Andrés Cifuentes

Andrés Cifuentes

Le portrait onirique de Andrés Cifuentes

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Assis sur un banc en béton, sous le soleil. Il fait 28°. Je suis plongé dans le livre Personnages secondaire s d’Alejandro Zambra. Il écrit que Lire, c'est se cacher le visage. Et écrire, c'est le montrer. Je me cache le visage du soleil, je le montrerai plus tard chez moi, pour écrire des mots dont je cherche parfois le sens. Au risque de me répéter, je n’aime pas écrire, je n’aime pas me montrer. Écrire est une de mes plus grandes solitudes. Je suis entré en écriture comme on entre au petit séminaire, à reculons, la queue entre les jambes. Et, en même temps, si je n’écris pas, je meurs. Je reviens d’un long voyage à Tocopilla, trente-quatre heures en voiture pour un aller-retour sans grand intérêt. Ces voyages en voiture sont des supplices pour moi. Je supporte quarante minutes. Pas plus. J’ai pourtant fait de longs voyages dans les années quatre-vingts, en voiture, solitaire, entre Bruxelles et Rome, sous la neige ou le soleil brûlant. Je ne suis pas nostalgique, je me répète aussi, et comme écrit Zambra, j'aimerais être contre la nostalgie. Où que je regarde, il y a quelqu'un qui renouvelle son serment au passé. Nous nous rappelons des chansons qu'en réalité nous n'avons jamais aimées, nous revoyons nos premières petites amies, des camarades de classe avec lesquelles nous ne sympathisions pas. Nous ouvrons les bras à des gens que nous bannissions. 

Pourquoi Tocopilla ? C’est la ville natale d’Alejandro Jodorowsky, son lieu sacré. Je suis allé au grand ravin pour sentir la magie sortir des terres, pour voir des rues ou monuments à la gloire du héros, et rien, quelques pélicans thages maraboutés, des rues sans âme et manger une carbonada de lapas, une espèce de soupe aux patelles, face à une mer grise dans un restaurant appelé Utopia, je vous assure qu’il n’y a rien d’utopique dans cette bourgade en complète déliquescence. Mon retour dans la capitale, esquinté par un voyage qui ne m’apprendra rien dans l’immédiat. Le chauffeur me dépose à moins d’un kilomètre de l’hôtel, je veux marcher un peu, découvrir la ville, oublier ce voyage cauchemardesque, vider mes oreilles de la musique entendue à plein tube et sans discontinuité, coupée toute la cinq minutes par de la même publicité pour un produit peu nécessaire à notre quotidien. J’observe un homme, la quarantaine, debout devant une école. Il n’a pas l’air d’ici. Il regarde autour de lui et se dit que l’air est empli d’une atmosphère mélancolique, comme si le passé et le présent se mélangeaient. Je ralenti, je m’approche, je lui parle : excusez-moi de vous déranger, j’ai la sensation que vous regardez l’école de votre enfance. Il est surpris par mes mots, mon espagnol a perdu de sa jeunesse, c’était ma langue étrangère préférée lorsque j’étais adolescent, et il m’arrive de baragouiner quelques mots mais je n’ai plus aucune pratique. Il me dit qu’ il y a quelque chose d'inquiétant dans la lumière du soleil qui se reflète dans les briques de son école . Ces rencontres oniriques me donnent le tournis, l’homme se présente : Andrés Cifuentes, il me dit qu’il est d’ici mais qu’il travaille dans le théâtre en Belgique. Je me présente à mon tour, je lui dis que je suis né à Bruxelles et que je suis ici, au Chili, à cause d’un rêve stupide. Il me demande de raconter ce rêve. Je m’y refuse dans un premier temps, puis je lui raconte que dans mon rêve Alejandro Jodorowsky m’a demandé d’aller dans sa ville natale, Tocopilla, pour y manger une carbonada de lapas, au restaurant Utopia, qu’au retour on annoncera son décès et qu’il m’offrira son héritage mystique. Puis une femme, une éditrice rousse à Paris, est venue vers moi et m’a embrassée. Andrès Cifuentes murmure, comme s’il voulait me confesser quelque chose, il parle au moins deux tons plus bas : vous avez été choisi. Moi aussi j’ai été choisi mais par quelqu’un d’autre. Il diminue encore le ton et je n’entends plus rien. J’entends presque le mot frère , de champs à perte de vue et de fulgurances sublimes . Je n’entends pas tout, je ne contextualise pas, c’est une totale énigme. 

