Delphine Arras
Delphine Arras
Le portrait onirique de Delphine Arras
Le portrait onirique de Delphine Arras
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Pourquoi n'essayes-tu pas ?
me dit une petite voix
venue de l'intérieur. Penses-tu réellement avoir atteint la
totalité, évitant la perfection ? Quand as-tu cessé de croire
en toi ?
Je me regarde méfiant dans un miroir brisé et je
lui réponds : depuis que tu as cessé de me parler. Ne me
traite pas comme les autres, voix infâme, je suis un être
vagabond et illogique, enclin à l'oisiveté et à l'erreur.
Le
freinage du train m'arrache à mes rêves conversants. Mes
nuits sont épuisantes en ce moment, mes rêves sont des
cauchemars, je tente en vain de m'accrocher à un sourire.
Je m'étais assoupi entre deux arrêts, je ne me souviens plus
trop d'où je viens et où je vais. Au départ, j'étais seul dans
le compartiment mais une femme est entrée pendant que
je m'étais endormi, maintenant elle est assise et m'observe
d'un air interrogatif. Elle est belle, le teint de la peau est blanc
laiteux et ses cheveux sont châtain aux reflets roux. Elle me
sourit discrètement, un carnet poétique dans les mains. Je
lui dis : Madame, je m'excuse de m'être endormi et de ne pas
vous avoir laissé plus de place dans ce compartiment. J'ai
l'impression de vous connaître, ne seriez-vous pas Jeanne
Hébuterne ?
La jeune femme se met à rire puis prononce
ces quelques mots qui me font sursauter : non, je suis
Delphine Arras, si j'étais Jeanne Hébuterne, vous seriez
Amedeo.
Je me lève sans rien dire et fume une cigarette
dans le couloir tout en regardant par une petite fenêtre ce
panorama inconnu et en réfléchissant à l'itinéraire de ma
vie. Le couloir est long et vide, très long. Perplexe, j'écrase
calmement le mégot dans le cendrier et retourne dans le
compartiment. Je reprends la conversation : j'ai oublié
de me présenter, je m'appelle Patrick Lowie, rhétoricien
onirique, connaissez-vous la prochaine halte de ce train ?
J'ai l'impression qu'il ne s'arrêtera jamais et que je suis ici
depuis une bonne décennie.
Elle m'explique qu'elle aussi est
là depuis longtemps, qu'elle avait convoqué ses passions,
qu'elle était prête à recommencer, tout, seconde après
seconde, les morsures, les vertiges, l'attente, l'extase,….
Je lui fais signe d'arrêter : de quoi parlez-vous ? En une
seconde, je pensais pouvoir passer d'une vie à une autre, me
voici dans ce train qui ne s'arrête jamais, le paysage m'est
inconnu, comme écrivait Descartes, la logique de la vie n'est
pas la même que celle de la science, que dire de la logique
des rêves ? Qui est Amedeo ? Qui êtes-vous ?
Le train freine
puis s'arrête enfin. Pas de gare, que des champs. Au loin,
le clocher d'une église, le milieu d'un village invisible. Je
pense à ces songes, tout reste à expliquer, je m'éloigne de
Delphine, plongé dans mes rêves byzantins, je me retourne,
elle me fait un signe de la main. Alors que le train était
vide, une femme l'accompagne désormais, d'où vientelle
? Un bruit assourdissant envahi la campagne, une
explosion. Je rebrousse chemin vers les deux femmes, elle
dit : se trouver dans un trou, au fond d'un trou, dans une
solitude quasi totale et découvrir que seule l'écriture vous
sauvera, reprenez l'écriture Delphine, vous verrez. Partons
ensemble pour enterrer le passé.
J'ai l'impression de me
promener avec Marguerite Duras et Jeanne Hébuterne,
je ne suis ni Amedeo ni Yann. Nous marchons dans une
allée entourée de grands arbres, une montée qui serpente
doucement. Je vous présente ma mère,
dit Delphine. Nous
entrons dans l'enceinte d'un cimetière, tout semble à la fois
léger et insouciant. Balade bucolique. Elle poursuit : j'aime
beaucoup ce lieu, rien n'est triste ici, ni le lieu ni le jour
alors que nous allons enterrer quelqu'un. Va-t-on inhumer
ma tante ?
Le cercueil ouvert pleine grandeur est vide.
J'entends le train repartir sans nous, Marguerite trébuche
et tombe dans la fosse, il me semble la voir flotter parmi les
écorces d'orange à moins que mon imagination onirique
me joue encore de mauvais tours.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
D'abord la danse, depuis toute petite, puis la scène quelque fois pour chanter ou jouer la comédie et puis l'écriture. Deux projets qui me tiennent à coeur: une sorte de journal poétique, objet non identifié, intitulé "Mes nuits avec Marguerite" (Duras, oui), et puis un récit. Tous deux achevés mais non publiés. Des textes, des chansons. La rencontre du texte avec les corps, avec les voix m'attire, m'obsède. Et puis la photographie bien sûr, toujours là. J'ai 45 ans et je vis à Paris.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com