Meriem Hadj Hamou
Meriem Hadj Hamou
Le portrait onirique de Meriem Hadj Hamou
Le portrait onirique de Meriem Hadj Hamou
Partager
Ne soyez pas ridicule, Meriem Hadj Hamou, descendez
de ce nuage bleu immédiatement ! Vous êtes risible !
Le jeune
homme s'agenouille et déclame avec emphase : J'invoque
l'architecte du ciel / Qu'écarlate la mère implore / Tandis
que la sève vermeille / Couvre sa terre d'horreur.
Elle reste
assise, de marbre, au bord du nuage, les pieds ballants, les
pieds libres, les pieds qui prennent l'air. Je suis moi-même
sur autre nuage qui s'approche d'elle. Elle m'observe et me
dit : vous vous rendez compte, Patrick Lowie ? Il déclame
ma poésie, il déclame mes mots pour m'ensorceler et pour
m'empêcher de rêver ! Je veux rester ici et tisser mes fils
évanescents…ou il m'aime, ou il ne m'aime pas. S'il m'aime
qu'il me laisse sur mon nuage, s'il ne m'aime pas, qu'il s'en
aille !!!….. je m'excuse, vous ne devez pas vous sentir obligé
de faire la conversation.
De fait, je me tais. Je me penche
avec cet air hautain que j'aime prendre pour me protéger
des situations les plus délicates. Je me dis : dommage que
je ne puisse pas voler vers d'autres nuages, je rejoindrais
le volcan Imyriacht à ma guise. Là je suis tributaire de ses
convulsions et du vent qui tourbillonne un peu comme mes
idées. Observer Mapuetos du haut de mon nuage est une
nouveauté. Je devine les silhouettes de Mapuetos, identiques
à celles de la mappemonde, j'observe des événements qui me
sont étranges, il m'est difficile de les décrire.
Mon cumulus
se rapproche dangereusement du sien. Ils s'accrochent, ne
font plus qu'un. Elle m'observe, je suis trop proche, elle
me dit : cela me dérange que vous fassiez contrepoids sur ce
nuage, cher ami. J'aurais préféré un éléphant ou une girafe
ou un autre animal de la jungle, pas un animal familier,
je ne voudrais pas devenir votre amie.
En bas, le jeune
homme, qui ressemble à un tolba, me lance une rame,
une deuxième, et un herz accroché à un câble métallique.
J'ouvre le talisman et je découvre un carré magique ayant
comme valeur soixante-six. Et je rame dans le ciel, sur mon
nuage, guidé par cet écolier de la zâouia.
je pense, donc je rêve… et quand je rêve, je pense
aussi. Elle me parle, je ne l'entends plus. J'aimerais revenir
en arrière, mais le tolba court comme un lévrier et tire mon
nuage, poids plume, vers d'autres horizons. Le vent s'est
éteint, la lumière souffle, tout est figé sous l'éclair d'une
force indescriptible, le lévrier est couché, du sang couvre
une partie de son corps, je pense survoler une zone sans
vie, des ombres sans visage circulent comme des fourmis
grouillantes en cohortes, des ombres qui se déplacent de
manière rectiligne, des ombres qui vont toutes dans le
même sens, j'observe mes mains, rien, pas de fourmis dans
les paumes. Je comprends qu'en laissant tomber le talisman
et son 66, je me libérerais du tolba mort, qui était dans sa
onzième année de médersa, on venait de lui supprimer le
pain et on l'avait expulsé. Je vérifie avec angoisse s'il n'y a
pas un six devant le soixante-six. Rien. Je tourne le talisman
dans tous les sens et je me rends compte qu'il pourrait être
écrit 99. Je me dis : ça change tout, si c'est 99, c'est bon, je suis
dans l'état de perfection.
Le nuage bouge un peu, le tolba se
relève et me fait signe, un au revoir chaleureux. Pris par la
lumière, je découvre le nouveau monde : tout est d'or : la
végétation, le vent, mon corps, le ciel, le nuage, tout est en
or. Je me réveille dans une pharmacie. Une femme avec une
blouse blanche me dit plusieurs fois : Monsieur Lowie, vous
m'entendez ? Vous avez l'habitude de prendre les pilules
rouges ou les pilules bleues ?
Je fais le signe 2 avec mes
doigts. Elle part puis elle revient. Je reconnais son visage,
c'est la poétesse sur son nuage. Elle me donne les pilules
et me dit : ça fait 66 dirhams, ce n'est pas cher pour rêver
un peu, n'est-ce pas ?
Je lui réponds : chère Meriem Hadj
Hamou, la poésie est gratuite, je prends ces pilules dans les
courtes périodes où plus rien ne me fait rêver. Maintenant
que j'ai vu Mapuetos de haut, je vais pouvoir écrire et écrire
tout ce que j'ai vu. Je vous ai donné 100 dirhams et vous
me remettez 1 dirham ! Pourriez-vous m'expliquer ?
Elle
s'avance et murmure : tout est en filigrane.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Meriem hadj Hamou, née à Casablanca et installée à Marrakech, pense qu’elle est auteur avant d’être pharmacienne. Les choses ne se sont pas passées dans cet ordre-là dans la vraie vie. Elle écrit de la poésie depuis sa jeunesse, mais l’exercice de la pharmacie lui a ouvert l’esprit sur d’autres formes d’écriture. Des nouvelles et des récits, mais aussi des tribunes, qu’elle publie régulièrement dans des journaux en ligne. Ils traitent souvent sur l’égalité pour les femmes, le droit à la liberté, la précarité, entre autres sujets de société. Depuis quelques années, elle a créé un blog littéraire : Les mots en filigrane, où elle compile certains de ses écrits, et publie régulièrement des textes poétiques sur les réseaux sociaux. En filigrane, édité par Orion Éditions en juin 2018, est son premier recueil de poésie.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com