Ce portrait a été publié dans le livre Le totem d'Imyriacht (2023) aux éditions maelstrÖm.
Jean-Marc Priels
Jean-Marc Priels
Le portrait onirique de Jean-Marc Priels
Le portrait onirique de Jean-Marc Priels
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Henri Vernes a écrit qu'il ne connaissait pas l'histoire ou
la fin de ses romans au moment où il écrivait les premières
phrases. Cependant, il savait que Bob Morane apparaitrait
forcément dans l'épisode suivant et qu'il était, lui-même,
le premier lecteur de ses aventures. C'est un peu comme
avec Mapuetos ?
me dit une jeune femme assise
face à moi, à la terrasse du restaurant Mamma mia
en
plein cœur de Bruxelles, place de la Monnaie. J'ai
l'impression que nous vivons ce rêve dans un monde
anachronique. Qu'en pensez-vous, Monsieur Lowie ?
Pas seulement anachronique, face à nous, un temple grec,
identique à l'Oratoire de Phalaris sur la colline de San
Nicola. Êtes-vous bien sûre de vouloir assister à ce
spectacle ? “Intranquillité” me semble un titre plutôt
rédhibitoire, vous ne trouvez pas ?
Un homme assis à une table à
côté nous écoute, me sourit, se lève et s'approche. Il me
dit : ne seriez-vous pas le célèbre docteur Patrick
Lowie ?
J'acquiesce d'un hochement douloureux de tête
puis d'un timide sourire. Je reconnais également le docteur
Jean-Marc Priels, un chapeau de paille blanc cassé entre les
doigts. La ville est inondée de soleil depuis plusieurs
années. Le docteur Priels n'a rien d'un red neck
.
C'est évident, ce matin il avait décidé de soigner
particulièrement son look décontracté mais élégant, sa
chemise en lin et sa veste en coton lui vont à merveille. Il
me serre la main, je reconnais le code et je lui dis : malheureusement, je n'en suis pas.
Je lui propose de
s'asseoir à notre table, un peu tard, j'ai cette fâcheuse
habitude d'oublier de mettre les gens à l'aise. Je ne le
fais pas exprès. Il s'assied donc et me dit : vous
venez voir le spectacle ? Mihaï Eminescu et son poème
Glosse ! Je frissonne juste à l'idée d'assister à
ça : “Le temps s’en va, le temps s’en vient, tout est
nouveau, tout est ancien. Ce qu’est le mal, ce qu’est le
bien, à toi de le savoir enfin ; n’aie plus d’espoir et
n’aie plus peur, ce qui est vague, vague meurt; à tout
appel, à tout appât, reste insensible, reste froid.”
La jeune femme observe d'un œil malicieux le docteur qui
paraissait si passionné face à l'intranquillité. Je cède à
son jeu de la déclamation et je dis presque chantant : dans tous les asiles il est tant de fous possédés par
tant de certitudes !
La jeune femme se moque de moi et
dit : vous citez Pessoa maintenant monsieur
Lowie ? Vous êtes tombé bien bas, insiste-t-elle en
riant, la main devant la bouche, l'ombrelle de dentelle
blanche posée délicatement sur son épaule.
Puis elle
s'adresse au docteur Priels : mon cher docteur,
Monsieur Lowie m'a raconté cette histoire étrange de
Map... Mapito.. Maputo... je ne sais plus...
elle
éclate à nouveau de rire.
Mon regard
devient sévère, brumeux, la main tremblante. Elle avale deux
nouvelles pilules d'ecstasy avec un verre de vodka fraise,
cul sec. J'ai l'impression d'être à Florence, assis à la
terrasse d'un café Piazza della Signoria en plein mois
d'août, avec comme seul décor les fesses du David de
Michelangelo. Eléonore Fleur m'agace d'un coup, son rire
mesquin, strident et exagéré m'agresse le tympan. Je sors un
long couteau et lui transperce la glotte et l'épiglotte, les
deux d'un coup, sans violence : venez docteur
Priels, ne vous inquiétez pas, nous sommes dans un rêve.
Avez-vous lu mes derniers travaux sur les rêves des bébés
phoques ?
