Abia Dasein
Abia Dasein
Le portrait onirique de Abia Dasein
Le portrait onirique de Abia Dasein
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Écouter Madredeus à Casablanca, le vent de face, le
long de la mer, le nez pointé sur l'horizon, penser à ici
demain, penser au monde, penser à un ami italien qui vit
à Lisbonne, recevoir un message laconique et amer d'un
autre ami, brésilien lui : le gouvernement Bolsonaro célèbre
le coup d'État du 31 mars 1964, le début de la dictature,
lire que Verona, la ville de Roméo et Juliette
a accueilli le
congrès mondial des rétrogrades, des enculés à vrai dire,
da da da da, se dire que le monde ne changera sans doute
jamais, de la nécessité de replonger dans les mots de
Pasolini, je pleure un monde mort. Mais moi qui le pleure
je ne suis pas mort…
de Pessoa, certaines métaphores sont
plus réelles que les gens qu'on voit marcher dans la rue...
dans les miens aussi, dans ma vision de l'amour, mon
ironie. Les vagues gonflent, le fado couvre les odeurs de la
mer, se souvenir du rêve d'hier dans lequel j'étais emporté
par un courant chaud, j'observe des enfants dans des
petites voitures heureux de tourner en rond, heureux de
tourner en rond,... j'adore le Tage mais le Tage ne traverse
pas cette ville, .... je m'arrête ici, d'un coup je me dis que ce
serait un excellent début de portrait onirique. … à moins
que tout cela ne soit qu'un rêve justement, un de ceux
qui nous rappellent que la vie n'est qu'illusion. Une jeune
femme, les pieds nus sur le sable, s'approche de moi, elle
me dit qu'elle cherche son chemin, qu'elle ne retrouve plus
sa maison ni son compagnon. Derrière Abia Dasein, une
mouette se pose sur un rocher, se fige et contemple l'estuaire;
gueule béante qui ingurgite, sans mâcher, cargos, ferries et
autres vaisseaux portuaires.
Elle me raconte qu'un matin
elle avait trouvé sa maison dans un désordre innommable,
tel qu'à un lendemain de fête, une nuit arrosée de musique
électro, que son chez soi avait été transformé, que des
tuyaux bizarres de toutes tailles sortaient des murs, c'était
d'une laideur sans nom,
me dit-elle. Elle ajoute qu'elle
avait été contrariée par le fait que personne ne l'ait avertie
de la pose de ces tuyaux au préalable. Je l'observe d'un
regard bienveillant, je veux dire de ce regard sans sourire
mais avec lucidité, le sourire assis entre deux coeurs, la
lucidité des bons jours. Mon compagnon est musicien, il
doit faire un concert avec son groupe ce soir dans le salon
de la maison, mais comment faire ? Il est introuvable, ces
tuyaux, … je suis perdue. Pourriez-vous m'aider, Patrick
Lowie ? J'ai tellement peur qu'il soit parti pour toujours.
Je
lui pose quelques questions usuelles pour une disparition :
caractéristiques physiques, âge, quand a-t-il été vu pour la
dernière fois,… avait-il un lieu de préférence où il pourrait
trouver un peu de sérénité… elle me parle d'un lac pas très
éloigné. Nous sortons des sentiers battus, nous plongeons
dans une forêt tropicale, nous nous parlons en silence, les
animaux nous surveillent d'un coin de l’oeil, tout devient
pénombre. Moi aussi je ressens des absences, des tuyaux
en polyester servent de lianes, des robots coupent des
ombres mal dessinées. On arrive au lac, où on retrouve le
musicien et son groupe, ils boivent des litres de bière. Ils
n'ont l'air de se soucier de rien, pas même du concert. Abia
est soulagée, elle se remet à écrire des poèmes après seize
ans d'abstinence poétique, elle revoit la mouette se poser
sur un autre rocher. Ils retournent vers la maison, je reste
au coeur de la forêt, je pense à elle, à ses mots, je suis sûr
qu'elle va retrouver sa maison, plus grande, plus sombre
et rangée, mais elle va préférer celle avec les tuyaux. Le
vent me frappe de profil, le nez pointé vers le haut, penser
à maintenant. Penser au monde qui se transforme en une
grande maison sans âme. La mouette rieuse émet de longs
glapissements et des sortes de jappements courts et répétés,
elle prend son envol, passe au-dessus de moi et me canarde
de ses fientes. Je prends mes jambes à mon cou et l'oiseau
moqueur me poursuit en criant : imposteur ! Imposteur !
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Abia Dasein est professeur d'anglais et traductrice. Elle a commencé à écrire de la poésie pendant son adolescence puis a connu une période d'abstinence textuelle de 16 ans. Depuis quatre ans, elle renoue avec ses premières amours, disséminant sa poésie en français et en anglais dans des revues papier et en ligne (Lichen, Karbone, Selah), des anthologies contemporaines de haïku (ed. Pippa, Envolume, Graines de Vent), sur des galets qu'elle nomme #Haïkaillou, ainsi que lors de scènes de slam poésie. Son premier recueil comportant 40 poèmes est en recherche active d'une maison d'édition!
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com