Il y a des choses, des gens, des animaux pas toujours de bonne compagnie, des souvenirs inavouables qui habitent votre esprit et qui ne vous laissent plus aucun répit. Une voix me dit : c'est un peu comme l'obsession amoureuse : oublier un amour impossible est-il possible ? En écrivant ces mots, je me dis que la poésie est une prière et les rêves une religion sans Dieu. Les rêves nous emportent quelque fois au-delà des limites ou au contraire nous font vivre nos fantasmes dans une enveloppe presque réaliste. Je ne pensais pas trouver Khookha Mac Queer, regard intrigant, beauté manifeste, mouvements du corps stylés dans un stade de football, sur la pelouse de l'Espérance sportive de Tunis, au point de penalty. Ce rêve me rappela mon enfance et mon adolescence, tous deux amoureux du ballon rond. Il y a un homme dans le goal, un homme qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un gardien de but tunisien à la retraite, Chokri El Ouaer, je savais que ce n'était pas lui, brun la peau bronzée, les cheveux poivre et sel, lorsqu'il enlève ses lunettes de soleil, je comprenais que ce n'était pas lui. Qui êtes-vous ? lui dis-je. Il me répond qu'il est professeur dans un lycée et qu'il enseigne une matière technique. Khookha Mac Queer, ballon au pied, me dit : c'était mon professeur à l'époque, je fantasmais sur lui, je ne savais pas où il habitait exactement, mais je l'ai croisé un jour, je l'ai vu dans un café pas très loin du lycée où il enseignait, je ne savais pas trop quoi lui dire. Le professeur était en tenue sportive aux couleurs de l'équipe locale. Khookha Mac Queer a l'intention de tirer le penalty mais juste avant de vouloir shooter en force, le ballon se dégonfle et disparaît aussitôt. Sans ballon, son tir au but devient un mouvement de danse contemporaine. Dans les tribunes, un autre homme assis applaudit. Le gardien de but s'avance dans ma direction, mais plus il s'approche plus le trajet pour venir à moi est long, comme si je venais de boire un breuvage à base de lianes, l'Ayahuasca, potion magique d'Amazonie. Khookha Mac Queer s'assied sur un autre ballon jaune et plus gros que la normale puis... : Patrick Lowie, chamane contemporain, je vais vous raconter mon rêve : je me voyais voler, le corps en forme d'oiseau multicolore, tout le trajet de ma maison jusqu'où j'imaginais qu'il habitait, j'ai cherché sa maison dans des labyrinthes infinis de quartiers inconnus. J'ai retrouvé sa voiture et donc sa maison, j'entre dans la maison, il y faisait calme, la décoration était réussie, les lumières tamisées. Dans la maison, je le vois enfin venir vers moi, charmant, accueillant, souriant, beau. Il m'invite à prendre un verre, nous parlons, puis nous tombons dans les bras l'un de l'autre. Nous nous sommes aimés comme jamais. Ce rêve ressemblait à quelque chose d'authentique, aujourd'hui encore j'utilise le numéro d'immatriculation de sa voiture pour mes mots de passe. Cette confidence me touche beaucoup, je sors de la poche arrière de mon pantalon troué mes tarots persans et je lui demande de tirer trois cartes. Je regarde Khookha McQueer en lui disant : puissance et masques, le tigre et le roi de carreau. Pour moi, à votre réveil, de grands événements vont transformer votre vie. La réussite internationale est à deux pas peut-être moins. N'oubliez jamais de nourrir le tigre qui est en vous. Pendant que je parle, je lève les yeux, je suis seul dans le stade. Un couple, ballon au pied, s'éloigne pour se réfugier dans les vestiaires. Oublier un amour impossible est impossible.

Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.

Khookha McQueer, Trans non-binaire genderqueer, né.e en Tunisie le 17 Mars 1987, Performeuse, chroniqueuse féministe queer et militant.e pour les droits des LGBTQI+, connu.e par ses chroniques et narratives féministes queers depuis 2013 et par ses performances Drag et queers depuis 2017, elle devient une figure incontournable de la scène queer Tunisienne.