On entre religieusement dans la salle,
le docteur se retourne plusieurs fois à la recherche de
Madame Fleur, mais plus de trace. La salle est vide, un
temple s'offre à nous dans un silence solaire. Il me dit à
voix basse : regardez, un moine est couché sur la
scène au centre d‘une rose des vents marquée par des
repères sur le sol pour guider le pas de danseurs absents.
Dépouillement. Rien. Le cercle et les lignes de l’homme de
Vitruve, tout petit, sur le sol. Ulysse angoissé qui
n’arrive pas à crier qu’il est Personne. La petite musique
lointaine de Felix Leclerc et accessoire dérisoire perdu au
bord de la fosse ses souliers qui ont tant voyagé. Ulysse,
Hippolyte, Oreste. La scène se transforme en un labyrinthe
maçonnique. Le chevalier à la rose de Strauss danse sa valse
en tenant la longue chevelure de Melissande. Fin du premier
acte. Le docteur Priels, exulte : vous avez vu
Docteur Lowie : la rose était jaune comme celle que
j’ai cueillie au jardin ce matin et que je place souvent
sur mon bureau au travail. Et dans la forge le chevalier
Siegfried qui chantait. Tout cela était remarquable !
Enfer, chaleur, flammes, bruits de crépuscule des Dieux.
Au fond la projection d’un buste de femme. Une
merveille ! Et la scène tournoyante ? Qu'en
pensez-vous ? Oh le bal du Roméo et Juliette de
Zefirelli.... tout cela était puissant, ne trouvez-vous
pas ? Les sept voiles colorés qui tombent du plafond.
Univers sensoriel et d'un coup la salle est comble, bondée
de monde !
Je n'avais
pas remarqué que l'épouse du docteur Priels nous avait
rejoint pendant la représentation, je la vois maintenant
assise au bord du second balcon, applaudir à tout rompre.
Deuxième acte : champs d’œillets sur la scène. Longue
procession de danseurs impassibles et Nelken-Line de Pina
Bausch. Le spectacle se termine en apothéose. On sort, il
fait d'un coup très froid, nous croisons une jeune dame et
son compagnon. Elle porte un manteau de feutre gris souris
et pousse un landau année soixante. Le docteur Priels se
penche et y voit des jumelles de théâtre et le chronomètre
de laboratoire de son père qui indique O’O’’, il se relève
et me regarde dans les yeux en disant : je ne savais
pas que vous aviez un œil d'émeraude, cher confrère.
Je me tais, je remarque que mon pantalon est imbibé de sang.
Je l'éloigne de sa femme et lui dis : docteur, je
pense que nous ne sommes pas dans un rêve. Je délire en
pleine réalité. Qu'en pensez-vous ? Vous vous en êtes
rendu compte en vous rapprochant de ma table, n'est-ce
pas ? Il serait peut-être temps d'arrêter tout ce
petit jeu et de m'interner. Dites-moi la vérité docteur
Priels.
Un homme
s'approche de nous, il a 33 ans, visage osseux, cheveux
coupés en brosse, yeux gris, carrure athlétique. Le docteur
Priels me présente : voici Bob, j'avais prévu cet
incident, Bob, accompagnez-le avec votre Spitfire jusqu'à
Mapuetos. Ça va le calmer.
Publications & anecdotes
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Bio
Jean-Marc Priels est psychologue et psychothérapeute. L’Approche centrée sur la personne de Carl Rogers, le personnalisme communautaire d’Emmanuel Mounier et la pré-thérapie de Garry Prouty sont les guides de sa pratique clinique. Il est directeur des équipes paramédicales à la clinique psychiatrique Sans Souci à Bruxelles. Au sein du service de Santé Mentale Primavera, il développe un programme de psychologie communautaire dans lequel les groupes de parole occupent une place centrale. Les groupes l’ont amené à voyager un peu partout dans le monde et il aime les faciliter dans des cadres de supervision ou de formation. Il est membre du comité éditorial de la revue ACP Pratique et recherche et collabore avec la revue Person-Centrered and Experiential Psychotherapies and Counselling..
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com