Ce portrait a été publié dans le livre Le totem d'Imyriacht (2023) aux éditions maelstrÖm.
Trifone Addeo
Trifone Addeo
Le portrait onirique de Trifone Addeo
Le portrait onirique de Trifone Addeo
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Trifone Addeo, chemise blanche, lunette de soleil,
prend le combiné téléphonique. Il sait depuis sa naissance
qu'il est dans un rêve mais fait semblant d'être dans la
réalité. C'est là où tout commence : il décide de
téléphoner au célèbre anthropologue des rêves, Patrick
Lowie. Allô ?Monsieur Lowie ? Chose promise,
chose due, voilà, d'ici, de là où je me trouve, je vois
l'Imyriacht. Vision magistrale. Il érupte, érupte, dans un
calme étonnant. La nature ne panique pas, elle accepte,
elle trouve les changements normaux, nécessaires. Comme
une procession des temps passés. Les hommes ne comprennent
rien à la nature. Oui, les arbres brûlent sous les
rivières incandescentes d'une lave qui prend tout sur son
passage. Oui, je vous assure que c'est bien le volcan
Imyriacht, je sais, je sais que vous cherchez cet endroit
depuis trop longtemps. Je voulais vous dire que je ne suis
pas sûr de pouvoir revenir. J'ai bien dessiné le chemin
que j'ai pris sur un bloc note, mais les feuilles se sont
envolées comme autant d'oiseaux blancs dans le ciel, oui
j'ai mis des totems de galets à chaque croisement, mais
pour arriver ici, j'ai marché dans un bois, j'apercevais
une ville, j'utilise l'imparfait parce qu'après quelques
heures je ne voyais plus rien, disparue. Pour y arriver,
j'ai dû traverser le jardin d'une ancienne villa
inhabitée. C'est d'ici que je vous téléphone, oui.
Tout
est en excellent état, je me sens accueilli et protégé par
ces murs. J'ai immédiatement eu la sensation que cette
villa m'appartenait, elle m'appartient ?... merci, je
suis entré sans crainte, mais j'étais accompagné d'un
chien qui m'a fait compagnie sur tout le trajet sans
m'adresser la parole. Plusieurs semaines de marche, oui.
En entrant, mon regard a été capturé par une porte
entrouverte. Cela ressemblait à une bibliothèque, comme si
quelqu'un avait rassemblé tous les souvenirs intenses
d'une vie ou d'un passé qui ne vieillit pas - dans cette
pièce. C'était particulièrement agréable. Oui, des livres,
très anciens, des photographies, des lettres et des cartes
postales... ah je n'ai pas regardé, attendez, je vais
voir.
Trifone Addeo ferme la fenêtre, dépose le
combiné et se dirige vers la bibliothèque, le chien ne le
suit pas. Il prend le courrier, quelques photos et revient
au téléphone déposé sur une table basse en ivoire. Allô ?
Oui, alors l'écriture n'est pas très claire. C'est signé
Jacobus... Loi ou Lohier... oui voilà Jacobus Lohier.
Allô ? Vous connaissez ? Allô ?
Il a
raccroché, Trifone, enlève sa chemise, torse nu, le regard
émerveillé, il sent la chaleur du volcan l'irradier. Ses
feuilles de bloc notes pour retrouver les repères d'un
éventuel retour passent au-dessus des arbres assoiffés. De
toutes façons, nous ne sommes rien, autant se perdre dans
les allées d'une ville abandonnée, nous ne sommes rien, mais
rien n'est plus beau que ce rien. Il avance vers une plaine
qui semble monter sans fin, vers des sommets d'arbres
défeuillés. Plus il avance, mieux il entend les grondements
du monstre, Trifone n'a peur de rien. Il lui semble
entrevoir sur les berges du lac de lave, un homme armé d'une
épée, bras dans le dos, un immense livre à la place de la
tête. Le livre prend feu.
Soudain, quelqu'un touche
son épaule et il se retourne, surpris, intimidé par le
regard de l'homme, souriant, rassurant, qui l'attend les
bras écartés. L'homme lui dit : j'ai retrouvé le
chemin, j'ai ramené jusqu'ici vos totems de galets.
Trifone
Addeo garde le silence, bouche ouverte, puis parle et
répète : c'était la seule chance qu'il me restait
de rentrer chez moi. Vous rendez-vous compte ?
C'était la seule chance qu'il me restait de rentrer chez
moi. Vous rendez-vous compte ?
L'homme
s'approche et dit : je suis votre poupée vaudou.
Percez-moi de vos épingles qui font le tour de vos yeux.
La terre tremble. Les oiseaux sont pris au piège, les
feuilles brûlent. Trifone se dit : surtout ne pas
se réveiller ! Je veux tout voir jusqu'au bout !
Puis il crie : Où sommes-nous ? Où
sommes-nous ?
La poupée vaudou dit très
calmement : nous sommes à Mapuetos. La ville qui
n'existe pas dans un monde qui n'existe pas. Nous sommes
là où vous rêviez être.
Trifone Addeo goûte au bonheur
puis tourne sur lui-même, de plus en plus vite, il tourne,
tourne, tourne puis se réveille.
Publications & anecdotes
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Bio
Trifone Addeo est né en février 1974 à Vallo di Lauro, une zone géographique de la Basse Irpinia (sud de l'Italie). Sensible aux visions macabres d'Edward Gorey, à la photographie conceptuelle de Christo Tee et au cinéma expérimental de Shirley Clarke, il s'occupe de recherches indépendantes sur l'histoire des traditions populaires. Il écrit, surtout pour les autres; il voyage, surtout avec son imagination. Libre, il encourage la liberté.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com