Max Boufathal

Max Boufathal

Le portrait onirique de Max Boufathal

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J’éteins définitivement l’écran et je me dis que je devrais sans doute le revendre. Avant, je pensais que la télévision était une poubelle avec des hommes-troncs et que j’étais un vagabond vaquant à la recherche impossible du diamant rose, l’ Eternal Pink , et il m’est arrivé de trouver des brillants toujours un peu vulgaires et très vite démodés. Aujourd’hui, je sais que je ne trouverai jamais ce diamant très rare mais ce n’est pas la première fois que je scie une télé avec une tronçonneuse imaginaire - cela fait toujours ses effets dans les soirées mondaines, ces soirées où l’on ne se donne même plus la peine de recréer les mondes, où j’entends souvent des artistes sans mémoire annoncer fièrement qu’ils ne peuvent pas changer le monde. Puis surtout, je me doute bien que ce n’est qu’un rêve. J’écoute un chanteur italien qui dit que l’ironie ne fait plus partie de ce monde. Je me demande si c’est la guerre, car un monde sans ironie est un monde en guerre. Je sors de chez moi, je traverse les rues, aveuglé par tant de médiocrité, exacerbé par toute cette platitude, sans même plus l’espoir de retrouver Mapuetos. Le ciel est bleu, je marche, un enfant me guide dans les rues d’un pays qui ne me dit rien. Le gosse me dit : regarde ces magasins, tu devrais ouvrir une boutique ici et te reposer un peu. Jamais personne ne t’a aidé en toutes ces années, il est temps de se poser. Je l’observe, je me connecte aux énergies invisibles, je sens, je ressens, j’avance, je me dirige vers un chantier de terrassement. Je reconnais un artiste, Max Boufathal. Les ouvriers stoppent une excavatrice en action. Le trou est profond. Dans le ciel, des homards jaunes font semblant de nager en ouvrant des parapluies inutiles. Tout le monde crie, hommes, femmes, enfants, grenouilles dans les bénitiers, les cris et les regards des ouvriers nous amènent tous à aller voir ce qu’il se passe dans le trou profond qui était en train d’être creusé. Vous êtes Max Boufathal, n’est-ce pas ? J’ai vu vos œuvres récemment dans un autre rêve. Il se retourne, me serre la main, sourit et me dit : ah Patrick Lowie, je vous attendais. On n’a pas pu vous attendre. Regardez ! Il me montre du doigt la structure en métal et osier qui apparaît au fond du trou. Je jette un œil mais à vrai dire, je ne vois pas grand-chose. En cachant ma bouche avec une main tremblotante apposée sur son oreille, je lui dis : votre armée est prête ? Il ne me répond pas. 

Parfois mes rêves ressemblent à des contes et légendes d’un autre temps, textes inclassables, originaux, inventifs et anti-conventionnels, ou autre chose, mots d’un autre monde, autre conscience, connectés. Les ouvriers descendent dans le trou pour déterrer cette chose à la main. Ils dégagent une forme complexe et on s’aperçoit qu’un homme en position du lotus est enfermé dans la structure. À grand coup de pince coupante, les ouvriers découpent plusieurs épaisseurs d’osier et libèrent enfin l’homme qui semble y dormir depuis des siècles. Mes cheveux tombent, mes dents tombent, mes yeux tombent dans le vide. Une femme s’approche, tout le monde chuchotte : c’est Björk, c’est Björk ! Elle me dit : je pense que nous allons devenir des sortes de mutants, à mi-chemin entre les plantes et les humains. Afin de survivre. Ce sera différent, mais nous survivrons… effectivement, en quelques secondes, mon corps se transforme, les oreilles tombent enfin, mes doigts deviennent verts. Dégagé de la structure au fond du trou, l’homme se réveille et se dresse pour finalement sortir seul de la structure. Il prononce à ce moment un sermon que l’histoire nommera « Le serment d’Hippocrate ». Max Boufathal oublie mon état végétatif et me parle comme si de rien n’était, il me dit : ce rêve était magique, l’homme sorti du trou était tellement en avance sur son temps que l’humanité lui a donné tous les moyens dont il avait besoin pour établir ses prophéties. Il travailla ensuite dans un hangar où des centaines de scribes copièrent ce qu’il disait en plusieurs langues. J’eu la chance de visiter le palais qu’il s’était fait construire, les escaliers faits en canapés et des centaines de sculptures composèrent une pyramide gigantesque. Au sommet, il y a son trône; un fauteuil en céramique d’un seul bloc. Mon rêve prend fin au moment où j’effleure le trône du bout du doigt.

C’est la passion qui choque les mots de Max, comme des boules d’un billard rénové et jalousé par des centaines de militaires d’une armée invisible. Un homme-plante ramassa les papiers épars sur une table basse, il les déchira puis les broya, comme s'il avait voulu anéantir tout ce travail imbécile et jalousé, me dit-il. En me relevant avec difficulté, je découvre son armée hybride de figures mythologiques et d’hommes-soleil, de corps rouges et ors, têtes noires, veulent-ils protéger ou défier l’humanité ? Je les vois se mettre en marche et anéantir l’armée des hommes-troncs, jetés sur un amas blanchâtre, légèrement cotonneux, de bambous arrachés et oubliés. La scène onirique est troublante, voilà une guerre qui libère. Tout ne semble pas qu’un jeu. On sent le devoir de résister, d’aimer et de se dépasser. À chaque victoire, un pan de l’humanité se transforme en or. La guerre contre la médiocrité risque d’être longue, mais cette armée onirique est plus puissante que n’importe quelle réalité obscène.


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Bio

Max Boufathal est né en 1983 à Paris. Il travaille entre Bordeaux et Casablanca.

En 2002, il intègre l'école des Beaux-Arts de Nantes où il développe une manière très personnelle de concevoir ses sculptures. En 2007, il obtient le diplôme national d'expression plastique (DNSEP) à Nantes avec mention pour la qualité de la réalisation. En 2008, Max Boufathal s'engage dans de grands projets soutenus par les institutions et crée pour le CAPC, musée d'art contemporain de Bordeaux, des oiseaux titanesques, sculptures de divinités ou de monstres. Mai 2008, l'artiste est désormais représenté par la galerie Isabelle Suret à Paris où il confirme son goût pour le gigantisme en réalisant deux expositions personnelles. Il participe au OFF de la biennale de Dakar en mai 2010 et en novembre à la biennale de danse de Bamako avec le collectif d'artistes issus de l'immigration africaine Africa Light. En 2012, l'artiste s'exporte au Maroc pour une résidence avec CulturesInterface à Casablanca, pour ensuite participer à la biennale de Marrakech et à la grande exposition sur le Maroc contemporain à l’Institut du Monde Arabe en 2014. Il expose ensuite à la Ifa Galery de Berlin, de Stuttgart et à la Ghaya Galery à Tunis. En 2016, Max Boufathal suit le programme de résidence « Les Réalisateurs » dirigé par Fabrice Hyber. En 2020, il expose à la Galerie 38 au Maroc, qui le représente désormais.

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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