Marie Nagy
Marie Nagy
Le portrait onirique de Marie Nagy
Le portrait onirique de Marie Nagy
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Je sens une présence envoûtante et désincarnée derrière moi.
Un soupir. Je murmure sans tourner la tête, le cou rigide penché
sur un bol de lait tiède, mes os usés ne souffrent plus d'aucunes
douleurs, vie banale sans effroi : ne me dites rien, surtout. Je vous
ai laissé entrer dans ce rêve mystique, je vous demande de laisser
la politique au seuil de ma porte, en-dehors de mon univers, sous
le perron d'accès de mon temple. Je vous en remercie.
La présence
s'approche, s'invite, une ombre, une personnalité multiple, un
esprit ?... sans me retourner, je poursuis : Eduardo Galeano
a écrit avec beaucoup d'élégance et de clairvoyance qu' « après
tout, nous sommes ce que nous faisons pour changer ce que nous
sommes. L'identité n'est pas une pièce de musée exposée sagement
derrière une vitrine, mais la synthèse toujours étonnante de nos
contradictions de chaque jour. » ...
j'offre un bouquet de silence
puis j'entends sa voix : je suis très émue que vous citiez cet auteur
uruguayen et ces passages du « Livre des étreintes » en particulier.
Que faites-vous exactement dans la vie ?
Question pertinente : je
sauve des mouches. Je leur donne du lait à boire. Vous devriez en
faire autant,
lui dis-je. On me dit écrivain, poète, alchimiste, mais
je ne suis qu'un penseur qu'on n'entend pas, depuis, je donne à
boire aux mouches. C'est un exercice, une concentration qui vous
permettrait par exemple de rêver un peu. Je parle du rêve freudien
et jungien évidemment, pas du rêve imbécile qu'on assimile à
l'espoir et qui nous enchaîne au modernisme futile. - Parce que
lorsque vous m'avez envoyé ce petit mot sur la carte blanche bristol,
« Je n’ai pas de rêve à raconter....Bien amicalement, Marie »... j'ai
cru que vous vous moquiez de moi. Nous rêvons tous et je me suis
demandé si vous n'étiez pas de ces êtres qui ne font qu'un seul
rêve dans la vie, le fameux rêve récurrent. Un rêve qui ne serait
plus à dévoiler, à raconter, le rêve irrésistible, le rêve à vivre.
Je
me retourne enfin et je lui fais le baisemain, plus par courtoisie
et admiration que par habitude. J'avais déjà dressé la table, et
préparé un dîner typiquement italien : huile d'olive d'Altomonte,
près de Cetraro en Calabre, pâtes, fromages, pain, olives
...
Nous
nous asseyons enfin, j'avais face à moi : Marie Nagy. Elle me
regarde et me dit : Patrick Lowie, nous nous sommes déjà croisés
dans les années quatre-vingt-dix, n'est-ce pas ?
Je lui réponds que
dans la vie, il existe des forces invisibles qui forcent des gens à
se croiser et d'autres à s'échapper. Nous nous sommes échappés,
je crois. Pour une nécessité de transformation de nos « moi »
.
J'observe de loin mon bol tiède :
« dans le lait des rêves il tombe
toujours une mouche »
(Ramon Gomez de la Serna), dis-je avec
précision. Je vais vous faire une prédiction : vous allez écrire un
roman existentiel, car au fond, vous êtes une âme solitaire et vous
allez donner vie à quelque chose d'important. Ce n'est pas pour
rien que vous habitez dans une ancienne imprimerie. Alors, vous,
savez,... les mouches, cette bande de voleurs, ...écrasez-les, faites en
de l'encre, qu'elles servent au moins à quelque chose.
Après le dîner,
je la vois disparaître dans les obscurités des ombres non effacées,
une subite joie me prend, je pense à l'incroyable et triste histoire
de la candide Erendira, car les désirs de vengeance naissent aussi
dans les corps purs et torturés. Des chants d'Alejandro Durán
s'échappent d'un appartement voisin. Les mouches ont profité
de mon absence pour se noyer dans le lait. Je les jette du haut de
mon temple dans les arènes de Santamaría de Bogotá.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 111 portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Née le 28 juillet 1957 à Bogota (Colombie), Marie Nagy est une sociologue et femme politique belge. Licenciée en sociologie de l'Université Catholique de Louvain en 1980, elle fut élue à la première élection de la Région de Bruxelles-Capitale en 1989. Elle est ancienne sénatrice et député fédérale.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com