Ziska Larouge

Ziska Larouge

Le portrait onirique de Ziska Larouge

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Ce soir, je me suis demandé si Mapuetos aurait pu faire partie des célèbres dream visions de la poésie anglaise médiévale. Je pense aux Contes de Canterbury évidemment mais aussi à Piers Plowman de William Langland. Mapuetos est une quête débutée il y a douze ans après une série de visions venues en rêve et cauchemar. Huit épisodes des Chroniques de Mapuetos , près de 300 portraits oniriques plus tard, l’aventure se poursuit en se posant de nouvelles questions : quels liens avec ces poèmes anglais ou avec le surréalisme de 1920 ? Le Mapuetosisme (ou Mapuetisme) aura-t-il un jour une définition ? Est-ce que derrière la beauté du rêve se cachent des réflexions sur des enjeux sociopolitiques complexes ? Le prochain épisode, « Dix-huit ans », mettra l’accent sur ces enjeux, à l’abri des plaqueminiers, le narrateur croisera des sorciers et des cartomanciennes folles, replongera dans un moyen-âge de rêves et partira en voyage, cartes marines en mains,…. atteindra-t-il enfin Mapuetos ? L’écrivain s’arrête un instant observe les lieux, feuillette des livres et dit : et cette tête de femme sculptée dans du bois, c’est de qui ? Une femme chavire, dans son rêve, elle chavire doucement, observe les yeux fermés, elle sourit la bouche empêchée. Un homme crie : toute la nuit aussi j’ai rêvé que j’étais à un festin ; je vais donc aller dormir une heure ou deux, et puis toute la nuit je veillerai et m’ébattrai. 1 La femme qui chavire se cache derrière sa photo officielle. Je suis assis dans un meuble en bois, est-ce un mobilier liturgique ? Voilà, les souvenirs me reviennent, dans mon rêve je crée un confessionnal des rêves, j’écoute à longueur de journée des hommes et des femmes qui me racontent leurs rêves, les plus beaux ou les plus laids, je ne suis pas curé, assis sur une planche en bois, j’écoute sans rien dire, le rêve raconté je termine en disant : soyez heureux ! La personne sort de la boîte en bois gravée, transformée, heureuse, épanouie. Se libérer de ses rêves, de ses cauchemars. Dans la contrée des songes, les repères habituels s'effacent. Le temps n'a plus du tout la même emprise, les lieux se mêlent un peu et se confondent toujours. La réalité nous joue de mauvais tours. C'est ainsi qu'en franchissant le seuil de l’étrange bâtisse, je me retrouve soudain dans un écrin de verdure luxuriante, une forêt de bambous où murmurent des voix lointaines. Des voix enchaînées. Des êtres insaisissables semblent m'observer depuis les frondaisons, des créatures nées des légendes les plus anciennes. Suis-je déjà à Mapuetos ou ai-je basculé vers d’autres réalités irréelles ? Une lueur d'espoir vacille au creux de ma main et de mon âme céleste : et si le grimoire tant convoité se cachait ici, tapi dans quelque recoin secret ? Une femme entre dans le confessionnal, un peu perplexe mais agitée, pétillante et drôle, je parviens rapidement à entrer dans son âme, elle m’ouvre toutes ses portes colorées. Elle me dit : à quel grimoire pensez-vous ? vous le savez Patrick Lowie, l'art, sous toutes ses formes, permet cette espèce de continuité dans le temps qui mène à l'immortalité 2 . Et ce que vous faites, c’est de l’art onirique. Vous êtes à la recherche de l’immortalité. Je me présente, je m’appelle Ziska Larouge, on m’a beaucoup parlé de vous, je viens vous raconter mon rêve : j’étais un petit tracteur à pédales (mon petit tracteur), bleu délavé par les saisons, cabossé sur le devant, avec un klaxon rouge en tire-bouchon qui ne faisait plus que souffler. Le petit tracteur était amoureux de sa propriétaire, une petite fille (moi) rigolote et sérieuse, profonde et légère, bavarde et silencieuse, rondelette, mais pas grosse, qui louchait un peu, qui boitait un peu, qui détestait les cris, la méchanceté, l’injustice et qui rêvait beaucoup, beaucoup, beaucoup, mais très souvent éveillée. Elle tombait fréquemment, elle manquait d’équilibre. Cela avait été la chance du petit tracteur. Elle ne parvenait pas à rouler à vélo. Alors, pour ne pas qu’on se moque d’elle, elle avait prétendu que rouler en tracteur, c’était le top. Et, quand ses genoux avaient commencé à cogner un peu trop contre le volant, le tracteur était devenu son ami à tout faire. Elle le promenait dans son immense jardin, à l’attache avec sa ceinture de peignoir. Il était le cheval à dresser, la danseuse étoile, le cuisinier célèbre, la patineuse à faire tournoyer, le chien Belle, de Belle et Sébastien, la princesse à sauver, le confident… Il l’écoutait chanter des chansons par cœur, se raconter ou raconter tout court quand elle faisait de la balançoire, sous le pommier là où personne ne pouvait ni l’apercevoir ni l’entendre depuis la maison. Dans mon rêve, le petit tracteur s’était déclaré. Il était redevenu tout beau, tout neuf, et il portait un voile blanc, avec une longue traine. Je me suis réveillée quand il a klaxonné. La boîte en bois est dans la forêt des bambous. 

