Carl Jaro
Carl Jaro
Le portrait onirique de Carl Jaro
Le portrait onirique de Carl Jaro
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Le désir c’est la distance à parcourir entre la soif et la
fontaine qui recule au fur et à mesure qu’on avance vers
elle,
me dit d’une voix grave Dany Lafferière. Dans le rêve,
nous sommes dans une galerie d’art à Montréal.
Mes auteurs haïtiens préférés sont là, des amis aussi. Ce
cher Rodney Saint-Éloi, qui me promet un rêve depuis si
longtemps en ajoutant
: sur les mangroves, je te jure.
Tout
ça dans un rêve qui part de Cavaillon, paysage blessé par
sa douce rivière asséchée par les mensonges, des galettes
de cassave emballées dans un tissu humide, humide d’on
ne sait quoi. Un très beau jeune homme sort de la galerie
Blanche, 221 rue Saint-Paul Ouest et nous rejoint dans
la péninsule de Tiburon. Je traverse la route, une voiture
à vive allure me percute violemment. Je ne sens rien,
me relève, le jeune homme s’approche et dit
: vous avez
de la chance d’être encore vivant. Je me présente
: Carl
Jaro, je suis mannequin, réalisateur engagé et acteur.
Je viens de réaliser un film
: «
Les amants de couleur
».
Il
est possible que je classe ce rêve dans le tiroir des songes
étranges, sans sens, des rêves allégoriques. D’autant que
la colonne sonore de ces images ressemblait à une playlist
de musique brésilienne des années soixante-dix. En me
relevant je constate que mes amis poètes ne sont plus là,
et je dis au jeune homme
: moi, c’est Patrick Lowie, je sors
d’un rituel vaudou de magie rouge, la devise de mon pays
est «
L’union fait la force
», j’écris des mots dans l’herbe
bleue, je ne compte plus les coups. Où sommes-nous
?
Le
jeune homme m’explique que nous sommes à Haïti et
que nous allons marcher quelques heures. Puis me lance
: c’est comment le rêve d’un Belge
?
Ma réponse fut brève. Et le rêve d’un Haïtien
?
,
lui dis-je. Il s’arrête net, lève la
tête de fierté et dit
: si le 1er janvier 1804 est une date de
référence pour tous les peuples opprimés du monde en quête
de liberté, d’émancipation et d’indépendance, la situation
actuelle du pays s’apparente à un instrument de torture,
à une mixture d’avilissement, d’asservissement, d’humi-
liation et de souillure jetée à la face de tout Haïtien.
La réussite individuelle aura toujours le goût rance de la
misère qui règne en seigneur sur la terre d’Haïti. Il n’y a
pas un coin du monde où des âmes haïtiennes ne pleurent
dans le deuil pensant à ces vies qui se sont sacrifiées pour
la liberté et qui caressent au fond de leur cœur le secret
désir de s’affranchir des étreintes de l’exil. Nombreux
sont morts en attendant ce jour. Le flambeau nous a été
transmis non seulement pour que ce rêve vive mais aussi
et surtout pour qu’il devienne réalité. Haïti hante, déroute
et refuse de laisser la vie continuer sans elle. Alors, chers
compatriotes, la flamme que je tiens symbolise l’amour
que je porte à Haïti c’est aussi le désir ardent qui brûle en
moi de voir la paix, la joie, la liberté vivre dans le cœur
de tout Haïtien, mais pour se faire nous devons nous unir
pour notre Haïti.
Ma première réaction a été l’étonnement,
je pensais que
le petit prince d’Haïti
allait me parler de
l’amour entre hommes aux Antilles, des amants de couleur,
des tabous ravageurs, immondes, meurtriers. Le silence
enveloppe nos corps qui marchent à nouveau vers
la destination inconnue. Où allons-nous
?
dis-je sans
conviction. Silence encore et toujours, comme s’il méditait,
transcendait, créait, se réinventait. Nous arrivons enfin. Où
sommes-nous
?
Il me répond que ce lieu s’appelle Lohier.
Ne cherchez pas sur Google Maps, vous ne le trouverez pas.
Il s’éloigne puis revient. Vous savez ce que signifie pour
moi Lohier
?
lui dis-je. Il me fait signe que non de la tête. Lohier est le nom de mon aïeul, à l’origine notre famille ne
s’appelait pas Lowie. Que vous me m’emmenez ici dans ce
rêve sur une terre inconnue qui porte le nom de mes ancêtres
est une énigme onirique. Y a-t-il un volcan dans le coin
?
Nous échangeons un regard entendu qui ne me déplaît
pas vraiment.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Carl Jaro, né à Port-au-Prince le 16 aout 1987 était en 2016 le 2ème mannequin le plus influent du monde d'après TROPICS MAGAZINE. Il est réalisateur, acteur, scénariste, producteur franco-haïtien. Il réalise en 2016 son premier court-métrage "Les amants de couleur".
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com