Michel-Pierre Zurawski

Michel-Pierre Zurawski

Le portrait onirique de Michel-Pierre Zurawski

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Mais qu'est-ce que tu gagnes à écrire ces portraits oniriques ? , me dit suavement Michel-Pierre Zurawski. Je préfère ne pas répondre. Je ne m’étais jamais posé la question. Je me dis que je pourrais écrire ces portraits tout le reste de ma vie, que cela ferait partie d’une œuvre, une œuvre qui porterait en elle la trace du rêve, une empreinte aussi, mais pourquoi l’homme rêve-t-il de laisser des traces microscopiques, un peu comme cette présence dans le désert. Y trouve-t-on toujours Dieu ? Nous traversons des vagues de sable à chameau, Michel-Pierre Zurawski parle à sa monture Caramel et me lance, occasionnellement, une question existentielle. J’ai calculé : douze questions par jour. Nous sommes dans un rêve, comme d’habitude. Plus tôt, j’avais rêvé de petites voitures capables d’entrer et de sortir de maisons, de drones multiples et bruyants, d’ovnis créant des cercles lumineux dans un ciel qui avait atteint l’âge d’un trou béant, ombres d’un dîner de cons entre dieux obsolètes et malveillants. Le rêve se brouille comme une vengeance ancienne, la vue se brouille comme si l’enfer revenait sur Terre. Michel-Pierre Zurawski me dit : c’est la vie du silence, telle que nous ne la connaissons plus dans nos sociétés industrialisées, fondées sur la dualité, la compétition et l’épreuve de force. Un drame, une authentique déroute de l'homme face à lui-même, face à sa mortalité. J’avais déjà fait ce voyage dans une autre vie, il y a plus de vingt ans, mais je ne voulais plus y retourner. Dieu n’y était pas, je ne voulais plus écouter mon corps ni entendre déraison, je veux juste prendre conscience de mon épuisement car tout m’étouffe : ma propre respiration m’incommode. J’aimerais demander pardon. Caramel ne répond pas à ces engeances du diable qui l’emmènent nulle part même s’il blatère occasionnellement, souvent entre deux dunes, moi aussi je blatère, je pense à mon éducation spartiate basée sur la gentillesse, modèle des nouveaux riches persuadés que tout est si facile. Tout a pourtant été si compliqué. Nous y voici donc : un duo d’adultes dans un bac à sable. Où est Mapuetos ?, me lance-t-il tout de go. Je ne sais pas pourquoi je lui ai répondu machinalement ceci : Mapuetos, ce sont trois éléments : l’utérus, l’amour et l’âme. C’est le monde qui arrive à maturité pour créer quelque chose de nouveau, dramatique pour beaucoup mais incroyablement bénéfique pour les survivants. L’amour, c’est l’objet d’une quête qu’on cherche ailleurs mais qui est en nous. Et l’âme, c’est l’incarnation dans mon esprit sur cette planète devenue sauvage et dont la beauté n’est plus qu’un prétexte pour se guerroyer. Michel-Pierre Zurawski ralentit Caramel, m’observe et me dit : donc Mapuetos, n’existe pas ? C’est juste la vision d’un pauvre fou ? Cela me surprend un peu. Je savais avoir à faire à une personnalité délirante mais emmener avec vous toutes ces personnes vers un monde qui n’existe pas. Ca va mal tourner. Vous allez leur expliquer quoi exactement ? Je me retourne et observe les dizaines de milliers de personnes qui nous suivent. Nous sommes à la tête d’une armée. Je dis : l’ombre de l’un peut devenir la lumière de l’autre . Dans mon for intérieur, je me dis qu’on va m’assassiner, qu’il vont prendre ma blague, mon tapis et ma lorgnette. Je me souviens aussi qu’on est dans un rêve, rien de plus. Je réponds : vous vous êtes rasé ce matin. Cette longue barbe à la Victor Hugo vous allait pourtant si bien. Je me retourne à nouveau, le désert est envahi de millions d’hommes, de femmes et d’enfants. Je fais semblant de parler au dromadaire : Caramel ! Tu me comprends toi, n’est-ce pas ? J’ai juste parlé et tenté de décrire Mapuetos, rien de plus. Je ne leur ai jamais demandé de me suivre. Je fais quoi moi maintenant ? L’animal s’arrête net, renifle dans le sable et découvre une chaînette en or. Je saute pieds joints dans le sable et tire sur la gourmette au bout de laquelle est accrochée une boussole. Je la retourne, une inscription : “Tu ne connaîtras jamais bien Rimbaud !” 1 . Est-ce un passage initiatique de l’innocence à la connaissance ? Des fenêtres et portes s’ouvrent dans ma tête, ça fait courant d’air, des fleurs et papillons, je comprends que la trace est un fantôme qui traverse les générations de ma famille. Je sens mon corps enfin illuminé, je suis les traces qui s’effacent. Je dis : en écrivant ces portraits oniriques, je refais le chemin de mon aîeul qui, au XVIème siècle est passé devant le tribunal de l’Inquisition, il avait en lui un secret inavouable. Je suis hanté par ce secret. Je vous laisse avec ces gens, même dans le désert je suis agoraphobe. Je ne lui ai pas dit que sur la vitre de la boussole quelqu’un avait gravé Mapuetos avec un canif, je pars vers l’Est au galop. Au réveil, je suis au Bun Coffee à Harar, je verse de l’alcool de figues dans un café au lait où un arbre et ses racines ont été dessinés, comme par enchantement, seul et heureux j’entends la voix de Mélodie Gardot chanter Moon River. 

1 Alain Breton


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Bio

Michel-Pierre Zurawski est psychanalyste transgénérationnel et thérapeute analytique à Nancy. Né d'une famille nombreuse, d'un père colérique et déraciné de ses origines polonaises, d'une mère française ; il s'est construit, porteur d'un lourd héritage généalogique et collectif ; submergé par des angoisses ne l'appartenant pas. À 23 ans, il était sur le divan de son premier psy afin de permettre à un moi authentique et libéré de vivre. Il n'y a pas de fatalité a-t-il envie de préciser. Pour ce faire, les choix de vie ont été difficiles, mais la satisfaction, au final ; est sans prix.

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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