David Linx
David Linx
Le portrait onirique de David Linx
Le portrait onirique de David Linx
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Un jeune homme à la peau noire, vêtu de noir, est
assis dans un fauteuil Chesterfield 1930
, en cuir marron,
une revue à la main. En couverture
: Interview de David
Linx,
le magazine est daté «
octobre 1988
». Tout en
lisant, il fredonne en boucle
: le temps c’est pas de l’argent,
le temps c’est le temps, vous avez fait l’argent, nous avons
fait le chant
1
.
Le jeune homme a un charme surnaturel,
une posture élégante, un brin de mystère illumine en
permanence le fond de sa pupille, sa tête est droite, presque
rigide, comme tenue par un câble depuis le sommet du
crâne. Je suis assis à une autre table, dans un autre fauteuil Chesterfield 1930
au même cuir marron. Je ne lis rien,
j’observe, je regarde les passants dans la rue. Peu importe
l’époque, peu importe la ville, peu importe le rêve, je me sens
serein, la mâchoire relâchée, le corps débridé. Cette sérénité
trop rare cache un événement à venir, une apparition
imprévue, une sensation d’équilibre, même ma voix n’est
plus la même, elle est devenue gutturale et caverneuse.
Lorsqu’en arrivant, j’ai demandé au jeune homme vêtu de
noir, une cigarette, je n’ai pas reconnu ma voix et lui-même,
qui ne me connaissait pourtant pas, avait l’air étonné de
m’entendre, comme si le timbre ne correspondait pas
à l’enveloppe. Je me sentais légèrement étourdi, du bout
des lèvres sèches, il me l’a allumée. Une jeune femme à la
peau blanche s’est approchée timidement de lui
: monsieur,
excusez-moi de vous déranger, êtes vous un des musiciens
du groupe en concert ce soir
?
Il répond sans ambages,
sans délai, délibérément
: non madame, je suis le maire
de cette ville.
Un homme entre dans le hall, il commande
un whisky sans glace, demande de le mettre sur son
ardoise au nom de Norge. Le groom rétorque qu’il ne le
connaît pas. Je suis l’antiquaire de citée,
dit-il en substance.
Norge, ça me disait quelque chose, mais c’est une autre
chanson. Il règne dans ce lieu désormais un écrasant
silence, le jeune homme à la peau noire, le maire de la ville,
dépose la revue sur la table et se lève, quitte cette scène
de film, mon regard est attiré par la sortie de secours, une
porte qui s’ouvre sur un immense chuintement, un homme
apparaît, deux boîtes à pizza à la main, la cinquantaine,
je le reconnais, c’est David Linx, nous nous connaissons
depuis 1988, depuis Hungry Voices,
un artiste que j’ai
toujours aimé, profondément, jamais perdu de vue, il a
l’air pressé, désemparé, perdu pourtant... il s’avance vers
moi
: Patrick Lowie, comment allez-vous
? Venez, je cherche
la scène, je ne voudrais pas qu’ils commencent sans moi.
Il m’emmène vers la sortie de secours, me précède dans
les couloirs, et comme par magie, ce ne sont que les rêves
qui nous procurent cette magie-là, nous sommes au Palais
des Beaux-Arts à Bruxelles. Il me donne les deux boîtes
à pizza, il ouvre une première porte qui donne sur une
énorme vitre d’aquarium avec plein de poissons dedans,
petits poissons, gros poissons, requins. Il la referme
rapidement. Au loin, on entend un orchestre, un groupe,
jouer l’introduction du concert de David Linx. Il ouvre
une autre porte qui donne sur deux superbes tableaux
:
à droite Les Bêtes De La Mer
de Henri Matisse et à gauche Jeune garçon au cheval
de Pablo Picasso. Il referme
la porte après avoir eu un moment d’hésitation, moi
aussi, le jeune garçon sur le tableau de Picasso a la peau
noire et ressemble trait pour trait au maire de la ville.
Après avoir refermé cette porte il en ouvre une autre
encore qui donne à nouveau dans le hall où j’étais assis.
Case départ. Je dis à David Linx
: avez-vous essayé
la
cave
?
On entend le groupe répéter pour la énième fois
l’introduction du concert. On descend dans la cave, on
court dans les couloirs, il ouvre enfin la bonne porte, on
se précipite tous les deux sur scène. Que fais-je là
? Dans
la fougue de l’instant, j’ai oublié de freiner. Je me sens
ridicule, à côté de David Linx, deux boîtes à pizza dans
les mains, comme un papier mal plié, le public applaudit,
aux premiers rangs
: James Baldwin, Miles Davis, Mark
Murphy, Nathan Davis, Diederik Wissels, Maurane,
Claude Nougaro, Viktor Lazlo, Caetano Veloso,... tout le
monde est là, même le maire et son cheval blanc. Lorsque
David Linx veut chanter, il se rend compte que le pied de
micro est tellement haut qu’il n’arrive pas à l’atteindre,
ce n’est qu’en sautant après la troisième fois sur un
trampoline qu’il arrive à l’attraper, .... mais tombe. Assis
à la terrasse du restaurant le Vieux Moulin à Saint-Paul-
de-Vence il me dit
: je fais souvent ce rêve, je me réveille en
sueur.
C’est à ce moment que je lui dis qu’il existe des voix
maléfiques, des voix affamées, des voix bénéfiques, des voix
nourricières, des voix oubliées. L’antiquaire remonte la
place en nous saluant de la main gauche et en murmurant le joli petit vent du matin qui glousse avec sa voix de satin
2
je sais que j’aurais aimé terminer par une nouvelle histoire,
un nouveau blues, un autre poème, une autre magie, ....
David Linx ouvre la bouche sans rien dire, j’entends le
chant de la vie.
1. James Baldwin, Jimmy's Blues
2. Norge, Le stupéfait
1. James Baldwin, Jimmy's Blues
2. Norge, Le stupéfait
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
David Linx, est un parolier, compositeur, et chanteur de jazz belge, né le 22 mars 1965 à Bruxelles. En 2005 : Nommé Chevalier des Arts et des Lettres par le Ministre de la Culture en France. Grand Prix de l’Académie Charles Cros pour meilleur disque de jazz « One Heart, Three Voices ». Prix du Musicien Européen de l’Académie du Jazz. Prix de l’Adami pour l’ensemble de son oeuvre.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com