Lisette Lombé
Lisette Lombé
Le portrait onirique de Lisette Lombé
Le portrait onirique de Lisette Lombé
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Monsieur rêve, assis sur un long banc incurvé en
pierre blanche, couché presque, tellement le corps s'est
épuisé à combattre l'invisible pire que des moulins à vent,
assis en-dessous de deux beaux jeunes arbres chaulés qui
semblaient s'aimer, Monsieur lève et rabaisse la tête, la
pluie s'invite timidement, il tapote avec les doigts au
rythme d'une mélodie sourde et il regarde enfin fixement
peut-être, même bêtement, le fonctionnement d'une écluse en
bois cramé, merveille d'ingénierie qui se sert de l'eau d'un
cours d'eau, de la gravité d'un aimant, d'un système de
leviers de haute voltige, de rouages pour permettre aux
embarcations, des péniches aux drakkars, de monter ou de
descendre jusqu'à un autre niveau d'eau. Ce rêve commence
avec la douceur d'un automne à venir, les rêves ne se
terminent jamais, nous ne vivons que dans leurs
prolongements, Monsieur rêve de se déconnecter du monde.
(1) Je m'appelle Lisette Lombé , poème de Lisette Lombé
Je n'avais pas remarqué la
statue en marbre derrière les arbres, je me lève et me
rapproche, elle descend de son piédestal. Les feuilles
tombent, je fais semblant d'en ramasser, dessous, dessus. Au
loin, un jeune homme jardine, frotte, bêche, gratte, plante,
cultive son âme. La statue me prévient : nous
sommes dans un rêve, ne l'oubliez pas Monsieur
Lowie !
Je tente un sourire – ce que je fais
rarement même sur les photos – heureux
, dis-je, de
ne pas vivre la suite de mon précédent rêve où j'attrapais
des rats par la queue, rats qui mouraient dès que je les
touchais, comme si j'avais le pouvoir sur mes adversaires.
La statue se présente : je suis Lisette Lombé, il
fallait bien qu'on se croise un jour, n'est-ce pas !
Même si nous sommes loin.
Je pense d'un coup à ces
centaines de personnes rencontrées dans mes rêves. Elle me
dit : remontons ce chemin, il va du parc où mon
grand-père maternel officiait comme jardinier ... et vous
voyez là-bas, c'est la maison de mes grands-parents.
Le
jardinier nous suit du regard et dans ses yeux nous sommes
deux vieilles personnes remontant difficilement le chemin de
la vie, je crois entendre la trompette de Miles Davis,
vaguement, au loin, entre quatre vents et deux arcanes. Le
jardinier poursuit son travail intérieur, il imagine ses
petits-enfants, on longe le cours d'eau qui menace de
déborder. Je dis : vous n'êtes pas une statue,
n'est-ce pas ?
Elle ferme les yeux et slam sur
des mots, racontent ce qu'elle voit, un ouragan pervers, le
paysage de son enfance défiguré, des épaves, des carcasses,
détritus,... plus rien n'existe. J'insiste : vous
n'êtes pas Lisette Lombé, n'est-ce pas ?
Elle
m'offre ce qu'elle voit : des nids de serpents
partout
, dit-elle, placés sur des têtes comme
autant de Méduses du Caravage.. mais aussi des boucs
fébriles chargés de missions inconnues et des orques noirs
et blancs, le yin et le yang, le masculin et le féminin,
le combat est rude mais beau.
Je me réveille et me
lève doucement sur le long banc incurvé en pierre blanche,
un blanc de céruse, je me retourne, la statue est bien là.
Je m'approche, une voix off me dit : j'ai croisé
des animaux inquiétants qui me parlaient chacun à leur
manière de la fin du monde, d'apocalypse (mais qu'il y
aura-t-il après l'apocalypse?), je n'ai croisé aucun
humain.
La statue ouvre les yeux au même moment que
l'écluse cède. L'eau envahit tout sur son passage :
même le monde invisible.
La statue, sur son
piédestal, est épargnée, je marche sur l'eau, sans compter,
je sens mes omoplates tendues, je m'approche d'elle mais je
n'ai plus envie de me mêler à ses conversations, une plaque
en bronze indique :
Je m'appelle Lisette
Lombé.
Fille de Claire Monique Dejehet et de Jean-Marie Lombe Yangongo.
Conçue à Kinshasa. Née à Namur. 30 août 1978.
Dans mon sang, il y a le Kasaï et il y a la Meuse.
Il y a le 504 Rue Kindu et le 88 Avenue de la Pairelle.
Il y a la cité congolaise avec sa poudre à lessiver qui mousse dans les caniveaux.
Et la cité belge avec son herbe qui pousse au pied des cages en béton.
Dans mon sang, couleurs, odeurs qui se chevauchent,
mikate, frites maison, lingala, wallon namurois
et l'élégance des léopards.
Dans mon sang, deux corps, deux coeurs qui ont dit merde à la norme !
Fille de Claire Monique Dejehet et de Jean-Marie Lombe Yangongo.
Conçue à Kinshasa. Née à Namur. 30 août 1978.
Dans mon sang, il y a le Kasaï et il y a la Meuse.
Il y a le 504 Rue Kindu et le 88 Avenue de la Pairelle.
Il y a la cité congolaise avec sa poudre à lessiver qui mousse dans les caniveaux.
Et la cité belge avec son herbe qui pousse au pied des cages en béton.
Dans mon sang, couleurs, odeurs qui se chevauchent,
mikate, frites maison, lingala, wallon namurois
et l'élégance des léopards.
Dans mon sang, deux corps, deux coeurs qui ont dit merde à la norme !
Premier Noir. Première
Blanche. Secousse des grands-parents.
Rencontre du tiers monde
et du quart monde qui donne un nouveau monde.
Moi ! Passeuse de feu,
semeuse de graines, voix des sans-voix.
J'écris pour que mes
enfants n'oublient pas de quel ventre ils sont nés.
Je m'appelle Lisette
Lombé. (1)
Décédée à Mapuetos en 2158.
Décédée à Mapuetos en 2158.
Je lève la tête, le
jardinier tente de sauver son jardin mais l'eau monte. Il
crie : c'est où Mapuetos ? C'est où
Mapuetos ?
J'écarte les
mains en signe d'impuissance.
(1) Je m'appelle Lisette Lombé , poème de Lisette Lombé
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Bio
Artiste plurielle, passe-frontières, Lisette Lombé s’anime à travers des pratiques poétiques, scéniques, plastiques, militantes et pédagogiques. Ses espaces d’écriture et de luttes s’appuient sur sa propre chair métissée, son parcours de femme, de mère, d’enseignante. En dérivent des collages, des performances, des livres et des ateliers, passeurs de rage et d’éros. Co-fondatrice du Collectif L-SLAM, elle a été récompensée, en 2017, en tant que Citoyenne d'Honneur de la Ville de Liège, pour sa démarche d'artiviste et d’ambassadrice du slam aux quatre coins de la Francophonie.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com