Françoise Bacq
Le portrait onirique de Françoise Bacq
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Finalement je parvins à lui dire que je l’avais qualifié de tyran parce qu’il m’avait obligé, moi, à vaticiner, et que c’était toujours à moi qu’il demandait l’impossible. La voix était celle d’un corbeau rouge qui tentait depuis quelques minutes de me raisonner. En cherchant les plus beaux mots pour lui dire qu’il était question pour moi d’en finir avec cette carrière ridicule d’écrivain, je me rendis compte que j’étais ce corbeau et que je me parlais, je m’insultais, je me salissais. Je me dis que mes rêves pourraient refléter un sentiment de vulnérabilité, de perte de contrôle, mais aussi un retour à la stabilité et à la sécurité après une période de stress. Que pour moi, rêver, signifiait me parler, dialoguer, me transformer. Peut-être que ces rêves m'invitent à réfléchir sur la manière dont je gère les situations où je me sens hors de contrôle, et comment je peux retrouver cette stabilité, même après des perturbations. Une autre voix me dit : tu es peut-être la matrice du monde, ces rêves transforment le monde. Dans le rêve d’hier tu es parvenu à changer la boue en bière. Ce n’est pas rien. En allumant deux petites bougies déjà très entamées, je découvre des visages incertains. Ils se demandent si faire la lumière sur des événements passés était bien judicieux. Je reconnais à ma gauche, les visages d’apôtres qui revenaient d’un voyage sur Mars, face à moi, Arthur l’indolent qui me dit avec une banalité qui m’enrage, qu’il revient de Mapuetos et que c’était décevant. De sa bouche, j’entendis des oiseaux chipoter sur les distances parcourues. À ma droite, Françoise Bacq qui nous mime son rêve : - je suis en voiture, arrêtée dans les bouchons. Mon manteau me recouvre comme si j'avais essayé de le passer par-dessus la tête. Quelqu'un en profite, s'engouffre par la fenêtre côté conducteur et me vole mon sac. Je suis incapable de réagir. Ça se passe à l'étranger, loin de chez moi. Je me retrouve donc sans téléphone ni argent ni clés, je pousse un grand cri de désespoir qui vient de très profondément. Sur la place, il y a quelques personnes qui me voient et entendent mon désespoir. Je remonte une rue à la recherche d'un bureau de police. Je n'en trouve pas et personne ne peut me l’indiquer, ce qui augmente ma puissance. Plus tard, je retrouve une femme qui m'avait vue. Elle reconnaît qu'elle connaît le voleur de mon sac, il est justement assis à côté d'elle. Je demande au garçon de me rendre mes clés et mon téléphone. Il va chercher le sac et me ramène tout. Je sens que je m'apaise et que j'ai retrouvé mes éléments de sécurité.
Je lui dis qu’elle a repris le pouvoir et que la voiture représente le cheminement de sa vie. Elle ferme les yeux. Place les mains devant son visage. Je vois ses yeux qui s’ouvrent à travers les mains. Je sens la peur et un peu de rancune. Nous sommes toujours à l’étranger, toujours loin de chez soi. Je me regarderai dans vos yeux. Je reçois un coup de téléphone : Monsieur Patrick Lowie ? Sa Sainteté voudrait vous voir rapidement. Dans trente minutes ! Je me lève et j’essuie mes pieds qui trempaient dans une bassine d’eau tiède. J’invite Françoise Bacq à m’accompagner avec sa voiture. Elle nous conduit rapidement jusqu’au Vatican. Pas d’embouteillages. Les hommes de la garde suisse pontificale ressemblent tous à des artistes que j’ai connus. Nous arrivons pieds nus dans les appartements de François qui donne des clés à Françoise : vous avez encore perdu vos clés ! Elle vérifie et elle n’a rien perdu. Sur les murs de la chambre : des milliers de trousseaux de clés accrochés à de simples clous. Je dis au pape que je ne suis plus catholique. Il me dit : vous avez bien fait. Je lui dis que j’ai fait cela pour prendre du recul, pour embrasser toutes les religions, tous les hommes. Il me dit que j’ai bien fait. Françoise Bacq filme la scène. Le pape François me dit : vous serez le prochain pape ! Je refuse catégoriquement. Les hommes en robe poussent des exclamations et s’interrogent. Ils me conspuent et me menacent. Ils me déshabillent et me mettent en robe. Ils m’approchent de la fenêtre. Françoise Bacq me dit : ce ne serait pas raisonnable cher ami, partons d’ici. La place Saint-Pierre est vide, il neige. Je me vois assis en bas de l’obélisque. Je me vois compter les colonnes. Je me vois attendre quelqu’un qui ne vient pas. J’observe une voiture rouge ensevelie dans un marécage de boue, je vois beaucoup de boue. Je m’approche de la fenêtre, le monde est vide. Françoise Bacq me pousse dans le vide. Vous ne serez jamais pape , me dit-elle. En tombant, je m'aperçois que l'espace entre la fenêtre et le sol devient un amphithéâtre où le temps s'étire. Chaque mètre de chute est une heure de pensée. L'air qui me fouette le visage m'enseigne la fragilité de l'être, tandis que la gravité qui m'attire vers le bas révèle l'inéluctable destin de toute chose. Je médite sur l'absurdité de nos ambitions — pape ou écrivain, quelle différence ? — quand tout finit par une rencontre avec le sol. La place Saint-Pierre se rapproche, mais sans hâte, comme si l'univers m'accordait ce dernier privilège : comprendre avant de disparaître. Dans cet instant vertical, je saisis enfin ce que signifie être — non pas occuper une fonction, porter un titre ou une robe, mais simplement exister dans la conscience aiguë de sa propre finitude. Je souris. Françoise Bacq, en me poussant, m'a offert la plus belle des leçons de philosophie. Arthur me prend par la main et me dit : Mapuetos, c’est toi. Tout ce que tu as découvert : le volcan Imyriacht, le totem… ne sont que ta perception du monde infini. Voici le seul tableau qui mérite d’exister, j’ai tout brûlé. Merci pour tout. Je te souhaite le meilleur pour le reste de ta vie. C’est tout. Arthur s’éclipse. Le corbeau rouge s’approche de moi, l’ambiance est lourde, irrespirable. Françoise Bacq dort. Tout devient encore plus cyclique, tout semble flotter dans un espace-temps indéfini où les limites entre rêve et réalité sont complètement brouillées. Les liens s’effacent. Les empreintes sont trop nombreuses. Je n’ai jamais cru que les êtres humains étaient humains.
Publications & anecdotes
Bio
Depuis mon adolescence, je suis habitée d’une conscience vive de la mort et de l’au-delà.Chercher comment entrer en relation avec ce monde invisible a déterminé tous mes choix,y compris ceux de renoncer à la vie de famille et à une carrière. J’ai enchaîné des métiers différents (avocat, consultante en gestion, coach d’équipes, psy en milieu psychiatrique, psychanalyste), j'ai peint à l’huile, sculpté la pierre, et écrit, pratiqué la permaculture et l’herboristerie, marché seule dans l’Everest et visité en camion le Tibet alors interdit aux étrangers, jeûné dans la forêt amazonienne, ingéré les plantes psychoactives et fait des voyages astraux bien malgré moi. Plus récemment je me suis installée au coeur du Finistère Nord, dans les Monts d’Arrée, en plein coeur de la nature sauvage. J’oubliais, je suis Belge, j’ai 66 ans et une nouvelle vie devant moi.