternel, l’amitié, qui bourdonne. Ce fut le mois qui viendra , pensai-je maladroitement. En pensant aussi que le mois à venir serait surtout le moi. Comme si un jour, le passé pourra se transformer en futur. Dans les rues, rien n’a changé, comme dans un rêve. Tous là, identiques, comme des notes asymétriques. On traverse. La voiture noire Street View de Google nous filme de son œil vicieux. On croise des hommes en maillot de bain debout au bord d’une piscine qui récitent des monologues : je vais crever ! Sébastien ! on entre dans un bâtiment que je ne connais pas. Dernier étage.
Appartement luxueux et grand, vue sur Cidade Baixa, reproductions de mantras encadrés, accrochés aux murs, un parfum de pain de fromage. La feuille vierge jaunie désormais est sur la table en verre gris fumé. J’observe Dedé Ribeiro dessiner une ville, parfaitement détaillée, tout y est, même les mondes publics. L’Homme n’est pas l’âme de la ville inconnue, dans ce monde sans ombre. Au moment de terminer l’aéroport (mais est-ce bien utile un aéroport ?), on entre dans le dessin, on entre dans l’antre de la ville, et on reprend nos corps, on marche, marche dans Mapuetos, jusqu’à épuisement. Arrivés au bout d’une rue sans fin, plus rien, elle n’avait pas achevé les plans. Des jets de lave nous éclaboussent, c’est le volcan Imyriacht qui rumine. On sort du dessin, je dois acheter d’autres crayons de couleur, me dit- elle.
* Mario Quintana




