Elodie Haslé

Elodie Haslé

Le portrait onirique de Elodie Haslé

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Dites-moi Elodie Haslé, j’aimerais me coucher sur ce jardin de rocaille Hojo Teien, nu de préférence, oui, il fait trop froid aujourd’hui, mais j’aimerais tenter, entre les trois pierres là-bas, sous le soleil exactement, avec des marionnettes coquines qui bouquinent, si vous m'y autorisez bien sûr. Elle s’approche et me dit : je n'ai pas de rêve abouti à vous raconter. Je me dis que nous sommes ici au cœur de l’art de l’imperfection, je sens déjà le vent qui révolutionne doucement la conception du monde. Madame , lui dis-je, je suis ici grâce à vous, cette rencontre est déjà un rêve abouti, même si j’aurais apprécié une rencontre onirique à Mapuetos. Nous sommes, je crois, dans le temple bouddiste de Ryoan-ji au Japon. Le jardin de pierre zen, où les graviers sont soigneusement tracés de lignes par les moines à l'aide d'un fin râteau, les cerisiers majestueux en fleurs se mirant dans le lac, m'emporte vers une réalité alternative, semblable à un autre rêve. J’abandonne l’idée de me coucher en bouquinant, Elodie Haslé m’emmène sur des chemins que je découvre et elle me dit : je vous imaginerai revêtant l'aura de Khéops, le souverain des sables, dont la grandeur transcende non seulement la pierre, mais également le mystère qui enveloppe sa vie et son règne.

En quelques secondes me voici travesti, habillé du pouvoir pharaonique transcendé par l'immortalité. Je proclame que : comprendre l'art multidimensionnel, souvent incarné par des artistes polymorphes, peut s'avérer complexe. Il est délicat d'apprécier leur capacité à naviguer entre différentes formes artistiques, transcendant le monde onirique et la réalité sans contraintes temporelles ou spatiales. Bien que la complexité d'un parcours artistique soit reconnue, articuler cet aspect peut être ardu. Comment exprimer la puissance des artistes qui repoussent les frontières, encourageant l'exploration au-delà des limites ? Ils agissent dans le présent, façonnant un monde différent dans un siècle ou plus, souvent inconscients de l'impact qu'ils ont sur le monde. Quelques touristes britanniques applaudissent à l’entrée du temple pensant assister à un spectacle d’un anachronisme topographique et plutôt incongru. Elle me dit : Quel serait le devenir de l'être humain s'il était immortel ? Tout devient confus, le temple, la mer, un coucher de soleil étonnant proposant un dégradé de bleus et de jaunes multiples. Je monte dans un arbre avec ma tenue égyptienne, je déclame une tirade écrite avant l’aube, j’entends des critiques, des touristes français se moquent de mon accent lié à mes origines, ma langue chamito-sémitique, ils prétendent que je suis un imposteur, inconnu des médias donc forcément mauvais, ils sortent les mots woke et cancel culture qu’ils disent en anglais. Je clame mon innocence et mes derniers mots : la poésie n’est pas une marchandise vous les avez déjà “grands-remplacés” par des slogans publicitaires et des chansons pour midinettes. Les vieux touristes partent outrés par ma tenue et mes propos. Elodie Haslé a observé la scène dans le silence, un léger sourire aux lèvres, pensive elle me dit : j’aime l’idée que tout parcours de vie n’est pas irréversible, que tout adulte est responsable de son devenir par ses choix et ses comportements, que l’avenir d’un enfant n’est pas condamné à cause des épreuves qu’il a endurées.

