Eric Petr
Eric Petr

Le portrait onirique de Eric Petr
Le portrait onirique de Eric Petr
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Sur l'écran d'une salle de cinéma, des images en noir
et blanc d'un film français de 1965, je reconnais Victor
Lanoux, c'est La vieille dame indigne
de René Allio.
Un film d'auteur comme on disait à l'époque parsemé
de chansons de Jean Ferrat. Le revoir aujourd'hui au Rio Tinto,
ce cinéma désaffecté de l'Estaque, ancien
quartier d'ouvriers à Marseille, me procure une nostalgie
bénéfique pour les interstices de mes neurones.
Pendant le générique de fin, je me rends compte ne pas
être seul dans la salle, un homme s'est endormi au premier
rang. Ce que je vais vous raconter maintenant est tout à
fait extraordinaire, de l'ordre du fantastique, je veux dire
que cela ne m'était jamais arrivé auparavant : le film était
terminé mais l'appareil continuait à projeter une lumière
blanche sur l'écran, on voyait la poussière au passage de
celle-ci, je me suis donc imaginé que l'homme assis au
premier rang était le projectionniste. Je me suis dirigé vers
lui et j'ai essayé de le réveiller mais impossible. Il dormait
profondément. La salle était devenue un cocon, une
ambiance onirique s'y était installée, des nuages de fumée
ou de la buée peut-être se propageait un peu partout sous les
sièges. En m'approchant encore, je remarquai que l'homme
se passait la langue sur ses lèvres souriantes, il avait soif.
Il se réveille, se lève, un appareil photographique à la
main, il dit : j'ai soif
et se dirige à tâtons vers l'écran,
l'ombre de son corps faisant désormais office de
personnage. La scène était particulièrement minimaliste
et monochrome. L'ombre se retourne et me voit, se
rapproche et me dit : vous n'êtes pas de Marseille ?
Je me suis
présenté sur un ton uniforme : Patrick Lowie, décrypteur de
rêves endémiques. Et vous ?
L’éclairage est devenu blafard,
l’ambiance en contraste avec le siège douillet dans lequel
je me trouvais il y a quelques instants. Il dit : je ne suis que
l'ombre d'Eric Petr, il va revenir, il est parti se désaltérer.
Allons le rejoindre !
L’atmosphère a soudainement basculé
dans une vérité crue, on est dans l'écran, plaqués par la
lampe du projecteur. Le photographe de talent dont l’oeuvre
parle de nos relations à l'univers, se retourne et me dit : voilà, j'ai pu satisfaire ma soif. Quittons cette salle d'eau.
Au moment d'ouvrir la porte de la pièce, on se retrouve
brusquement face à l'immensité de l'univers. J'ai le vertige,
lui pas. L'ombre a disparu. Nos corps flottent dans l'espace.
Nous nous sommes réveillés tous les deux dans le cinéma,
je m'avance vers lui et lui demande s'il avait vu l'univers
comme moi. Il me répond doucement, hébété : c'était un
choc où tout se défile en soi comme si les valeurs inculquées
s’effondraient comme si toutes les connaissances étaient
remises en question. J'étais là, planté sur un point liminaire
prêt à sauter dans l’infini. Je sentais une douce impulsion
qui me faisait lâcher prise et s’ensuivait une impression
vertigineuse de liberté qui m’envahissait. Mon corps flottait
dans l’espace.
Nous sommes sortis du Rio Tinto
en pensant
être sortis du rêve, de son épaisseur, j'essaie de saisir
l'intemporel. Je laisse venir l'incertain. Je constate que nous
sommes tous les deux habillés à l'identique : vestes de la
couleur du bleu de chauffe avec le col Mao, étrange mais
belle mode des années 1980. Nous observons les gens qui
vont à l'usine à pied, ils nous saluent comme si nous étions
ouvriers nous aussi. Pas de voitures par ici, rien que des
hommes aux yeux en forme de pépites, l'un d'eux me parle,
son visage brûlé par de l'acide chlorhydrique, il prétend
habiter dans une des maisons de La Coloniale.
Les mains
d'Eric Petr tremblent, l'appareil photo le démange, il guette
le moment du vertige pictural, sans attendre le printemps,
j'entends le son du déclenchement de son reflex argentique,
souvenir d'enfant, le soleil aveugle tout le monde, les
femmes sont chez elles, elles préparent le déjeuner, on ne
mange pas à la gamelle ici. On passe sous une voûte de
lauriers-roses puis on contourne un magnifique champ de
coquelicots à la façon de Monet. Par la polychromie des
lieux, j'avais compris qu'on était dans l'irréel.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Je suis un photographe français né en 1961 et je vis à Marseille. Très jeune, mes photographies, variations de lumière et de matière, parlent de notre relation à l’univers. Mes choix esthétiques se sont tout d'abord orientés vers des compositions minimalistes et des tirages monochromes. Pour autant, l'avènement du numérique au début des années 1990 a marqué pour moi, un moment de questionnement et d'interrogation. Une rupture avec la photographie s'imposait et cela me laissa le temps de reconsidérer ma relation à l'image et à l’appareil photographique. En 2003, le désir de créer à nouveau des photographies pour saisir l’intemporel, s’est tout à coup imposé à moi. Depuis 2013, je m'exprime en tant qu'artiste. C'est à partir de l'année 2016 que mes efforts ont commencé à être récompensés par des expositions et la réalisation d’un livre d’auteur aux éditions Corridor Eléphant.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com