Mouhsine Aktoul
Mouhsine Aktoul
Le portrait onirique de Mouhsine Aktoul
Le portrait onirique de Mouhsine Aktoul
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J'ai la crève, c'est vrai. Je devrais être dans mon lit et
pourtant je suis dans le temple de la consommation, le
fameux temple avec des néons bleus et des néons jaunes.
C'est ouvert jusqu'à minuit. Et là, pour une raison qui
m'échappe, je me dis que j'aimerais raconter à quelqu'un
mes souvenirs. Puis je me ravise, à quoi bon ? Tout le
monde semble tellement dans l'instant présent, l'instant
d'achat et de vente. Les néons restent allumés mais tout
le monde est parti, il n'y a plus que des ombres et des
conversations fragmentées. J'aimerais parler à quelqu'un
de Mapuetos, de Marceau Ivréa, de mon rêve de cette nuit
– surtout le passage quand Xavier Löwenthal m'explique
que je ne fais plus partie de son cercle et que, très en colère,
j'ai crié façon Nanni Moretti dans la Palombella Rossa :
mais de quoi parles-tu ? De quel cercle s'agit-il ? Les mots
sont importants ! Vas-y explique-moi tout ça !
Et là je ne
sais plus si j'ai la crève, si je suis réellement dans ce temple
de la consommation aux lumières clignotantes comme
dans un bordel au Texas où si je dors ou pire si je meurs.
Un jeune homme s'approche de la table et me dit : vous
n'êtes plus végétarien ?
Il me tend la main puis : vous ne me
reconnaissez pas ? je suis oncle Mouhsine.
À l'instant où il se
présente, je savais que c'était à lui que j'allais raconter mes
souvenirs. Son regard me donne confiance, le regard d'une
terre oubliée, le regard de l'incantation. Je lui dis : cela fait
du bien d'être oncle. Oui, je suis toujours végétarien mais
il m'arrive de manger de la viande dans un rêve, comme
pour me rappeler le mauvais goût du sang.
Mouhsine
Ktoul s'assied à ma table, sans rien me demander, comme
si je faisais partie de sa famille, sans reproche, comme
s'il venait me reprendre après une nuit trop arrosée dans
un café sordide du coeur de la ville, comme si j'avais déjà
trop rêvé cette nuit, englouti dans une masse de songes,
… allez, Patrick Lowie, il est tard maintenant, il faut
se réveiller même si j'adore vos rêves, ils sont tellement
réels.
Je m'enfonce dans le fauteuil en fredonnant
l'adagietto de Mahler, je ne vois plus très bien, tout est flou,
je frissonne de froid c'est pourtant l'été, je ne parviens pas
à le fixer dans les yeux, son corps se balance légèrement, la
main toujours tendue, le sourire du brave apôtre, la belle
âme berbère, je tapote les doigts sur la table, ça c'est la
marche funèbre
me dit de loin une femme qui ressemble
à ma mère lorsqu'elle avait dix-huit ans. Xavier Löwenthal
revient et me dit : je ne sais pas de quel cercle je fais moi-
même partie. Ou cercles. De toute évidence, ses contours
sont très mouvants et poreux. Une très grande bulle de
savon dont on ne voit pas les contours et qu'on peut traverser
sans l'éclater.
Il voudrait continuer, mais la grande bulle de
savon l'empêche de parler, il en voit désormais les contours
et est incapable de la traverser. Un coup de vent, une porte
qui claque, la bulle se soulève et prend la direction des
mers australes. Oncle Mouhsine observe mon sourire, mes
yeux vagues, il me supplie de me réveiller comme dans un
cauchemar. Il me prend la main, puis me porte, j'ai quatre-vingt-dix ans au moins. Vous avez quel âge Mouhsine ?
Il me répond qu'il n'est pas encore né. Quel rêve vous a le
plus impressionné ?
Il me répond qu'il est parti en voyage
dans le désert avec des amis et qu'il s'est perdu en plein
Sahara, qu'il s'est perdu entre les dunes de sable, qu'il se
sentait seul. C'était un beau rêve alors ?
Sans son bras, je
serais incapable de marcher, j'aimerais que quelqu'un
écoute mes souvenirs, j'ai trop rêvé, j'en ai trop parlé, emmenez-moi une dernière fois dans le désert et perdons-nous.
Ces histoires m'enferment.
C'est ainsi qu'au réveil
de ce très long rêve, je suis assis au sommet d'une dune
à côté de l'oncle Mouhsine à qui je raconte tous mes
souvenirs et qui me sert du thé, par automatisme. Au loin,
le volcan Imyriacht crachait ses mots encore et toujours,
Mouhsine m'interrompt et me dit : la vie n'a pas de sens
prédéfini, vous devez créer votre propre sens à votre vie,
la lave cimente nos pieds, des bulles de savons éclatent
les unes après les autres, je parle pour m'endormir
mais je reste éveillé, l'explosion est imminente. Quelle "explosition" ?
me dit Mouhsine K'toul. J'entends
les pulsations du monde,
lui dis-je. Il me répond que je
me trompe, que j'entends seulement des coeurs battre.
Quel genre de coeurs ? De quoi parlez-vous, Mouhsine,
puisque je vous dis que l'explosition est imminente !
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Mouhsine Aktoul est né le 27 septembre 1993 à Ait Ben Haddou, Ait Zineb dans la Province de Ouarzazate (Maroc). Il est Conseiller Service Automobile à Beni Mellal (Maroc).
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com