Dans le rêve, tout est imprécis, il y a forcément de la vie et des couleurs, de la douceur, de la musique, des rires, des échanges vrais emplis de bienveillance et d’empathie, la découverte de l’autre, de lieux, de cultures et d’histoires à travers les voyages, la lecture, le cinéma. Tout est là, comme dans un rêve tranquille, sans angoisse ni malheur, sans prémonition de catastrophes interminables. Le rêve est beau. Elle me propose de quitter la ville, de rejoindre des amis, de rire, dans le rêve j’entends de nombreux rires, je vois des visages jeunes et marqués, des enfants qui crient. Elle me dit qu’elle a visité le château de Hikone, à une heure trente de train d’Osaka, qu’elle a croisé des personnes âgées respectueuses, alertes et joyeuses, grimpant un chemin de terre, un sac à l’effigie d’un personnage de manga sur le dos. Je ne sais pas pourquoi, ça m’a fait rire aux éclats. Elle me dit aussi qu’à Tokyo, elle a souri à la vue de femmes habillées en geisha empruntant le métro, alliances de traditions et de modernité échappées d’Asakusa, un quartier abritant le cœur de la vieille ville. Que le long de la rue Nakamise menant à l’ancien temple Sensō-ji, rivalisent des étals odorants proposant une cuisine de rue alléchante, ainsi que des boutiques artisanales traditionnelles aux vitrines soignées, diffusant de la musique populaire. Elle me raconte enfin qu’à Osaka, dans le métro, elle a souri à un jeune inconnu châtain en costume cravate bleu marine, les traits à la fois ouverts et préoccupés par l’entretien d’embauche qui l’attendait. Nous sommes les seuls représentants de l’Occident , ont murmuré nos regards en plongeant l’un dans l’autre. En cet instant furtif, le temps s’est suspendu, le champ des possibles s’est déployé, le futur a retenu sa respiration. À l’arrêt suivant, le jeune homme s’est levé, les portes de la voiture se sont ouvertes et il en a franchi le seuil. Depuis le quai, il s’est retourné et m’a jeté un dernier regard. 

J’aimerais ne plus me réveiller. Les instants fugaces deviennent des fragments de bonheur, éclairant le chemin de l'existence comme autant de lucioles dans la nuit. Le rêve, subtil mélange de réalité et d'imagination, se déploie comme une toile où chaque détail contribue à la magie de l'instant. Ces touristes vous ont énervé, me dit-elle, ça se voit sur votre visage, dans vos yeux. Je vous propose un petit jeu : revenons en arrière et effaçons-les de notre nuit onirique. Retournez au temple, il n’y a personne à cette heure. Couchez-vous entre les trois pierres comme vous en rêviez. Je vous attends ici. J’attends l’arrivée de l’arc-en-ciel nocturne. C’est bientôt son heure. Je suis son conseil et je me couche entre les trois pierres. Je ferme les paupières pour reprendre les liens avec la réalité. Mais je m’endors dans mon rêve. Un daim sika s’approche de moi, je sais que cette rencontre parle de prospérité, de longévité et de grâce. Je le sais. Je le ressens. Je me réveille pour prévenir Elodie Haslé, je me lève, je cours, je ris,... mais je ne la trouve pas. Puis, je la vois monter, en pleine nuit, dans un bus, le quatre-vingt-huit, au bras du jeune inconnu châtain en costume cravate bleu marine.  


Publications & anecdotes

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Bio

Auteure française, artiste-peintre, professionnelle de la santé, maman de deux filles, jeunes adultes, Elodie Haslé est née à Grenoble, a vécu quatorze ans à Lyon avant de s’installer à Bruxelles, en 2008. Son recueil de poèmes À contre-jour - Poésies pour petits et grands , illustré par ses soins (Edilivre, 2010), est considéré comme un outil pédagogique par la Cellule Culture-Enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En 2021, elle publie  Les suicidés , un premier roman suivi d’un essai qui se veut un outil de prévention du suicide. « Quel livre terrible et nécessaire ! » (Amélie Nothomb).  Son roman d’anticipation Agence n°22 a été primé dans le cadre de la Journée du Manuscrit Francophone 2023, dans la catégorie Science-Fiction. À travers son roman familial Par-delà les silences et les murs , elle explore quatre générations, des années 1920 à nos jours, du Vietnam à la Belgique, en passant par la France. Des femmes marquées par le poids de la culture, des traditions, des secrets, par la douleur du déracinement, au cœur d’un pays déchiré et meurtri par les guerres. Une plongée dans les coutumes du Vietnam, sa géographie, son histoire, sa politique, sa reconstruction. Un témoignage vibrant sur la violence intrafamiliale subie dès la petite enfance et sur un parcours de résilience. Une illustration de transmissions transgénérationnelles, brisées par la mise en lumière de la vérité. Un plaidoyer inspiré pour la liberté des femmes.

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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