Christo Datso
Christo Datso
Le portrait onirique de Christo Datso
Le portrait onirique de Christo Datso
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Comme dans tous mes rêves j’ai environ vingt ans, trente ans
maximum. Le vent soulève le sable, le monde devient de plus en
plus brouillé, orangé, jaune. Cela me rappelle un rêve d’enfance,
j’avais cinq ans et je dominais le monde des cubes jaunes qui
flottaient dans l’espace, dans une lumière solaire, j’étais le Roi du
monde.
Christo Datso est assis, jambes tendues, sur une chaise
à accoudoirs en bois, qu’on appelle Richwood pour une raison
que j’ignore. Il est dos au public, et partage un rêve, venu de nulle
part, à haute voix. D’autres personnages/comédiens armés et
équipés de treillis militaires, vestes kakis, chaussés de sandales
sont assis sur d’autres chaises à accoudoirs en bois, dos au public,
eux aussi. Pendant les répétitions de la pièce « T’as vu ? C’est
la Révolution !
», mise en scène par Christo Datso lui-même,
quelqu’un me tapote sur l’épaule puis quitte la pièce, je me lève
et le suis jusqu’à l’entrée du théâtre où un vieil homme, fatigué,
malade, mourant me dit : tout le mal que je vous ai fait, je l’ai
fait par amour. Je vous aime.
Il se lève difficilement, tombe dans
mes bras à cause du vent et m’embrasse sur la bouche avec la
langue, ce qui me révulse. Le baiser du traître contracte mon
corps, il se dérobe, je me recroqueville. Voir mon pire ennemi
mourant et sentir son haleine sur mes lèvres est pénible. Pour
une fois, il s’agit bien d’un cauchemar. Sauf qu’en repartant vers
la scène, je me suis senti soulagé, comme si son acte représentait
la fin de la guerre entre nous, comme si j’avais gagné la guerre.
Comme s’il était prêt à tout abandonner et que son haleine
était le dernier souffle de vie qu’il m’offrait avant de disparaître.
Les répétitions de la pièce se poursuivent, Christo Datso regarde le
public et dit : et les graines s’ouvraient avec une corolle de parachute,
devenaient des cubes, de grands cubes jaunes sur lesquels je pouvais
me tenir debout. Alors je n’avais qu’à étendre le bras pour les faire
bouger n’importe où, dans un ciel jaune lui aussi, et je n’avais qu’à
sauter de l’un à l’autre, roi du
monde, libre comme jamais, au
cœur du soleil...
(
Nuits de Shanghaï,
Christo Datso) Les mains
dans les poches, j’assiste aux répétitions tout en repensant à
la scène que je venais de vivre, il y a quelque chose qui me
brûle les lèvres, c’est une énorme boule de mots. Soudain
sur scène, les acteurs enlèvent les vestes kakis. Ils se lèvent
comme s’ils étaient dans le même bateau. Le plus jeune dit : pas de promesses, c’est la révolution ou je rentre chez moi. Je ne
veux pas finir comme mon père. Il dit à l’homme plus âgé : tu
as mon avenir dans tes bras. J’ai besoin d’air. Je suis sur le bord
de la falaise, un seul mot de ta bouche et je plonge. Christo
réplique : moi, aux bords des mondes, soyons honnêtes,....
il dit
cela calmement, tout en lisant un journal, une immense feuille
imprimée de format A2, il n’avait jamais vu ça, des grandes
colonnes de texte serré, de gros titres, d’anciennes polices de
caractères, pas de photo ou d’illustration. Il a du mal à lire le
titre dans la confusion générale, le bruit, les personnages qui
se chamaillent en attendant qui, on ne sait pas trop, puis il crie,
enfin : cette révolution ne me concerne pas. On va se bourrer
la gueule parce qu’il n’y a plus que ça à faire de toute façon.
Dans la deuxième partie du rêve, on est à Mapuetos. Je
m’éloigne du poète Christo, je m’éloigne des avalanches, je
m’éloigne des bruits sourds de la vie, je m’éloigne de la réalité.
Au fil des phrases, des rencontres fantasmées, des rêveries,
je me sens dans mon même radeau face au volcan Imyriacht,
mais pas seulement. Est-il possible de décrire un rêve, est-
il possible de décrire Mapuetos ? Et si ce n’était qu’un coup
de bluff ? Je murmure : encore une fois... J’ai rêvé encore une
fois.... Combien de fois me suis-je endormi ? Combien de fois
me suis-je réveillé couvert de sang, pleurant, tel un nouveau-
né ? Enfin me voilà une nouvelle fois. Voici mon aigle. Là,
mon serpent. Et au loin, le soleil.... Encore une fois je suis seul
(
Théâtre sans fin
, Alexandro Jodorowsky, Albin Michel). La
révolution se déclenche en moi, comme une rage sans haine.
Moi non plus, je ne veux pas finir comme un chien, même dans
un rêve. Je me dis que Christo pourrait emballer Mapuetos.
Le jour ne se lève plus. Mon cœur ne bat plus, j’entends juste
un souffle dans les narines, mais je suis bien vivant. La pleine
lune m’aveugle. Les mains de l’amour m’étranglent. Je me
sens bien. Je me sens en forme. J’ai perdu quelque chose,
cette chose invisible qui nous transforme. Il me manque cette
légèreté, la légèreté. Je souffle en moi pour la retrouver. Face
au tout nouveau monde, un bouquet de fleurs en plastique
entre les doigts, une couronne lumineuse au-dessus de la tête,
une bouche dégoulinante et béate, un veston vert trop court,
un ventre qui risque à chaque instant de faire péter un bouton
violet de chemise, des couleurs vives et la chanson Baby
portable rock
des Pizzicato Five, un néon bleu, un néon jaune,
un néon vert, ignorant les systèmes délirants du monde, leurs
fonctionnements anachroniques, leurs clés de lecture, leurs
insuffisances aussi, je m’approche de Christo Datso qui me dit
: Cher Patrick Lowie, je vous laisse à Mapuetos, ce voyage fut
merveilleux, je vous laisse les grands cubes jaunes et mes mots
en souvenir, je vais rejoindre la réalité de ce pas et le cortège
de mes noces.
Il range ses clous et a un furieux désir d’uriner,
d’inonder l’univers de son pipi jaune vif.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 111 portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Christo Datso est né en 1958, il vit à Bruxelles et a publié quelques nouvelles. Psychologue de formation, il est en charge de projets ICT dans le secteur bancaire.
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
Précisions d’usage
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com