Mehdi Berrada
Mehdi Berrada
Le portrait onirique de Mehdi Berrada
Le portrait onirique de Mehdi Berrada
Partager
Allô, Monsieur Mehdi Berrada ? Nous ne nous connaissons pas.
Mon nom est Patrick Lowie. Je vous appelle car j’aimerais vous
parler d’un projet très particulier. Vous allez me prendre pour un
hérétique. Les chiffres de votre numéro de téléphone me sont apparus
dans un rêve 066666666. Puis j’ai découvert sur le web quelques
photos de votre travail. Après un court silence, il me répond : vous
habitez en Belgique ? Si un instant vous pousse vers le sud, venez
me voir, nous pourrions échanger quelques idées et des politesses.
Tout le rêve ressemble à un clair-obscur, comme dans une
photographie noire et blanche d’Alfred Stieglitz, comme si
nous étions figés, violents, soumis, dans l’entrepont d’un bateau
amarré dans un port d’une île d’Afrique, prêts à naviguer.
Rendez-vous déjà pris en un instant, poignée de main forte,
paume contre paume, engagement onirique, le mercure grimpe
à notre insu, j’observe l’eau qui, dans les rêves, représente le
conscient et l’inconscient, l’âme de la vie. Un jeune homme au
loin, Zucholin, roi du Sénégal, âgé de vingt-deux ans, joue des
sonates de Scarletti, sur un vieux clavecin édenté. L’eau noircie
par la tristesse du monde nous éclabousse. Ce bateau est une
maison, enfers et paradis se succèdent sous nos yeux, mais nous
sommes dans une demeure, dans sa maison. Nous suivons les
îles, il suit les elles. Nous quittâmes ces îles pour poursuivre notre
voyage onirique, direction route de l’Éthiopie et du sud encore
et nous atteignîmes en quelques jours le Cap Blanc, vaguement
à la dérive, au bord des lèvres de l’humanité. Il me dit : depuis
le début de ce voyage nocturne, les maisons sont identiques,
lumineuses, elles ressemblent toutes à la maison de mes parents,
à la maison de mon enfance, tout y est scrupuleusement et
parfaitement similaire à chaque coin du monde, comme si
j’étais chez moi, partout, tout le temps,... je crois que.... mais s’il
suffisait de croire. Où sommes-nous ?
Je lui explique que nous
nous approchons de Mapuetos, cette ville qui n’existe pas dans
ce monde qui n’existe pas. Nous sentons le bateau se porter. La
marée monte et descend toutes les six heures, nous remontons
un fleuve brouillon, le cours insolent de la marée, le bateau évite
les bancs et les écueils qui se trouvent à l’embouchure à peine
visible. La côte est sableuse. Nous observons sur la terre ferme,
ici la terre est Terre, fertile, nous observons des hommes, tous
très noirs, grands, beaux, muets. Nous arrivons à destination,
destination inconnue. L’angoisse de l’inconnu me prend, tel un
animal sauvage, à la gorge. Nous irons loin, nos bagages sont
légers. Mehdi Berrada m’emmène sur les chemins de la caravane
de sel, d’autres hommes creusent des fosses pour s’y cacher,
nous sommes là, fiers. Le vent chaud transforme nos cheveux
en perruques crépues. Il me dit : nous approchons de Mapuetos,
j’y construirai des maisons, toutes identiques, toutes identiques
à la maison de mon enfance.
Nous approchons d’un village,
dernière étape avant la traversée de la route vers Mapuetos, terre
chaude, sèche, stérile, ici les locustes abondent, nous entrons
dans la seconde vie d’une vieille étable, un bout d’évasion, un
sanctuaire pour un jour ou plusieurs nuits. Dans les yeux de
l’architecte, je ne vois pas le reflet de murs mais des espaces, je
lis ses compulsions, je le vois jouer des mots, des matières, des
lumières... dans sa cornée tout se cristallise. Je me sens fort dans
son globe oculaire. Je vais vous construire Mapuetos,
me dit-il
à l’improviste, en souvenir de cette aventure.
Des femmes nous
regardent comme si nous étions des oiseaux et des poissons,
... des étrangers en somme. Après la colline, nous y serons. La
fumée du volcan Imyriacht
traîne comme des ficelles dans le ciel.
Nous tirons sur les ficelles parfumées à l’eucalyptus qui nous
emmènent vers l’irréel. Barbe de trois jours, lunettes de solaire
sur le nez, Mehdi Berrada me dit au bout du fil : Allô ? Allô ?
Monsieur Lowie ?
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 111 portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Mehdi Berrada est un architecte marocain atypique qui tient un discours anti-conformiste plutôt rafraichissant par les temps qui courent. Amoureux de l’Afrique où il a roulé sa bosse et du brutalisme, il propose une architecture sur-mesure qui dégage une émotion.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com