Valérie Timsit
Valérie Timsit
Le portrait onirique de Valérie Timsit
Le portrait onirique de Valérie Timsit
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Une femme m'interpelle dans le hall d'un aéroport : Monsieur Patrick Lowie ? Il n'y a rien de tel que les rêves
prémonitoires, c’est une excellente idée vos portraits et les
photos sont belles, c’est un projet délicat et raffiné, cela me
plaît beaucoup, bravo !
Elle me demande l'autorisation de
faire un selfie. Accordé. Un sourire même si le sourire n'est
souvent pas nécessaire. Le sourire se lit sur les yeux. Vous
allez où ?,
me demande-t-elle. Je ne sais plus. Je suis dans
cet aéroport depuis deux ans, ma mémoire flanche, un billet
entre les doigts, la destination effacée par le temps (j'ai cru
longtemps qu'elle commençait par M mais je n'en suis plus
très sûr aujourd'hui), dehors la pluie sèche tombe dans un
bac d'ennui. Je sens en moi l'impuissance. La femme me
montre le selfie, je ne me reconnais pas. Vous allez où ?
,
me répète-t-elle. Je lui réponds du tac au tac : vous êtes une
groupie ? Je ne suis pas chanteur. Qui êtes-vous ?
Silence,
plus un bruit, plus un avion, plus aucune annonce pour
un vol retardé, les mondes avancent au ralenti, beaucoup
marchent à reculons. Dix bonnes minutes comme dans
un cauchemar, comme enfermé dans un bocal de formol.
Puis la réalité... elle me dit qu'elle s'appelle Valérie Timsit et
ajoute : je vais vous guider, êtes-vous certain d'avoir essayé
toutes les portes, même les sorties de secours ? Je regarde vers
le haut. Ne restez pas ici, ces halogènes détruisent vos gènes,
où pensiez-vous aller ?
Elle ouvre son parapluie, j'ai du mal
à lui répondre, du mal à croire encore à une destination
finale, à une destinée sans mal. Il est beau ce rêve,
me dit-elle. Déjà ce matin, avant d'arriver ici, je prenais conscience que
c'était la première fois que je pouvais voir au grand jour de
merveilleux flocons tomber. Je me laissais enivrer par un tel
bonheur, contemplative à l’extrême de ce privilège naturel.
Je pouvais caresser de mon regard cette transparence, cette
fascination qui me faisait palpiter de stupéfaction. Mon
père était présent, il me semble, je le savais près de moi
partageant ce spectacle d’émerveillement. Les couleurs de
la vie s’inscrivaient dans leur scintillement, il y en avait
plusieurs et chaque flocon se ressemblait, même dans leur
différence. Je ne ressentais pas le froid, la température
était inadaptée à ce spectacle de cristaux. Ils avaient une
forme régulière et identique, mais tous m’éblouissaient
par leur magie, par l’impalpable qui se présentait sous
mes yeux et qui ne laissait aucune place à l’ordinaire.
Ils tombaient au ralenti, ils avaient une épaisseur et un
diamètre incroyables. Je me souviens de mon admiration
face à cela, l’étonnement, la béatitude. Ils se présentaient
sous une forme de gouttes. Je voyais du rouge, du bleu, du
vert derrière un blanc translucide et ce questionnement si
intense sur ce bien-être, comme si le froid avait déserté. Ce
n’était pas une chaleur que je ressentais, c’était un confort
indescriptible.
Valérie Timsit ouvre les portes de l'aéroport,
le ciel bleu me déstresse, l'air me fouette, je me sens protégé
par sa présence, par son inutile parapluie. Nous arrivons
sur le tarmac, ce même tarmac que j'ai regardé pendant
deux ans à travers les vitres des bâtiments postmodernes
qui font office d'accueil et de passage des touristes en mal
d'exotisme, je les ai observés au point de ne plus être maître
de ma vie. Tout s'était annihilé en moi, je lui dis : merci d'être
là, je n'étais plus aux commandes de rien.
Nous marchons
sur le tarmac, elle m'emmène sans rien dire, dans ce rêve
je repense à son rêve, j'aimerais voir pour une dernière
fois des flocons tomber devant mes yeux, sur mon corps,
dans mes songes. Pendant deux ans, dans cet aéroport sans
issue, je regardais le tarmac comme un océan à traverser
à la nage, comme une étendue sans vis-à-vis, incapable de
revenir sur mes pas, incapable de me souvenir de mes rêves
d'enfance. J'entends nos pas malgré les avions qui rasent
nos têtes. Nous traversons une piste puis une deuxième
piste, entre les deux une famille de lapins vit sans
embûches dans des couloirs profonds. Au bout de la
troisième piste, un petit avion nous attend. Je me sens
comme dans un dix-huitième épisode de la série de
Patrick McGoohan, un jeune homme fume une cigarette
à côté du jet privé, près d'un millier de paquets écrasés
derrière lui, autant de journées d'attente. Il se lève en
nous voyant, rassuré : enfin, vous êtes là. J'allume les
moteurs.
Je monte dans l'avion, soulagé. Où allons-nous ?
lui dis-je. Le pilote se retourne et me dit : c'est à vous de me
le dire, Monsieur Lowie. Allons-y !
Les portes se ferment.
L'avion démarre, j'observe de mon hublot Valérie Timsit
assise quelque part, dans un lieu inconnu ou devant
moi se révélait, un temps de rêve. Elle me fait signe de la
main. Un adieu apaisant.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Le vendredi 25 avril 1975, j’ai ouvert mes yeux à Lyon, ancienne capitale des Gaules, mais aussi capitale mondiale de la gastronomie. J’ai commencé par la nourriture, puis, je me suis retrouvée sur une montagne de lecture, pour laisser place à la culture. Et qui sait, un jour, peut-être à la censure. Qui suis-je? Je suis mère de ma plus grande richesse, mes deux enfants et mon livre. « Elle était belle ma mère... ». J’ai connu l’ivresse et la passion des mots en cours. Il me fallait écrire à toute heure, de tout temps, en tous cas, de toute façon, et bien sûr, reconnaître que cela était plus plaisant que de suivre l’Histoire du monde et les mathématiques dans le plus grand conformisme. J’avais ma propre école démocratique. Écrire par pur bonheur et m’imprégner de tant d’auteurs classiques, de ces hommes et de ces femmes d’une telle envergure que leurs âmes passaient au-dessus de moi et me faisaient un clin d’œil d’honneur. Je n’ai pas pu résister! Je les ai suivis, jusqu’à devenir auteure !
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com