Andrés Cifuentes entre dans l’école et monte les escaliers pour atteindre le premier étage de l'école, mais quand il essaie de les gravir, quelque chose de bizarre se produit. Les marches sont instables, presque évanescentes, comme des mirages dans le désert. À chaque pas qu’il fait, les escaliers disparaissent sous ses pieds, le laissant suspendu dans le vide, il a peur... il ne veut pas que les marches disparaissent, il ne veut pas être abandonné. La peur de l'abandon l'étreint à ce moment-là, comme si les escaliers étaient un lien fragile vers un endroit sûr et que, chaque fois qu’il tente de l'atteindre, il se dérobe, le laissant seul et vulnérable. Le rêve s’échappe. Le réveil sans doute. 

Le silence est long, brutal. Il me semble que cela a duré plusieurs nuits. Tout est sombre, nuit noire, ça va prendre encore beaucoup de temps. Je me permets de lui siffler quelques mots : ça va prendre encore du temps. Après il va falloir bondir, rebondir, transgresser et enfin recharger vos batteries. Dans cet ordre. Ses paupières s’ouvrent enfin et il sourit : des souvenirs d'enfance sont remontés en moi, des moments où j'ai ressenti cette même peur d'être laissé derrière, incompris et seul. Après votre départ, j’ai beaucoup lutté pour avancer, pour arriver au premier étage ...ma poitrine était serrée. Les escaliers continuaient à disparaître sous mes pieds, je n'avais plus de repères... Mon sol, mes croyances, ma personnalité, mon amour pour lui, disparaissaient. Mais j’ai persévéré, parce que je savais que je devais surmonter tout ça... Finalement, après un effort intense et une lutte intérieure, j'ai atteint le premier étage. Le soulagement m'a envahit et j’ai réalisé que la peur que les marches disparaissent ne pouvait pas me retenir éternellement.

Nous sommes assis tous les deux, dans une autre ville, un autre pays, nous observons l’océan. Je termine le livre d’Alejandro Zambra dans le silence. Je me dis qu’il est sans doute temps de montrer mon visage et d’écrire. En partant, je dis à Andrés Cifuentes : je ne pense pas que la peur soit toujours une ennemie, tout dépend à quel niveau de conscience vous êtes arrivé. L’Énergie qui crée les mondes est déjà dépassée. Elle a créé Mapuetos en 2012, quelques jours après le premier selfie dans l’espace, au cœur d’un magma méconnu de tous les scientifiques. Il a été question de quête, de temps, d’apprentissage, puis la force de l’intuition, connaître et savoir par l’invisible et enfin viendra le temps de la fuite. Notre rencontre n’était pas fortuite. Écrivez sur Mapuetos, je vous y autorise. Monter un spectacle qui parle de Mapuetos. Le monde doit savoir. 

La lune éclipse le soleil.


Publications & anecdotes

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Bio

Je suis Andrés Cifuentes, originaire du Chili, mais actuellement en Belgique. Mon engagement envers la société m'amène à travailler sur des sujets tabous et à lutter contre les inégalités sociales. Pour moi, l'art est un moyen authentique de communiquer avec le monde. Mes projets artistiques, qu'il s'agisse de mises en scène ou de films, sont le résultat d'une recherche approfondie et d'un travail méticuleux. Ma culture chilienne, imprégnée de réalisme magique, a façonné mon approche artistique. J'ai parcouru un chemin académique en Espagne, en Belgique et en France, où j'ai eu la chance de rencontrer des enseignants et des artistes exceptionnels. J'ai suivi diverses formations, de la méthode Lecoq à la thérapie Gestalt, ce qui enrichit mon parcours artistique et ma croissance personnelle. En tant qu'enseignant, je crée un environnement d'apprentissage dynamique qui favorise la communication et la collaboration. Mon objectif est de guider mes étudiants vers leur épanouissement artistique en les encourageant à exprimer leur créativité. En tant que directeur artistique du "Groupe 8", nous menons des recherches engagées visant à ouvrir de nouvelles perspectives et à explorer notre lien avec la société. Nous brisons les barrières artistiques pour créer des projets inspirants. Voilà, c'est un aperçu de qui je suis et de ce que je fais.

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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