Malika Madi
Malika Madi
Le portrait onirique de Malika Madi
Le portrait onirique de Malika Madi
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Je n'ai rien fait, j'avoue.
Combien de nuits sans se
réveiller
? Sans s'émerveiller
? Mes journées en apesanteur
dans l'attente de nouvelles saisons saumâtres. Mes nuits
sans agitation, sans regret, sans évolution. Le train fantôme
avance-t-il seul dans la nuit, ne suis-je plus maître de
rien ni de personne
? Libre, informer ou ouvrir un débat,
qu'importe
? Je n'ai rien fait, j'avoue. Une belle femme
élégante, qui n'attise pas que le désir, est assise sur un
banc de musculation, endormie, épuisée, coincée contre
les murailles de son labyrinthe onirique. Je ne veux pas
la prendre par les mains, ni l'entraîner dans mon sillage.
Il neige sur le labyrinthe végétal du parc Schönbusch à
Aschaffenbourg. Mes rancœurs circulent dans les veines
fines, invisibles, inutiles et se meurent dans son cœur
dilaté par l'ennui. La femme se lève et se transforme
en bibliothèque. Je choisis un livre, je l'ouvre, je choisis
un chapitre, une ligne qu’il faut dévoiler. Je déchire la
page qui s'échappe avec le vent. Je reconnais la femme-
bibliothèque, c'est Malika Madi, écrivaine belge d'origine
algérienne ou algérienne d'origine belge, qu'importe
! Tout
devient miel, plus irréel encore. Au loin, les bâtiments
de style néoclassique s'effondrent très lentement. Sans
mémoire, je me demande encore, vous êtes qui
?
me dit-
elle d'un sourire mélancolique. Je réponds péniblement,
comme si l'humanité mettait tout son poids sur mon corps
dépourvu de désir
: je m'appelle Patrick Lowie, je suis à la
recherche de l'arbre planté au cœur de ce labyrinthe, je ne
m'en sors pas dans ce monde d'impasses et de fausses pistes.
Toutes les voies mènent à des culs-de-sac.
Elle me répond
qu'elle aussi s'est vite perdue avec tous ces tracés sinueux
et ces nombrables embranchements. Elle continue
: avant votre arrivée, je dormais et en dormant je rêvais.
Je parlais à un inconnu, je lui disais qu'il faisait revivre
mon père, qu'il n'était pas mort, qu'ils se sont trompés à
l'hôpital, que son cœur fonctionnait parfaitement et qu'il
restera en bonne marche pendant longtemps encore, j'étais
une gamine dans le rêve et tellement heureuse de revoir
mes parents se parler à nouveau.
Elle me précède dans la
marche titubante pour retrouver la sortie ou l'arbre, ou les
deux, guidée par le goût du miel, la nuit s'écrase sur ses
mots
: quelle atroce déception inonde notre subconscient
couard au point de nous torturer au moment où nous
sommes dans le lâcher prise du sommeil. Je me tourne, me
retourne, reprends le contrôle de la situation. Le cœur bat
la chamade, les tempes sont brûlantes, l’esprit en feu mais
ma réaction est immédiate
: la journée sera longue, si ce rêve
s’installe dans le champ du conscient, Morphée désertera
ma nuit définitivement. Alors je glisse et il reprend mes
esprits.
Après plusieurs tentatives, après plusieurs heures
de marche laborieuse, nous arrivons enfin, le labyrinthe
semble s'être déplacé dans une forêt sans canopée, sans
écosystème. Un ange nu et asexué dit
: Cuius est solum
eius est usque ad coelum et ad inferos
puis s'envole tel un
hibou effrayé. L'arbre n'y est plus. Arbre abattu. Vendu au
plus offrant. Un trou, on observe les entrailles de la Terre.
Là-dessous, un océan dissimulé. Malika Madi, les
yeux fermés, sans se faire prier dit : tu t’accapares
d’invraisemblables chemins de traverse où je marche nus
pieds sur les trottoirs d’une ville inconnue..., voilà que
maintenant je suis la passagère d’une voiture roulant sans
chauffeur et lorsque je le réalise, je tente de gagner le volant
mais au prix d’incroyables contorsions... je me dispute avec
ma mère, je hurle, lui jette à la figure toutes les invectives
que je thésaurise depuis des temps immémoriaux et je
prends la fuite le plus loin possible en voiture, là aussi...
je suis à Paris, à Alger... à Los Angeles, à Moscou... je suis
dans un nouveau chez moi mais plus petit que celui réel...
je fais un autre bébé... je suis dans un mensonge que je
divulgue à celui à qui je mens..., je suis dans ma chambre
d’enfant..., je suis sur le chemin de l’école..., je suis dans
une classe ou j’anime une conférence... je suis spectatrice
d’une eau qui se déchaîne au rythme d’un vent effroyable...
je suis dans une rue enneigée où la bise gifle mon visage et
mon corps couvert d’une simple tenue d’été... je suis loin des
miens sans savoir quand je les retrouverai ... je suis perdue
dans une ville inconnue couverte d’eau..., je suis... lorsque
le gong retentit, violemment, et me libère de ton emprise. Je
me redresse, lasse, épuisée, soulagée. Le monde onirique est
parfois plus douloureux que celui réel qui croît autour de
nous. Nos peurs tapies dans les méandres de notre esprit,
plus difficile à affronter que celles que l’on regarde face à
face, les yeux dans les yeux.
Elle n'ouvre pas les yeux. Elle
fait un geste, rien à cirer, elle n'a plus pied, elle glisse dans
l'océan sous terre. Pour se libérer. Le nouveau monde est
là, preuve empirique. Pourtant, je n'ai rien fait, j'avoue.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Malika Madi est une femme écrivain belge d'origine algérienne. Elle vit actuellement à Bruxelles. Elle est l’auteure de plusieurs romans
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com