Francis Lamberg
Francis Lamberg
Le portrait onirique de Francis Lamberg
Le portrait onirique de Francis Lamberg
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Derrière moi, une lucarne qui offre un étroit panorama sur la
Principauté de Liège. Je referme doucement et avec regret le
livre de Clarisse Lispector après avoir lu la phrase si je regarde
l’obscurité à la loupe, vais-je voir autre chose que l’obscurité ?
Pour
méditer au réveil. Je ferme les yeux et je respire profondément,
respirer comme un soulagement. Dans ce rêve, je suis assis sur
un banc en bois, un chapeau panama de couleur ivoire garni d’un
ruban marron sur la tête, entouré de mille livres dans un atelier
de forgeron, des fragments de corps d’ouvriers en pleine action.
Je pêche les œuvres à la mouche, un par un, tel Lamartine, dans
une mare d’eau limpide au cœur de cette manufacture rouge vif,
comme du sang perdu, comme si la quête du poisson devenait la
quête de soi. Un homme est poursuivi par quatre hommes nus, il
se dirige vers moi et me dit : je suis Francis Lamberg, vite, aidez-
moi, vous le voyez bien, ils sont trois fois plus hauts et plus larges
que moi.
C’est vrai que l’homme était poursuivi par des hommes
nus et chauves, c’est vrai qu’ils étaient blancs d’une blancheur
macabre, d’un marbre de luni mat. Tout cela est vrai mais ils
semblaient en même temps si lointains, si ridicules. Le visage
de Francis Lamberg était éclairé par la lumière incandescente
du fourneau. J’observais aussi au loin des vapeurs d’essence.
Les quatre hommes nus avaient un sexe ridiculement petit par
rapport à la taille de leurs corps. Asseyez-vous ici, Francis, je vous
offre un peu de répit, observez la mare, pêchez un livre dans la
foulée, ouvrez-le au hasard, lisez une phrase. Vous verrez, les rêves
sont là aussi pour apaiser.
Il pêche à la louche un texte d’Euripide
et lit : parle si tu as des mots plus forts que le silence, ou garde le
silence.
Dans ce rêve en forme de tableau, dans un style que l’on
pourrait presque qualifier de réaliste, l’homme assis à mes côtés se
présente, il me dit qu’il est écrivain, poète, militant homosexuel,
chercheur dans la sidérurgie et syndicaliste. Il m’offre son livre à l’
ombre des hanches
des ouvriers, que je feuillette pendant
qu’il me parle de ses luttes. Je sens monter en moi l’ardeur d’un
premier haut fourneau alimenté au coke, indolore, insolente
ardeur, je me perds dans ces souvenirs du futur, il me tend la main
et je me soulève. Les quatre hommes s’approchent mais Francis
Lamberg moins affolé, prend confiance, teste du matériel, met
des mots au bout de grosses tenailles : nous voulons manifester
notre indignation et nos inquiétudes, ne soyez pas cruels.
Quatre
ouvriers équipés de tenailles eux aussi, essaient de pousser la
barre dans un laminoir pour fabriquer une feuille métallique.
De feuilles en feuilles, ils impriment des phrases sur des livres
métallisés. Puis nous rejoignent pour nous défendre. Finalement
les quatre hommes nus nous rattrapent, nous agrippent par
les pieds et les mains et nous démembrent en tirant. Patrick
Lowie !
hurle le poète syndicaliste. Je le regarde et me réveille par
cette phrase sibylline : nous voilà démembrés, par ces brutes à
poil, noircis par la haine, plongeons dans la mare, trou d’eau à la
profondeur infinie, nous nous reconstruirons.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 111 portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Né à Bruxelles en 1966, d’origine belgo-marocaine, Francis Lamberg a grandi au cœur du bourgeois et prospère Brabant wallon avant d’être adopté par l’ardente et populaire Liège. Curieux de tout et de tous, il est écrivain et poète, chroniqueur et animateur culturel, syndicaliste, militant contre les discriminations et activiste de la cause homosexuelle.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com