Florian Houdart
Florian Houdart
Le portrait onirique de Florian Houdart
Le portrait onirique de Florian Houdart
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Je me souviens de Soignies, la ville millénaire de
Saint-Vincent, je me souviens d'une maison dans la rue
Léon Hachez, d'un bar plus haut, le Chewing-Gum
, je me
souviens que mes yeux ne pleuraient pas que de froid, je
me souviens d'un peintre italien qui y réalisa ses plus belles
oeuvres, je me souviens de soirées à la Chimay Bleue qui
rendaient nos vies plus bleues, c'est vrai. Je me souviens
d'un musicien qui jouait de ses huit doigts sur un piano
édenté dans le coin d'une rue sans étoiles. Je me souviens
que j'espérais être entendu, que j'avais envie de partir et
que je n'attendais plus que lui. Je me souviens avoir ouvert
la cage d'un oiseau noir pour qui fuir était une maladie
et qui n'a pas trouvé mieux que de se jeter sur un ruban
englué qui sert d'habitude à attraper les mouches. Je frappe
à une porte, la porte de la maison de l'écrivain Florian
Houdart, dans le rêve nous sommes en 2012, les chiffres
20 et 12 apparaissent partout dans la ville comme dans un
film de Peter Greenaway. Il pleut, j'ai l'impression qu'il n'y
a que la pluie et moi dans ce rêve, les arbres sont morts.
Un homme ouvre la porte, c'est lui, je lui sers la main
puis le prend dans mes bras chaleureusement. Je tombe à
genoux à force de le serrer. Entrez Patrick Lowie,
me dit-il, on croit toujours que tout va disparaître lorsqu'on voit
une nouvelle source naître.
L'homme ne sait pas qu'il est
élégant, que sa façon de parler enrichit l'échange, il était
assis à une petite table en train d'écrire son autobiographie
sur une machine à écrire. Panne informatique, j'ai ressorti
cette machine mais on ne trouve plus de papier dans ce
pays. J'écris donc mes nouveaux textes au verso d'anciennes
factures impayées et de courriers de huissiers. Je rêve d'une
ville étrangère. En ce moment, je fais pas mal de rêves
illuminés, bariolés, flippants, dantesques. Je dessine des
chiffres pour ne plus retourner en arrière. Je pense que tout
cela vous pouvez l'imaginer.
Je referme la porte derrière
moi. Nous échangeons nos impressions sur le monde, sur
la politique, sur la vie sociale, il me sert du thé, il me parle
de son évasion. Un grondement allant crescendo couvre
nos mots au point de ne plus s'entendre, l'écrivain se jette
sur la porte d'entrée et l'ouvre. Il constate avec effroi que
le monde vient de s'arrêter à sa porte. Au-delà de la porte,
la matière est noire. La ville s'efface sous nos yeux. Des
hommes et des femmes tournent en rond, marchent dans
leurs vêtements chics, les pupilles noires, ils sont devenus
fous, ils tiennent des propos incohérents. Ils entrent dans la
maison de l'écrivain, ils boivent, s'enivrent de liquides que
je ne connaissais pas, comme si nous étions dans un pays
étranger, accompagnés d'un ourson. Il me dit : l'Homme
moderne est absurde. J'ai honte.
De nouveaux bruits à
l'extérieur, on observe la matière noire progresser pendant
que l'ourson est forcé à danser un limbo écoeurant, l'animal
passe et repasse sous un bâton horizontal enflammé sans
jamais le toucher. Dehors, la matière noire crache des
messages énigmatiques sous forme de boulettes de papier.
J'en attrape un, j'ouvre le papier et je peux lire : arrêtez
de polluer notre monde.
Tout se calme, tout le monde
disparaît, l'ourson a finalement raté sa dernière danse, ça
sent le brûlé. Je relis doucement en moi La Petite Femme
aux cigarettes,
ce livre que j'aimais tant. Je ne mâche pas
mes mots, je n'ai plus l'âge pour tout garder en moi. On
sort, la ville est plus que laide. Florian Houdart me dit qu'il
part à Mons à vélo à la recherche de nouvelles étoiles. Je
l'observe partir, moi je vole, je vole, comme si je fuyais une
cage enfin ouverte. Je vole tout en regardant Florian partir,
j'évite de justesse un obstacle mais je ne peux éviter un
ruban géant englué, mes ailes s'y collent. Je siffle encore
une dernière fois une mélodie, une mélodie qui se marie
tellement bien avec des mots que je glisse dans les oreilles
du nouveau monde.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Florian Houdart se définit comme écriviste. Il est l’auteur de romans qui mêlent littérature de l’imaginaire et engagement : Black-out (2009), La Petite Femme aux cigarettes (2011) et Correspondances (2014). Il a aussi contribué à des ouvrages collectifs : Quand tout bascule (2011), De la Sambre à l’Escaut, chemins de traverse (2014), Désobéissances (2015), MONStre 2015 (2015), Un papillon sur la branche (2018). Avec Ombre Louve, il a géré Le Coin aux étoiles, une maison culturelle alternative montoise, aujourd'hui fermée. Il a également collaboré à la presse satirique : Le Batia Moûrt Sou et Même Pas Peur. Actuellement, il a repris des études en sciences politiques et prépare un recueil de nouvelles : Avant la fin.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com