Denis-Martin Chabot
Denis-Martin Chabot
Le portrait onirique de Denis-Martin Chabot
Le portrait onirique de Denis-Martin Chabot
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Le temps n'est pas ce que j'ai de plus précieux.
Oui, je peux te le répéter encore et plusieurs fois. Je
peux articuler aussi, me déchirer la bouche pour te dire
que le temps n'est pas ce que j'ai de plus précieux. C'est
toi mon métal précieux, une forme de malédiction. Puis
un moment de doute, je me fissure, des petites billes
colorées me sortent des pores. C'est un rêve érotique voilé,
prémonitoire, qui s'achève sur un voyage maritime sans
savoir de quel côté de l'océan on navigue. Je me réveille.
Me voilà à Montréal-la-belle, sous la neige ou pas, je ne
sais plus, tout se mélange avec ces putains de douleurs dans
le ventre, me voilà dans les rues envahies de cyclistes, les
pédales au bout des doigts de pieds, avancer un pied et puis
l'autre, ou l'inverse je ne sais plus avec ce putain de mal
au crâne, me suis-je vraiment réveillé ? Puis j'entends
quelqu'un m'appeler : Patrick Lowie !
Vous ! Ici ! Incroyable ! Je suis tellement
heureux de vous revoir.
Denis-Martin Chabot, écrivain
aux immenses talents, accolade, je lui dis : la
dernière fois qu'on s'est vu, c'était dans le métro à
Paris, vous vous souvenez ?
Il ne réagit pas, je
parle au néant, des petites billes colorées me sortent des
pores, la fin d'un rêve, encore ?
Les yeux fermés, je me vois au coin des rues
Sainte-Catherine et Atwater, des écrans plats forment des
façades de maisons non habitées, sur chaque écran,
Denis-Martin Chabot micro au menton, en direct de tel
accident d'avion, en direct de tel carambolage, en direct de
telle manifestation… les images se superposent, les écrans
explosent, les pixels en fuite. J'aime cette ville, je l'ai
aimée. Je ne sais plus marcher, plus fuir, les pieds dans le
béton, j'appelle à l'aide personne ne réagit. Des gens
passent en voiture, ralentissent et me regardent. Des gens
me parlent comme si tout était normal. De mon moi intérieur,
je leur dis que mes pieds sont dans le béton. Ils me parlent
d'autres choses, me félicitent, m'embrassent. L'ami Dany
Laferrière me prend dans ses bras ; Xavier Dolan passe
au ralenti en me disant non
de la tête ; les
chiens de Denis-Martin Chabot tirent sur mes lacets qui
sortent du béton ; Janick Belleau me glisse un haïku
dans l'oreille ; Micheline Beaudry un autre dans ma
poche ; Rodney Saint-Eloi, un frère, veut m'emmener, me
tirer vers le haut, il comprend que je suis prisonnier.
Lourdeur. Des anges me prédisent : un jour, j'ai rêvé
que je me marierais à Montréal
. Un autre : je
n'ai pas encore connu l'amour de ma vie, sans quoi je ne
serais pas célibataire aujourd'hui.
Je les chasse en
montrant mon doigt. Des petites billes colorées sortent des
pores de tous les corps, à l'angle des rues Sainte-Catherine
et Atwater.
Je sors du Tatoo Art Connexion
où je me suis fait
tatouer un serpent sur l'index de la main droite. J'avais
donné rendez-vous avec Denis-Martin Chabot au Starbucks
à cent mètres. Je lui raconte mes rêves. Il trouve tout cela
très drôle, je suis là mais je ne bois plus de café. Il ne
dit rien, je sens la complicité. Puis, à
brûle-pourpoint : écoutez celui-ci cher ami, c'est
un rêve bien étrange aussi. Je rêve que je dors. Puis dans
mon songe, je ressens une présence. Dans les nuages du
sommeil, je n’ose pas ouvrir les yeux. Ai-je peur ? Peur
de la vraie peur ? Ou peur de connaître la présence, ses
antécédents et son motif. Qui est-il ? Elle ? Il ?
Oui, il. Il n’a pas prononcé un traître mot. Pourtant, je
sais. Je ne sais s’il est porteur d’une prémonition. Je ne
crois pas aux rêves. Juste celui-ci. La présence insiste.
Je me réveille. Dans mon rêve. Je me réveille dans mon
rêve. Dans l’embrasure de la porte, un faisceau de lumière
éblouissante. Il se tient en plein milieu. Si je n’étais
pas athée, j’aurais cru voir un ange. Je n’ai pas peur. Je
ne suis pas réconforté. Je ne suis pas bien. Je ne suis
pas mal. Je m’inquiète. Il veut me dire quelque chose. Je
me suis levé. Je suis allé vers lui. Il s’est envolé dans
la lumière. Je me suis réveillé du rêve dans lequel je
rêvais. Je n’ai rien compris. Qu’y a-t-il à comprendre ?
Un constat. Un état des lieux. Une visite éphémère telle
la vie. Comme le bonheur. L’amour. Oui, l’amour. L’amour
n’est qu’une touriste dans ma vie. Après chaque séjour,
elle laisse mon environnement souillé me rappelant la
présence, le rêve. Je ne suis ni triste ni heureux. Je
comprends enfin.
C'est à ce moment-là que j'entends des clochers d'églises
comme si Rome était à côté, comme si toutes les images de ma
vie entraient en moi, ces petites billes colorées
reviennent, pénètrent mes pores, je revois tout, les
premiers amours, les premiers espoirs, les premières
rencontres, les premiers films, les premières déceptions,
les premières trahisons, là tout devient comme du cinéma
élargi, des projections intérieures. Il reprend un deuxième
café. Mes chaussures ont gardé des traces du béton. Dehors,
un anachronique vendeur de journaux crie : « La
paix est signée ! Le temps n'est plus ce que nous
avons de plus précieux
».
Publications & anecdotes
Nous n'avons rien à vous proposer pour l'instant.
Bio
Originaire de Québec, Denis-Martin Chabot a
étudié le journalisme à l’Université Carleton à Ottawa.
Il a été journaliste à Radio-Canada (radio, télévision
et web) pendant 32 ans. Il est désormais pigiste et
documentariste. Comme auteur, il a publié des romans,
dont Rue Sainte-Catherine Est, métro Beaudry
et Il y a longtemps que je t’aime, je ne t’oublierai
jamais
, qui ont obtenu le Prix d’honneur du Prix
du Roman gay 2017. Escales parisiennes, publié en 2019,
a été finaliste au Prix littéraire international
indépendant (Italie). Il a aussi écrit plusieurs
biographies. Il a également contribué plusieurs textes
dans des collectifs. L’Amant de Samuel
est sa
première pièce de théâtre; elle a été créée en 2017 à
Montréal.En tant que comédien, il a joué dans La
(rire) appropriation culturelle
(un spectacle
d’humour dont il a également été le producteur). Il a
joué au Théâtre de l’Île à Gatineau, au Théâtre français
d’Edmonton (TFE) et à l’Unithéâtre d’Edmonton.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com