Nabil Boudarqa

Nabil Boudarqa

Le portrait onirique de Nabil Boudarqa

Partager

Le fond jaune, la couronne bleue sur la tête, quatre doigts et le visage d’un cubisme distrait, je me détends malgré tout, je m’enferme dans une boîte en carton, j’ai un cœur à rêver et des ombres qui s’entremêlent pour former une boule noire qui tente d’éteindre la flamme, tout est mort dehors, il me reste les souvenirs pour me sentir moins seul. 

Dans le rêve, je suis un dessin de Nabil Boudarqa. Et je n’ai pas l’intention de me transformer, d’apparaître différemment, de fuir ou de disparaître définitivement. Je suis le roi qui doit reprendre du poil de la bête au cœur de cet univers hostile. La boîte en carton s’ouvre, une main me prend et me déchire. T’es sérieux ? dit une voix féminine au parfum frais et évanescent. L’homme hésite, il n’a déchiré qu’un petit morceau, un coin, légère écorchure. Tu as donc mis toutes tes œuvres dans ce carton ? Que vas-tu faire ? Les brûler ? L’homme ne répond pas, perturbé par l’énergie qui vient d’envahir la pièce, le grenier d’une maison imaginaire. Nabil Boudarqa recule pour rejoindre l’escalier et redescendre. C’est une erreur , dit-il. À force de perdre les autres, on se perd soi-même. Ce rêve est étrange, j’avais rendez-vous avec Patrick Lowie mais je ne le trouve pas. Je vais me réveiller et tout oublier. Je ne garde jamais mes rêves en mémoire. L’homme se réveille dans un autre rêve et m’aperçoit : désolé pour le retard, Patrick Lowie, je me suis égaré entre deux moments oniriques. Je lui ai répondu que ce n’était pas grave évidemment, que nous étions tous sous un ciel vaporeux. Je pense que la jeune femme est restée dans l’autre rêve, me dit-il presque en s’excusant. Il y a, dans ce rêve, une douceur inédite comme dans une chanson de Vinícius de Moraes, nous ne sommes pas à Casablanca, nous ne sommes pas au Maroc, nous ne sommes nulle part. Ce rêve est simple, ajoute–t-il, c’est étonnant, presque bizarre. Une fluidité que je ne connaissais pas. Je sens mes poumons gonfler. Vous comprenez ce que je veux dire ? J'opine légèrement de la tête. On fait semblant de se réveiller, chorégraphie parfaite, se détendre et courir, souffler, trouver un semblant de respiration, une forme de liberté, reprendre confiance. Trop vieux, mal entraîné, je le vois disparaître au loin vers une plage pleine de tentes. Une femme écrit avec des gros pinceaux sur des panneaux une phrase d’Ivanovitch Gurdjieff : une infime partie des hommes sont parvenus à avoir une âme . Je me demande qui seront les prochains élus. En approchant des tentes, on dirait un refuge de rescapés d’une mousson. Sommes-nous en Inde ? Un monde à l’agonie ? Un vendeur ambulant crie : âmes cinq dollars ! âmes cinq dollars !

J’achète pour vingt dollars d’âmes que je déballe, mais qui tombent dans le sable blanc et lorsque je veux les ramasser, elles descendent plus profondément encore. Le vendeur se moque de moi avec sa bouche édentée qui ne manque pas de mordant. Il y a tellement de monde dans ce camp de réfugiés ou dans cette station balnéaire, on ne sait plus trop, qu’on marche sur la pointe des pieds, pas de place pour les pieds plats, Nabil Boudarqa prend son élan et décolle puis plane dans le ciel. Il crie : ça y est ! L’Univers m’appartient ! Je lui appartiens ! C’est magnifique, vous devriez essayer ! Je l’observe emporté par le vent, plongeant puis remontant comme s’il avait toujours fait ça. Il part loin, au milieu de la mer, puis revient au-dessus des réfugiés qui n’ont rien vu. Je le vois enfin tenter d'atterrir à plusieurs reprises puis il repart. 


J’ouvre les yeux, je suis entouré de millions de manchots qui braient au point de ne plus entendre ma petite musique intérieure. Plus de réfugiés, plus de Nabil Boudarqa, plus de ciel, plus d’âmes à cinq dollars. Un vent me pousse dans une grotte où je retrouve l’artiste dans une barque. Il me dit calmement : j’ai pu atterrir à temps, j’étais étourdi dans le ciel et franchement je ne savais pas comment faire. La liberté nécessite aussi un apprentissage, puis j’ai reconnu un immeuble et je me suis dit que je pouvais atterrir en entrant par le nichoir qui donne sur un corridor. J’y suis parvenu avec une certaine aisance. Une fois devant la porte du concierge, je croise un enfant qui vous ressemble un peu, il m’a vu entrer et m’a demandé avec un air stupéfait : comment avez-vous volé ? j’ai répondu en lui disant qu’il fallait juste y croire. Nabil Boudarqa rame vers l’intérieur de la grotte et me dit : venez, il y a une autre sortie par ici. On m’a dit que c’était le plus court chemin pour Mapuetos.


Publications & anecdotes

Nous n'avons rien à vous proposer pour l'instant.


Bio

Nabil Boudarqa naît en 1986 à Casablanca où il obtient son baccalauréat, option arts appliqués. Il poursuit des études à l’Institut de Ouarzazate spécialisé dans les métiers du cinéma (ISMC) d’où il sort diplômé en 2010. Artiste multidisciplinaire, excellant tout autant dans le dessin, la photographie, la musique ou la peinture avec laquelle il entretient un rapport viscéral, il participe à plusieurs expositions individuelles ou collectives, notamment à la galerie Thema de Casablanca. Fasciné par la peinture expressionniste, il n’hésite pas à recourir au collage ou au pochoir pour dramatiser ses compositions. (Olivier Rachet)

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

Share by: