Patrick Cardon
Patrick Cardon
Le portrait onirique de Patrick Cardon
Le portrait onirique de Patrick Cardon
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Sur la place de la vieille ville désenchantée aux pieds de
montagnes égarées. Traverser la place avec la hantise de se
faire poignarder comme dans un film d'Hitchcock. Dans le
rêve, tout ici semble plus moderne qu'avant. Quand je rêve
de ce pays, soit je me mets à l'écart de bombardements ou
je revois la ville modernisée avec des gens heureux d'euxmêmes
et heureux de me voir. Dans la réalité, tout y reste
cependant particulièrement banal, on dresse la table, puis
c'est tout. Patrick Cardon m'attend, bras croisés, les fesses
collées à la tôle d'un grand taxi. Il me regarde souriant prêt
à me sortir, de sa belle voix suave, un reproche en forme
de boutade ou une boutade en forme de reproche. Oui,
je suis en retard,
lui dis-je. Je lui raconte mes rêves, mes
cauchemars plutôt, et c'est étrange de raconter un rêve
dans un rêve. Il me dit : viens, je dois te montrer quelque
chose.
Il me prend par le bras et me dirige vers un lieu que je
ne connaissais pas. Il enchaîne : moi, mes rêves sont courts,
je ne m'en souviens presque jamais, quand j'étais jeune mes
rêves récapitulaient mes journées d'ennui. Parfois, je rêve
de situations de guerre dont je réchappe toujours mais
avec un sentiment d'effroi, je pense que ça doit venir des
récits de guerre de mes parents. Cet autre rêve, fulgurance
remarquable, lorsque je vois un pigeon qui devient enfant.
De retour sur la place, un dieu crie au loin, un jeune
homme arabe aux yeux de félin. Il apparaît d'abord comme
une mouche, puis il grossit, roule comme un serpent,
s'avance comme la flèche, traverse le feu. Le jeune homme
se pose de biais au pied d'un poteau dont personne n'a
jamais compris les raisons de sa présence, là planté dans le
nombril du monde, il nous lance un regard tel la foudre, il
ressent la puissance et c'est cette puissance qu'il veut nous
faire partager. Un spectacle fort curieux. Le jeune homme,
aux jambes qui tremblent, me demande qui nous sommes
il est pourtant évident que nous ne ressemblons pas à des
missionnaires déguisés en touristes, derrière nous, un
homme très âgé aiguise ses crayons en observant la scène. Je
me présente : Patrick Lowie, docteur ès songes et voici Patrick
Cardon, comtesse de Flandre.
J'avais l'impression soudaine
d'être au XIXème siècle dans un récit de voyages d’Émile
Guimet. Le jeune homme parle, continue sa conversation
en nous indiquant d'un geste que nous devons nous asseoir
à côté des crayons. La nuit tombe vite sur la ville, et en un
clin d’oeil, les étoiles resplendissent, la constellation de la
grande ourse est élevée dans le ciel presque vert, l'étoile
polaire est en forme de spirale sur l'horizon. J'éprouve
une sorte de vertige, Patrick Cardon aussi, il me le répète
doucement puis ferme les yeux comme transporté par les
parfums d'arbres en fleur. Il me dit : ton roman m'a fait
pleurer.
Je lui réponds : penses-tu que nous serions capables
d'aller à Mapuetos juste en fermant les yeux ? Nous avions
le coeur vide, ce voyage pourrait nous les remplir.
Nous
fermons les yeux, nos visions se confondirent à mesure
qu'on s'approchait de Mapuetos, la contrée devient plus
boisée, des rivières courent sous les figuiers. Je décris tout
ce que je vois à haute voix. Patrick Cardon me dit : arrête !
Gardons le secret de Mapuetos en nous.
Le jeune homme
disparaît sous un bus. Des bombardements détruisent la
ville mais nous restons figés, convaincus d'avoir empruntés
le meilleur chemin.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Né en 1952 dans un estaminet de Tourcoing, Patrick Cardon décide à 20 ans de poursuivre ses études à Aix en Provence où il obtient un diplôme de sciences politiques et un doctorat de Lettres. Ce faisant, il ne cesse de participer aux associations de militance homosexuelle. Au fur et à mesure de ses réflexions, il s’établit efféministe, prône une culture et un point de vue « transgenre » (queer). C'est à Lille, au retour de cinq années d’enseignement au Maroc et en Algérie (1982-1987) qu’il fonde en 1989 au sein de l’association GaykitschCamp une maison d’édition (QuestionDeGenre/GKC) spécialisée dans la présentation scientifique de textes devenus introuvables de l’histoire culturelle des gays et lesbiennes où il publia les premières études LGBT dirigées par Rommel Mendès-Leite et le premier témoignage d’un gay tunisien (Eyet-Chékib Djaziri) ; puis un festival annuel de films (Festival international QuestionDeGenre, 15 éditions de 1991 à 2005), des semaines culturelles Lesbian&GayPride pendant lesquelles il se réincarne en comtesse de Flandre ; enfin, le premier centre de documentation sur les sexualités plurielles et les interculturalités ouvert au public (2000-2005). Il vit actuellement à Montpellier pour poursuivre son travail d’édition.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com