Anwar
Anwar
Le portrait onirique de Anwar
Le portrait onirique de Anwar
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Le chanteur est assis, il regarde vers le haut, en absence
de nuages, il voit au-delà du bleu, il voit au-delà de ce qui
est visible. Puis il baisse la tête et regarde vers le bas, en
absence de peurs, muet, il voit le coeur de la terre. Le dos
collé à une maison en pisé, une guitare en bandoulière,
concentré sur lui, la main droite caresse le sol, des fourmis
s'invitent et remontent tout le bras qui avait pris la forme
de la racine d'un figuier. Anwar gratte les cordes de son
instrument, une note avec mélancolie, une autre avec
alacrité et franchise salutaire. Tout cela sans encore avoir
chanté un mot, c'est son corps qui fredonne, ce sont ses
cheveux qui sifflent dans le vent, ce sont ses yeux qui
enflamment les rêves, son sourire qui nous emporte dans
un autre monde, une âme qui fait monter les germes.
Nous sommes sur un des nombreux chemins qui mènent
à Mapuetos. C'est ici qu'Anwar m'attend depuis plusieurs
jours. Il avait, dans un premier temps, abandonné l'idée
de m'accompagner dans ces contrées invisibles, la seule
évocation du volcan Imiryacht le mettait dans une forme
de transe qui l'empêchait de dormir car il chantait pendant
cinquante-huit heures sans interruption. Puis il s'est ravisé.
Il s'est dit prêt à aller vers l'irréel. Ce qu'il ne sait pas, c'est
que je l'ai transporté, malgré lui, dans mon rêve. Il m'avait
répété : Patrick Lowie, j'ai beaucoup de respect pour les gens
qui viennent vers moi et qui s'intéressent à ce que je fais
mais malheureusement je ne me souviens jamais de mes
rêves.
Après une longue nuit de conversation enrichissante
sur la vie, la poésie et le monde, il s'est mis à chanter enfin How can I do.
C'est rare de se voir dormir dans un rêve,
c'est pourtant ce qu'il s'est passé. Nous nous sommes
réveillés dès l'aube par le son de voix humaines annonçant
à l'infini des mots que je ne comprenais pas mais aussi
par le son de fanfares et par les détonations de pétards.
Une fête gigantesque s'installait progressivement tout
le long de la route des villages, comme si le Gouverneur,
récemment promu, tenait à signaler son entrée sur la scène
nationale par des réjouissances mémorables. Sommes-nous
déjà à Mapuetos ?
me demande le jeune chanteur. Je lui
réponds que nous en sommes encore loin et que toutes ces
festivités sont créées par l'inconscient pour nous empêcher
de rejoindre la magnifique.
Nous passons la journée à
observer et écouter les jeunes gens des villages transformés
en acteurs répétant un grand drame composé en vers par un
ancien poète du cru, d'autres hommes, plus âgés fabriquent
des lanternes de papier coloré qui seront accrochées au
fenêtres et aux portes des maisons en terre. Anwar a chanté
toute la journée de sa voix d'or. La foule se tient debout, en
plein air, sur une vaste esplanade qui fait face au théâtre.
Le théâtre même, construit en huit jours, n'abrite que les
notables, les acteurs sur scène jouent une pièce étrange qui
mélange monstres, magie, masques… au fond du théâtre,
au-dessus du rideau qui sépare les coulisses de la scène, une
échelle, qui grimpe sur le toit, représente les montagnes
et les abîmes sur lesquels règnent les monstres terribles.
Je murmure à l'oreille du chanteur : votre talent est mieux
inspiré, avec plus de force et de sincérité, la façon que vous
avez de raconter l'introspection, l'amour, la désillusion et
la solitude est remarquable. Aucun navire ne se rend à
Mapuetos, les routes pour y arriver : c'est un labyrinthe sans
sortie, aucun taxi ne nous y emmènera. Déchantez. Je vous
dis cela car je sais que lorsque vous vous réveillerez vous ne
vous souviendrez plus de rien. Observez comme le public est
subjugué par ce spectacle minable, suivez-moi.
Anwar me
suit, un acteur crie : quelle horrible solitude ! ,
nous passons
derrière les rideaux, on voit un roi déjanté sur son trône,
puis dans une autre pièce une chambre nuptiale, au sol un
serpent de carton et un trognon de pomme, je me retourne
et je vois les spectateurs qui dorment les yeux ouverts.
En arrivant dans la dernière salle, je tire d'autres rideaux
encore. Nous découvrons une étendue sans fin. Du sable.
Anwar passe au-dessus d'un muret, s'assied et contemple le
paysage. Une femme le photographie de dos. L'air s'arrête
autour de nous. Des gens viennent me saluer puis vont
danser puis disparaissent. Ils sont des milliers à me serrer
la main. Emporté par cette marée humaine, je perds pied et
je perds de vue le chanteur qui disparaît à son tour.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Entre la pop, le folk et beaucoup d’autres influences, Anwar est un globe-trotter, auteur-compositeur
Belgo-Marocain qui s’est construit à travers ses voyages, racontant ses histoires de tous les jours et
celles des gens qu’il rencontre sur son chemin. Après un premier album « Beautiful Sunrise » (Sony
Music), écouté plus de 25 Millions de fois sur Spotify à ce jour, Anwar écume des dizaines de concerts,
festivals et premières parties d’artistes confirmés. Avec son univers solaire, teinté de « positives
vibrations », Anwar arrive avec un deuxième Ep de 5 titres sorti en Octobre 2022 et un album prévu en
Mars 2024. (Thinzik / Universal distrib).
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com