Antoine Léon - portrait

Antoine Léon

Le portrait onirique de Antoine Léon

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Dans le rêve, je me vois adolescent chez les Modocs. Un des membres de la tribu, le seul qui parle en anglais, m’explique qu’on va me droguer et que je dois entreprendre la quête de mon animal totem, celui qui apparaîtra dans mes rêves et qui détiendra une signification spirituelle profonde pour moi et mes ancêtres. Il m’explique que je dois obligatoirement me soumettre à ce rituel d’initiation car je suis à l’aube de ma puberté. On ne voit pas la lune. Il a plu toute la journée et j’ai les mains glacées. Ce rêve est proche du cauchemar. Le plus ancien des Modocs prononce des mots que je ne comprends pas et même la traduction semble impossible. Un piano déraille des notes sans pitié. Des bruits de plus en plus forts couvrent la voix du vieil homme. Par des timbales et des électrons. Mais à l’improviste il me regarde dans les yeux si profondément que je sens sa main toucher mon âme et sur ses lèvres je comprends qu’il dit : Mapuetos ! Mapuetos ! Ton animal totem se trouve à Mapuetos ! Il me parlait dans ma caisse de résonance malgré le brouhaha. Le mouvement de sa bouche était évident, il m’a parlé de Mapuetos. La drogue commence à faire ses effets et la crainte de devenir lycanthrope me hante. Ils me placent devant un miroir, aucune transformation, tout est normal. Hésitations. Quand vais-je me lancer enfin dans la chasse de l’animal en question : un ours ? Un guépard ? Un tigre du Bengale ? Quel animal vais-je capturer, quelles griffes, quelle peau ou quelles plumes ? Le vieil homme me dit : ton animal totem se trouve à Mapuetos. Il n’y a qu’une seule espèce là-bas. Tu trouveras facilement. Tu arracheras ses griffes, sa peau que tu placeras méticuleusement dans un petit sac. Ce sac deviendra ton remède personnel, tu devras le porter avec fierté car il symbolise ta connexion spirituelle entre toi et l’animal totem, c’est la seule façon de vivre la transition de l’enfance à l’âge adulte. Tu ne pourras jamais offrir ce sac ou le perdre. La perte d'un tel artefact ne peut être compensée. Ce remède est unique, porteur de la force et de la sagesse spirituelle transmises lors de cette initiation particulière. Ainsi, la conservation attentive de ces objets sacrés témoigne du respect profond de la tradition et de la connexion continue avec le monde spirituel.

Un éphèbe se balance sur sa chaise. Il me regarde depuis le début, le sourire moqueur, le regard déjà borné, un œil borgne, un œil de faucon. Il tapote les doigts sur une table en forme d’ellipse. Il tapote d’impatience. Son corps est entièrement tatoué de formules mathématiques, physiques, chimiques. Tout y est de la tête aux pieds. L’éphèbe me dit : ne tombez pas dans le passéisme, il y a deux mille ans Juvénal écrivait déjà que la terre ne nourrit plus aujourd’hui que des hommes méchants et chétifs. Je sors du cercle et je pointe du doigt un triangle rouge, je sens en moi l’oiseau blessé. Dans la forêt, entre les arbres, des femmes ont planté des échelles, des escaliers pour monter et descendre à sa guise vers plusieurs mondes.  Des couples descendent, d’autres montent, ils se retournent et se reconnaissent. Comme des doubles, des démons, des anges qui montent et descendent à l’infini. D’autres se restaurent, passent du bon moment puis s’embrouillent et se réveillent. Un autre homme s’avance vers moi, le chapeau bien vissé, des cheveux longs et un sourire, le V de la victoire au bout des doigts. Il se présente : Antoine Léon, enchanté… et me dit : vous êtes prêt pour la chasse ? Tout le monde ne parle que de vous, vous devez être performant. Moi, j’en ai marre de cette sieste, ce rêve est bien trop conscient à mon goût, je n’ai aucune prise sur ce rêve, c’est juste du réel, on ne m’autorise aucun choix, je peux à peine me relever, impossible de m’échapper. Jung a écrit : la solitude ne vient pas de l’absence de gens autour de nous, mais de notre incapacité à communiquer les choses qui nous semblent importantes. Là, personne ne m’écoute, on ne m’entend pas, on ne veut pas me comprendre. Communiquez avec le corps, trouvez votre animal totem, arrachez-lui les ongles, choisissez le plus féroce, vous verrez cela vous sera bien utile plus tard.    