Le vent pousse les bambous qui s'écartent pour laisser passer une ravissante jeune femme, vêtue d'une robe aux couleurs de l'aurore. D'un geste aérien de la main, elle m'invite à la suivre. Subjugué, j'obéis sans discuter. Nous cheminons en silence sur d'étroits sentiers jouant à cache-cache avec la brume naissante. Le silence des plus belles chansons dans les oreilles. Soudain, la végétation s'éclaircit et je demeure bouche bée : devant nous s'étend un temple d'une beauté à couper le souffle, tout de nacre, d'albâtre et de pierres précieuses. Ziska Larouge me dit : voici un merveilleux cadeau pour vous et pour toutes les personnes que vous aimez, un vrai temple des rêves, ici vous écouterez les rêves de tout le monde, c’est ici que vous garderez les rêves de l’humanité en mémoire, elle me sourit malicieusement avant de disparaître comme une fumée dissipée par le vent. Je suis perplexe mais émerveillé, j'avance d'un pas sur le parvis immaculé. J’entends un tracteur qui klaxonne. Un jeune homme, caché derrière des cœurs d’immenses artichauts, me dit calmement : Que Dieu vous protège ! Certes, ce rêve, qu’avez eu cette nuit, vient de la grande superfluité de votre colère rouge, pardi, qui fait peur aux gens, dans leurs rêves, de flèches, et de feu avec rouges flammes, de grandes bêtes, qui veulent les mordre, de combats, et d’animaux féroces grands et petits ; tout comme l’humeur de mélancolie fait crier maint homme, en son sommeil, par crainte d’ours noirs, ou de taureaux noirs, ou bien de diables noirs, qui les veulent prendre 3 …. J’entre calmement dans le temple des rêves. Les murs répètent en boucle les mots, les histoires, les corps, les sourires, les yeux, yeux blessés ou griffés, les oreilles coupées, les corps qui volent ou qui se perdent dans les labyrinthes, les murs répètent les rêves entendus. Lorsqu’on se souvient de ses rêves, les religions deviennent obsolètes , pensai-je. 

2 Hôtel Paerels, Ziska Larouge

1 & 3 Les Contes de Canterbury, Geoffrey Chaucer


Publications & anecdotes

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Bio

« Ziska Larouge c’est de l’humour posé comme un grand pot de tendresse. Une écriture de clown délicat, affublé probablement d’un nez rouge, mais qui évite d’envoyer des tartes à la crème parce qu’ici, le rire est tissé avec la délicatesse d’une dentellière. On devine derrière ce surréalisme génialement bien construit qu’une âme sensible agit comme une éponge et quand cette dernière dégorge, elle le fait comme d’autres offriraient de l’amour sauf que, dans ce cas précis, ce ne sont que des mots assemblés au fil des pages, mais grand Dieu ! Assemblés avec talent (…) »
Philippe De Riemaecker.

Du côté maternel, Ziska Larouge est la petite-fille du sculpteur Ernest Heylens et du côté paternel, du peintre Willem Paerels. Pour elle, « donner à voir au stylet, au stylo, au pinceau, c’est pareil… mais pas pareil ». Saluée pour son style enjoué et « filmique », Ziska Larouge publie son premier roman Le plus important (Basson éd.) en 2015. Viendront ensuite Au diable ! ; Les Chaises musicales  ; Hôtel Paerels  ; La grande fugue (Weyrich éd.) ; Le goût de tuer  ; Si on creusait (Lamiroy éd.) ; L’affaire Octavia Effe (Academia éd.)… Ziska participe également à des ouvrages collectifs et anime des ateliers d'écriture. Le goût de tuer est traduit en italien sous le titre Il gusto di uccidere .

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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