Christine Le Fort
Christine Le Fort
Le portrait onirique de Christine Le Fort
Le portrait onirique de Christine Le Fort
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Un vieil homme s'approche de Christine Le Fort. J'ai
refusé de me rendre,
lui dit-il. Beaucoup de mes frères ont
été traqués comme des bêtes fauves et empalés, attachés à
de longues poutres qui furent jetés sur les rives. Les autres,
spectateurs de ces scènes abjectes étaient réduits à merci.
Voilà, ma vie fut ainsi entre la peur, l'horreur et le désir de
ne jamais renoncer, de protéger ce qu'il restait à protéger.
L'homme était accompagné de deux autres jeunes hommes
qui ont gardé des allures défiantes, bien qu'ils soient
inoffensifs. Je fais quelques pas vers eux. Le bruit d'une
feuille dorée craque sous mon pied et me trahit. Ils ne
m'avaient pas vus, ils m'examinent, scrutent mes vêtements
de coton mal tissé et mes quelques bagages déchirés. Moi,
je ne voyais que leurs muscles d'acier et la peau au teint
bistré de leurs avant-bras. La femme se retourne : vous
êtes Patrick Lowie, n'est-ce pas ? Je vous attendais, ce rêve
est étrange car je ne pensais pas me retrouver au XVIème
siècle en compagnie des Barbacoas.
Moi non plus. Christine
Le Fort danse avec son sourire, s'émeut, se transforme,
elle veut m'emmener dans sa danse mais je fais un pas en
arrière. Les trois hommes disparaissent emportant avec
eux un regard taciturne et inquiet qui me rend morose. Le
décor se transforme et revêt à l'improviste une luxuriance
inouïe. Les arbres gigantesques couverts de lianes colorées
du haut en bas sont revêtus d'un manteau de parasites
incomparables : aroïdées, broméliacées, mélastomacées,
orchidées, fougères, sélaginelles, solandras…. Tout semble
mis en valeur comme d'un coup de baguette magique. La
femme me dit : seriez-vous le dernier romantique ?
Derrière
les dentelles végétales se cachent plusieurs carrousels, elle
grimpe sur un cheval en bois monté de la bonne manière :
elle met le pied gauche dans l'étrier et lance la jambe droite
par-dessus l'animal, le mécanisme s'actionne, le sens de la
rotation est la senestre, l'orgue joue une valse de Strauss. Elle
rit de bon coeur, elle est belle. Le manège s'arrête après de
longues heures, essoufflée elle me raconte : j'aimerais, moi
aussi, que le monde s'arrête un instant… vous me paraissez
bien pâle, comme votre passé est déjà passé, il est peut-être
entrain de vous fatiguer. Je vais vous raconter mon rêve : il
y avait beaucoup de béton, énormément de soleil, une mer
bleue infinie, une larme, nous sommes plusieurs sur la plage,
à bronzer avec en nous cette larme de mélancolie. Soudain,
un crocodile marin sort de l'eau, les gens paniquent, l'animal
passe devant moi et se plaque plat ventre sur un mur de
béton. Je suis débout et je m'approche : il tourne la tête avec
un tel regard… je savais qu'il s'appelait Addas, je lui ai dit :
Addas. J'en suis tombée amoureuse pendant une semaine.
La valse de Strauss repart de plus belle. Sur le carrousel,
des chevaux blancs, des autruches rouges, des lapins, des
cerfs, des cochons. Sont-ils vivants ? Toutes ces apparitions
me transforment. Le téléphone sonne. J'entends une voix
qui m'arrive de près de 10.000 kilomètres d'ici. J'entends
son rire. Elle me dit : tu es où ?
Je lui réponds : à Bruxelles.
Elle : — encore ?
Moi : — oui, je ne sais pas où aller.
Elle : —
pourquoi tu n'irais pas à Lisbonne ?
Moi : — j'y vais dans 2
jours.
Elle : — ah… et tu ne regrettes pas le Maroc ?
Moi : — je
regrette le Maroc de 1997, je regrette peut-être ce que j'étais
en 1997.
Elle : — tu vas devoir casser le mouvement actuel,
sans quoi tu vas t'enliser dans une routine destructrice.
Ce n'est pas le moment de renoncer.
Moi : — oui, je sais.
Mais la planète entière s'enlise…
Elle : — c'est la fin d'une
civilisation.
Moi : — existe-t-il un manuel « Comment
survivre à la fin d'une civilisation » ? La civilisation est
comme une mince couche de glace sur un océan profond
de chaos et d'obscurité aurait dit Werner Herzog.
Elle : — non, mais tu vois bien… tout le monde a besoin d'un coach.
Plus personne n'est capable de vivre par lui-même.
Lui : — j'ai fait un rêve comme ça un jour, plus personne ne
savait où il allait, les voitures sur les trottoirs, les vélos qui
zigzaguaient, les piétons qui marchaient la tête en bas, les
pieds dans les nuages.
Elle : — tu le sais, je te l'ai souvent
dit : tu dois cesser de penser au futur, tu dois travailler
aujourd'hui en sachant que le futur t'appartiendra.
Moi : — c'est ce que je fais.
Christine Le Fort répète : le futur
t'appartiendra.
La valse l'emporte dans un mouvement
qu'elle ne maîtrise plus…. Addas, Addas, Addas,…
le
crocodile repart vers l'océan, le mur en béton désarmé se
lézarde.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Christine Le Fort est née en 1958. Elle est chorégraphe et plasticienne. Rebelle, audacieuse, indépendante.... Parcours très chaotique : je suis boulimique, insomniaque, crise panique depuis plus de 30 ans, alcoolique abstinente depuis 21 ans. Ma vie est formidable car toutes ces souffrances m'ont fait grandir. La vie est un chemin passionnant qui me mène petit à petit à moi-même. Mais sans ma créativité affolante et une foi (non croyante) qui m'anime, je ne serais plus en vie. L'art est toujours passé avant un compagnon, jusqu'au jour (il y a un an et demi) mon premier amour avec qui j'avais vécu 4 ans à 17 ans à Bruxelles est tombé du ciel 36 ans après (pas marié, pas d'enfants comme moi) et l'on s'est marié ! La danse a été le grand amour de ma vie, je ne peux en faire le deuil car son instrument de travail est soi avec tout ce que ça comporte ( état d'âme etc... ). Le corps ne ment jamais, tandis que la pensée... Je ne peux non plus vivre sans musique car elle est un art à part entière (on danse, on peint, on écrit... avec de la musique qui elle, se suffit à elle-même). Je crois fort aux énergies qui nous traversent et nous entourent. Je fais confiance en la vie car tout ce qui nous arrive n'arrive jamais au hasard ! L'instinct !
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com