Je pars, je traverse des bois puis des champs et des bois encore. La drogue me fait perdre le concept d’espace et de temps, des voix graves transpercent le brouillard de la nuit, d’autres hommes se mettent à chanter d’une voix gracile, comme des fillettes. Je coupe la neige au sécateur, d’immenses forêts me barrent le chemin, je reçois des coups de liane, des coups de fouet. Ma tête explose de l’intérieur, je ne suis pas encore à Mapuetos et je sais que je dois trouver l’animal le plus féroce. Le vent, la tempête, je traverse tout dans la stupeur d’un rêve initiatique vers un nouveau monde. Je ralenti ma progression, je ne sens plus l’apesanteur. Je croise un homme qui emporte des satellites obsolètes, il nettoie les cieux. Il me dit : Happy Christmas, sir ! Quelques étoiles s’éteignent comme pour annoncer la fin de la fête. J’entends toujours des bruits de pas lourds et ces voix fluettes. L’éphèbe m’a dit, juste avant de partir, que le terme Mapuetos tirait ses racines d'une fusion imaginaire entre deux langues anciennes, le mystique et l'astral. Dans la langue ancienne des étoiles, Mapu signifie ciel ou espace infini , symbolisant ainsi la destination céleste ou la position énigmatique de cet endroit. Le suffixe etos a été emprunté à une ancienne langue mystique, signifiant révélation ou lieu de découverte . En posant sa main sur son avant-bras comme pour cacher une formule magique ou un plan, j’avais remarqué un OS en gras. Était-ce les dernières lettres de Mapuetos ? Avait-il le plan de l’île ? Pourquoi une île ? Ses derniers mots furent : ainsi, Mapuetos pourrait être interprété comme le “lieu céleste de révélation” ou l”'étoile encore inconnue à ce jour”, évoquant une contrée mythique suspendue entre le ciel et l'inconnu, prête à dévoiler ses secrets mystérieux à ceux qui auraient le courage de l'explorer. Dans la vitesse de mon sang, la drogue poursuit ses effets, les lumières sont derrière moi, je plonge dans l’obscurité de l’univers. Une femme, sirène de l’espace, amazone de l’obscur, me donne une nouvelle dose et s’échappe dans un dessin amphigourique. 

J’arrive enfin à Mapuetos, les battements ralentissent, les voix disparaissent, je me pose proche d’un lac sous le volcan Imyriacht. J’ai la sensation d’être vivant mais je n’ai ni faim ni soif. Des orages déchirent le ciel, le volcan vomit, la terre tremble. Je dois trouver rapidement mon animal totem. J’entends des grognements dans le dos. C’est lui qui m’a trouvé : un ratel. Je connais l’animal, plus féroce qu’un lion, capable de marcher et de courir en arrière, ne tournant jamais le dos, capable, avec ses dents acérées, de briser les carapaces des tortues et de tuer ses ennemis d’un coup de griffe aux testicules. Je connais l’animal. Ce sera lui mon animal totem, j’arracherai ses griffes, je le dépècerai et j’emporterai sa peau. Il me provoque mais se méfie. J’ai la sensation qu’il connaît son destin, qu’il sait que le combat sera violent et sa mort certaine. Mes ongles poussent rapidement, mon corps se transforme, de ma gentillesse légendaire il ne reste qu’un espoir, celui de ne pas m’être trompé, mon regard devient féroce, le ratel tremble, il se chie dessus, le combat ne dure que quelques secondes, moins d’une minute. J’arrache ses griffes, je le scalpe, je dépiaute le ratel. Une voix me dit : c’est lui qui a tout cassé en toi, ta vengeance est parfaite, tu peux dormir tranquille maintenant.

Antoine Léon se lève de son lit, tout est mou, flou, disparate, comme si il était très fiévreux ou bien ivre et sur le point de s'évanouir, ses jambes le lâchent en dehors de sa chambre. Il est par terre et ses amis viennent pour l'aider. Ils ont des têtes de figures fantastiques, déformées, animales. Pas vraiment des monstres. Il n’a pas peur. Et ça recommence plusieurs fois, il se réveille encore et la même scène bien que différente se refait. Différents amis, différentes formes de visage mais toujours la scène où il a vraiment l'impression de sortir de son rêve, de se réveiller, de se lever, de tomber puis des formes viennent pour l'aider à se relever jusqu'à qu’il se réveille de nouveau. Combien de cycles ? C’est long. Abominablement long. Il n’a jamais eu un rêve aussi intense. Il se réveille enfin, il se lève en sueur, c'est très intense. Il ressent un besoin immédiat de sortir, il sort de son appartement, il sort dans la rue et en ouvrant la porte, un homme passe devant lui, sur le dos de son t-shirt est marqué Bonjour Léon . Des gens chantent dans la rue Bonjour Léon, Bonjour Léon, Bonjour Léon, Bonjour Léon…. puis disparaissent.   Il se souvient d’avoir rêvé d’un homme dans la tribu des Modocs qui devait chercher son animal totem à Mapuetos. Il court, court dans la ville, ville vide, morte, silencieuse, atroce, ville inondée par une vague, un tsunami. Il voit l’ombre d’un homme sur le toit d’une maison écroulée sous le poids de l’eau. Il crie : eh ! eh ! L’homme se retourne. Vous êtes Patrick Lowie, n’est-ce pas ? L’homme ne lui répond pas. Vous avez trouvé votre animal totem ? Il lui montre de loin un sac, la peau, les griffes, la mâchoire de l’animal. L’homme lui fait signe de la main, un au revoir puis il dit à Antoine Léon : je ne suis que le fruit de votre imagination. Dites-moi ce que vous voulez, je vous répondrai ce que vous voulez entendre. J’ai tué le ratel. La victoire me revient. Ces trentes prochaines années seront différentes, c’est ma plus belle victoire, tuer cet animal a été révélateur pour moi. Je ne vous invite pas à Mapuetos, vous connaissez le chemin ! 

Merry Christmas, sir ! 


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Bio

Brestois de 29 ans vivant à Casablanca avec une proposition d'économie politique qui lui à ouvert et qui lui tient le cœur depuis avril 2020.

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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