Ce portrait a été publié dans le livre Le totem d'Imyriacht (2023) aux éditions maelstrÖm.
Housni Zbaghdi
Le portrait onirique de Housni Zbaghdi
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J’avais délibérément laissé un espace vide, un grand moment de silence. Puis : chère Housni, je n’habite plus à Casablanca depuis quinze ans. Il s’agissait d’un mirage plus que d’un moment de grâce. Je me réveille doucement péniblement. Épuisé de ne plus avoir écrit depuis si longtemps. Ne pas écrire m’épuise, empêche ma transformation. Comme me disait le poète Pierre Guéry : Tes portraits oniriques… c'est plus qu'un projet, c'est une action ! Et on espère qu'elle durera encore longtemps, les rêves et la psyché sont infinis … J’avais aussi besoin d’une pause. Je me suis arrêté d’écrire pendant quinze ans après : moment de grâce . Ma mémoire me fait défaut, depuis mars 2020 tout se brouille en moi, sauf l’amour, l’amour me sauve, m’a sauvé, l’amour m’a réveillé de mes pires cauchemars. Je me demande si la jeune femme est toujours à l’autre bout du fil… Allô ? J’entends une musique new age en fond, comme un encart publicitaire dans ce nouveau monde tant attendu. Elle me dit : Une porte en bois. Une porte lourde de temple. Une porte dont la hauteur est arrondie. La porte s'ouvre en coulissant. La porte s'ouvre sur un tableau noir aux volutes de fumées blanches. C’est profond, triste et mystérieux. De ces volutes blanches se dégage un mouvement lent et mystique...comme une transe silencieuse et douce. Aucune frénésie. Puis apparaît un loup ou une louve. Cette louve est assise, calme, me regarde droit dans les yeux. Ses yeux à elle sont d’un bleu électrique éclatant. On dirait qu’ elle va pousser des cris. Mais c’est le silence qui domine. Apparaît la femme. Elle est blanche comme un néon éteint. Une blancheur blafarde et éteinte. Elle a des cheveux longs, fins et noirs. Elle est abîmée. Elle est éteinte. Elle est effacée. D'elle je ne perçois que des blessures sans narrations et sans histoires. Aucun trait de visage. Aucune expression faciale. Elle a une grâce morbide. Comme une beauté de la mort. Une mort subie avec grâce. Aucune acceptation, aucun abandon. Quelque chose d’absent dans sa présence.
Je reconnais ma voix. Non, peut-être pas. C’est une voix de l’intérieur, commune à tous, un métissage entre banalité et mysticisme. J’avale des médicaments, je me trompe, j’en prends deux par erreur. J’ai des hallucinations. Je me vois à Goa en 1685, dans une prison je crois, pas sûr. Je deviens subitement furieux plus que jamais par l’absence de mon compagnon, je me meurtris de coups la poitrine et le visage, et je tente par tous les moyens de m’ôter la vie. Je romps en deux des pièces de monnaies que j’aiguise puis je les enfonce dans les bras et je réussis à m’ouvrir les veines. La chambre sans mon compagnon de cellule se remplit de sang. L’amour est là, il baigne dans le sang d’un cœur puissant. Housni Zbaghdi me dit de sa voix claire : J'ai vu ton cœur. J'ai entendu tes cris sourds et sauvages. Je prends tes mains dans les miennes. Je voudrais que tes meurtrissures s’apaisent au contact de mes mains. Je baise tes mains tendrement. Tu es vierge. Rien n’est parvenu à souiller la pureté de ton âme. Je le sais. Je voudrais que tu saches que je le sais. Quelqu'un sait ta pureté. Tu n’as plus besoin de courir. Accepte la lenteur comme ce que j'ai de plus précieux à t'offrir. Sois serein. Voilà ce que j'aurais voulu lui souffler de cœur à cœur.
Je lui réponds que je ne suis plus de ce monde. Et que cela fait bien quinze ans que je suis parti dans l’autre dimension. Elle éclate de rire.
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