Ce portrait a été publié dans le livre Le totem d'Imyriacht (2023) aux éditions maelstrÖm.
Domènec Ruiz Devesa
Le portrait onirique de Domènec Ruiz Devesa
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Je venais de faire un rêve étrange, je dormais dans une chambre d'hôtel, j'avais froid mais pas la force de me lever pour fermer la fenêtre, j'étais entre le rêve et la réalité, alors que je me savais seul dans la chambre, je sens la présence de quelqu'un, c'est ma mère, elle me dit : ne t'inquiète pas , elle s'assied dans le lit, me prend par la main et s'endort. Je me suis réveillé furieux. Parce que je m'étais préparé pour un week-end studieux dans une ville occupée où j'espérais avancer sur mon roman, écrire un portrait onirique, répondre aux mails en retard, lire un bouquin que j'avais déjà lu en pdf mais que j'aurais aimé relire en format papier, terminer un site web promis il y a trop longtemps, imaginer un buzz pour Next (F9), revoir les films de Jodorowsky, je m'étais dit que ce serait également l'occasion de faire des achats et en même temps de rencontrer l'amour du reste de ma vie. Bilan : tout ce que j'ai fait c'est dormir et rêver de ma mère. J'ouvre la fenêtre qui donne sur la rue principale et j'observe pour la septième fois un mec qui se promène de long en large avec des haut-parleurs pour nous faire entendre la musique de Haendel, Zadok the Priest . Ma chambre donne sur la maison des dragons, je pensais que j'allais rêver de vouivres mais pas du tout. J'observe les dragons, ils m'apaisent. Quelqu'un frappe à la porte, j'ouvre. L'homme dit : Monsieur Patrick Lowie, il faut que je vous parle. C'est urgent. Mon nom est Domènec Ruiz Devesa, nous nous sommes rencontrés à Bruxelles l'année passée…
Je le laisse entrer, je suis étonné car personne ne sait que je suis dans cette ville, sur ce territoire, dans cet hôtel dans cette chambre n°111. Il poursuit : voilà, je vous explique, j'ai fait neuf rêves essentiels sur une période allant du 8 septembre 2017 au 10 septembre 2019. Les voici : le 8 septembre 2017, je rêve que je suis dans l'appartement de mon ex avec mon fils. Il n'a que deux ans, il est dans mes bras. Je fouille dans un tas de cartes postales comme si j'étais encore chez moi, je cherche les cartes que j'avais envoyées. Un homme sort de la chambre à coucher. Mon ex sort aussi de la chambre, en sous-vêtements, ils se parlent, je suis invisible, mon fils aussi, ils nous enferment dans l'appartement, je me demande comment je vais en sortir. Le 18 septembre 2017, je suis à nouveau avec mon fils qui a toujours deux ans, on flotte, dehors, je ne sais plus où, il y a une troisième personne, je ne sais pas qui c'est. Nous volons vers les États-Unis. Mon fils tombe dans le vide, impossible de le rattraper, je ne le retrouve pas. Le 11 septembre 2017, je vois Jorge Luis Borges dans une boucherie, il prend une pile de livres, il les met dans un ordre bien à lui puis les dépose dans la presse à steak haché. J'essaye de lire dans la viande. Le 25 mars 2018, je n'ai pas pu tout noter, il n'y a que des mots-clés : marche, Espagne, campagne, canaux, voyageurs, mon ex n'est pas là, … je pense que c'est le rêve le plus essentiel mais je n'ai pas bien compris. Le 22 septembre 2018, je suis dans une maison en pierre, je suis un des personnages dans Farenheit 451, je cours, on me poursuit, l'homme qui me poursuit tombe dans l'eau d'un lac. Le 27 septembre 2018, j'observe un petit avion qui entre en collision et tombe dans la mer, j'entends les cris de gens enfermés dans l'avion, je suis géant, j'enlève avec deux doigts l'avion de l'eau et j'ouvre la porte de l'avion, tout le monde sort vivant, ma mère aussi. Le 2 avril 2019, je suis dans l'eau à la plage. Le ciel est couvert, il fait noir, je vais vers la terre mais le courant m'en empêche. Le 7 juillet 2019, j'arrive à Ceuta, ici donc, je prends le train et je traverse l'Afrique du Nord jusqu'au canal de Suez. Arrivé de l'autre côté du canal, je prends des photos, je veux revenir mais j'oublie ma valise. Je sais que si j'attends ma valise je ne rentrerai jamais. Le 10 septembre 2019, je suis avec mon fils à la foire, nous regardons un train qui est minuscule puis qui s'avance vers nous et qui devient immense. Voilà… j'aimerais savoir si tout cela a un sens, c'est urgent, je vous en prie.

Je lui propose d'aller dans le hall de l'hôtel : je vous rejoins dans quelques minutes , lui dis-je. Je referme la porte, me brosse les dents, noue les lacets de mes chaussures. Je sors, referme la porte derrière moi, je suis attiré par le 111 écrit sur le mur. Je m'avance vers l'ascenseur qui m'attend, je descend, j'arrive dans le hall, il n'y a personne. On entend la voix de Joaquìn Sabina qui chante à la télévision. Je vois six petits papiers au sol avec six mots, son rêve du 25 mars 2018. Je m'assieds dans un des fauteuils, je me dis que cette date me dit quelque chose. Je vérifie dans mon agenda. J'étais à Bruxelles ce jour-là, j'étais à l'hôtel Siru, j'y avais croisé Marceau Ivréa qui m'avait raconté son rêve avec Rimbaud, les surréalistes et Mapuetos. Domènec Ruiz Devesa a diparu ? N'était-ce qu'une apparition pour me rappeler que Mapuetos n'est plus très loin. Impossible de faire marche arrière. Mapuetos, c'est devant, plus loin, ailleurs. Mapuetos, c'est demain. Je sors de l'hôtel, Domènec Ruiz Devesa est un géant, il me prend de haut avec deux doigts, le vent souffle, les pieds dans le vide, après quelques minutes, il me dépose sur une montagne, il fait noir, j'arrive dans un endroit qui me semble familier, que j'ai déjà rêvé. En grand, l'inscription : MAPUETOS. Me voici au point de départ de l'aventure.
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