Amine Boushaba

Amine Boushaba

Le portrait onirique de Amine Boushaba

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J’ai du mal à me réveiller, je sens des mots qui s’échappent des pores d’une peau vieillie, de cicatrices que je pensais invisibles, plus rien ne me surprend, enfin désabusé, tout est sujet à caution, la suspicion glisse dans l’herbe trop verte comme un serpent mangeur d’escargots, je me palpe le torse pour être sûr d’être moi, c’est moi, je suis au pied du volcan Imyriacht, la lave, chaleur démentielle, ne m’atteint pas, je suis assis sur un îlot de glace beige qui résiste au mal, mal être, mâle qui est en moi. Amine Boushaba scrute le mouvement de mes pensées, cherche l’erreur, par habitude. Dans le rêve, il est assis face à moi, sage parmi les sages, il me dit : Patrick Lowie, vous êtes doté d'une redoutable puissance, vous êtes enfin prêt à affronter une épreuve imposante avec courage. Ce défi colossal vous sera lancé prochainement, et vous triompherez de façon éclatante. Le volcan rugit comme un lion blessé. Il poursuit :  votre intervention sera cruciale, et vous répondrez présent lorsque le besoin se fera sentir. Les événements vous pousseront à vous surpasser, et vous le ferez avec excellence, maîtrisant pleinement vos capacités et agissant avec une confiance absolue. Vous réaliserez L’OEUVRE sociale et politique d'une ampleur impressionnante, laissant une marque indélébile par vos actes de bravoure, de courage et de persévérance. Dans mon for intérieur, je me dis que ce rêve est idiot, qu’il ne me correspond pas du tout. Il ajoute : c’est normal, que vous pensiez cela aujourd’hui. Un acte extérieur à votre conscience doit se produire et tout ce que vous aurez acquis, avec une grande normalité, se transformera en action. 

Je n’avais pas remarqué que le ciel était un immense tableau : murs rouges, tabouret, angle mort, homme-cigale, pantalon, veste verte, beau parce que négligé. J’observe le ciel, curieux, j’ai cru voir l’immense homme-cigale bouger. L’homme me dit : oui, c’est l’étrange destin de Gregor Samsa dans “La Métamorphose” de Kafka…. mais ce n’est pas un tableau, c’est un miroir. Vous êtes l’homme-cigale. Et malgré la taille intimidante de votre tâche, vous resterez imperturbable et déterminé, menant à bien votre mission avec un sang-froid extraordinaire. La lave se retire, comme une vague qui s’échappe. La terre est noire, fumante, le ciel rouge, je suis assis dans le recoin d’une pièce. Non, ce que vous voyez c’est la machine qui produit vos mots, ceux que vous écrivez en ce moment pour décrire cet instant onirique qui va bouleverser votre vie. Vous êtes bien trop humble, cher ami. Il éclate de rire. Un autre homme apparaît, Mahdi Ali Bouha, il pose, la main droite sur son pantalon, à côté de plusieurs de ses œuvres. Je suis dans la toile. Je comprends enfin que je ne suis que pigments accrochés, collés, liés sur du tissus, imaginés par un artiste important. Le peintre s’efface, s’oublie. Non, Patrick Lowie, vous êtes en chair et en os, oubliez le reste, les murmures, votre destin, vos vies et morts, vos rêves, oubliez vos rêves. Votre éclat attirera l'attention de tout un peuple, devenant le sujet de discussions et d'études pendant des générations. Les louanges pleuvront sur vous, une pluie indécente d’or et de turbans, et votre influence marquera la mémoire de nombreuses personnes. Votre exemple inspirera, et votre histoire traversera les siècles, vous consacrant comme une figure emblématique, adulée et commémorée pour des millénaires à venir, me dit Amine Boushaba avec conviction, à cœur ouvert. Je commence à trouver la scène absurde, il ne manque qu’une rhinocérosse, ce ne sont que des mots en fin de compte, des mots qui évanouissent la pensée. J’entends au loin des bourdonnements, des milliers de moustiques fluos envahissent Mapuetos, se posent dans la lave, se brûlent les pattes puis les ailes. Un moustique géant se pose sur l’îlot de glace, prend toute la place et attaque Amine Boushaba qui pose la main sur son oreille droite. Il panique, essaye de se défendre, le moustique se rapproche, le dard pénètre légèrement dans les pores de ses mots. C’est le moment que je choisis pour chanter d’une voix grave et plusieurs fois d'affilée, Unresolved de Matt Elliott :

When will I see your shadow again
Fleeting across my wall
When will my sleep be troubled again
By the creak of your feet as they fall 1

Amine Boushaba craint pour sa vie. Son visage n’exprime plus que la peur bleue. Je sors de la toile pour le sauver. Ma tête de cigale asperge le moustique d’une soupe d’estomac malade. Le moustique se défend, le combat est rude, il me pique dans l'œil droit, le salaud, l’affrontement risque de nous tuer, vais-je muer ? Je le pousse dans la lave de Mapuetos. Ne suis-je que la cigale du rêve

Je me réveille. Je suis sur la banquette arrière d’une voiture avec chauffeur, à mes côtés Amine Boushaba, qui tient le livre de Kafka entre les mains, il me dit : … l'homme-cigale, blessé et affaibli à tout de même réussi à éliminer le moustique géant. J'ai soigné l'homme-cigale et je l'ai remis à sa place dans la toile. Êtes-vous prêt pour le grand saut ? La voiture quitte Tanger et emprunte la route pour Tétouan. Perdu dans mes pensées, je n'arrive pas à démêler le rêve de la réalité. Étais-je vraiment cette créature monstrueuse, mi-homme mi-insecte ? Quel sens donner à ces événements absurdes qui me hantent depuis mon réveil ? Dans le flot continu de mes interrogations, la voix d’Amine Boushaba me sort soudain de ma torpeur: laissez aller, il ne faut pas chercher à tout expliquer. Les rêves, comme l’art, n'ont pas de sens caché à déchiffrer. Profitez simplement du voyage ! J’exprime mon désaccord. Le chauffeur se retourne et rit aux éclats : c’est Mahdi Ali Bouha. 



1 (Non résolu)
Quand reverrai-je ton ombre
Fuyant sur mon mur
Quand mon sommeil sera-t-il à nouveau troublé
Par le craquement de tes pieds qui tombent


Publications & anecdotes

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Bio

Amine Boushaba, journaliste, commissaire d'expositions et critique d'art, se dédie à l'art et la culture au Maroc. Rédacteur en chef de "Atlantic Café", il a aussi lancé le magazine "aumaroc". En tant que vice-président de Casamémoire, il œuvre pour la préservation du patrimoine architectural du XXe siècle. Il a créé "L'Art de donner", favorisant l'accès à l'art et l'assistance à l'enfance. Avec Jamal Abdenasser, il a conçu "La Chaise Rouge", donnant la parole aux acteurs culturels pour placer la culture au cœur du développement marocain. Il a également été commissaire d'expositions notables, notamment "Atmosphère" de Zineb Andress Araki, "Fragilitas" (2022), "From Douar Shanty to New York" (2023), et "Rétrospective Fadila Elgadi" (2023). Il fait partie du jury de concours visant à soutenir les jeunes artistes, tels que "Lmagana" (2013), "La Chambre Claire" (2017), "Le Prix Mustaqbal" (2021/2022), et "Dream Artiste" (2022/2023).

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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