Louis-Gabriel de La Garde

Louis-Gabriel de La Garde

Le portrait onirique de Louis-Gabriel de La Garde

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Il n'y a pas assez de palmiers pour faire de l'ombre à l'esprit, la chaleur ne m'empêche pas de respirer, je les attends tous les trois, ils sont entrés dans la bibliothèque d'Assurbanipal, dans les ruines du palais de Ninive. Je connais la bibliothèque par cœur, ses vingt-cinq mille tablettes d'argile fragmentées, pratiquement illisibles. Cette découverte faite il y a quelques mois me rappelle mon travail gigantesque sur l’œuvre de Marceau Ivréa. Je me reproche d'avoir commencé la reconstitution de son œuvre. Je ne pourrai jamais finir.

Sous la chaleur et dans le vent, je les attends en dessous de quatre palmiers trop vieux pour pouvoir rafraîchir l'air. Je me suis endormi, le sable en bouche, l'amertume de l'esprit contrarié. Dans ce deuxième rêve, je combats des fantômes, la mort peut-être, qui tente d'entrer en moi, je crie : pars ! pars !…. et la mort se résigne, disparaît. Le troisième rêve me donne le vertige, je grimpe une colline de sable, je sens la présence de la mer, bouillonnante, aimante. Arrivé au sommet, je découvre le vide, une vue vertigineuse, comme si je prenais de la hauteur, comme si j'étais transporté dans l'immensité d'un monde encore inconnu. Je me réveille avec la voix de Louis-Gabriel de La Garde qui me dit : c'est drôle Patrick Lowie, j'ai pris une tablette d'argile au hasard et même si c'est écrit en akkadien cunéiforme, j'ai reconnu le mot Mapuetos, regardez j'ai pris une photo… Je cours dans la bibliothèque, comme un possédé, mais tout est différent à l'intérieur, un labyrinthe de tablettes, une ruine, de la poussière, tout tombe en poussière, me voilà envahi par l'argile, je suis terre glaise. Un vieil homme me dit : dans tous ces rêves, vous allez bien trouver la vérité, n'est-ce pas ? Je me retourne, il n'y a personne. Qui a inventé ce jeu ?

Je me réveille dans une ville côtière, peut-être en Bretagne, j'observe le paysage par la fenêtre, chaque pierre avait pris, à sa manière, la forme du vent. J'entends des pas dans le couloir, je vois un couple venir vers moi, ils sont très beaux, on dirait une marche nuptiale. Je pense à la phrase d'André Gide : je n'admire jamais tant la beauté que lorsqu'elle ne sait plus qu'elle est belle. L'homme raconte mes péripéties, je ne me souviens de rien, il me dit : nous sommes dans les couloirs d'un hôtel qui ne ressemble plus à un hôtel mais plutôt à un enchevêtrement d'appartements où déambulent comme dans les châteaux : cuisiniers, médecins, gens du voyage. Si vous pensiez être dans la réalité, sachez qu'il s'agit ici d'un autre rêve, et je crains qu'il sera difficile pour vous d'en sortir sans prononcer la formule magique. Madame et moi, avions une somme d'argent considérable et nous avons décidé de nous acheter cette ville, forteresse qu'il fallait ouvrir en poussant des portes conjointement, au début je ne savais pas ce qu'il y avait derrière les portes, j'ai vite compris qu'à l'intérieur il y avait un hippodrome. Vous êtes dans la Cité du cheval ! On vous a ramené d'Assyrie, vous étiez mourant. Vous pouvez désormais dormir tranquille, je suis là pour veiller sur vous. Restez ici à mes côtés, écrivez et ne faites plus rien d'autres, vous vous êtes assez balancé dans des cages, je pourrai vous guérir avec mes mains comme vous l'avez fait si souvent avec les vôtres.  

Je ne savais comment les remercier, et je ressentais les regards de ce couple, les visages dessinés, des chefs-d’œuvre, une purification, je ne sentais aucune angoisse, le vertige disparu. Ils me guident dans la forteresse, nous arrivons dans une cour, où un jeune homme magnifique tient deux chevaux. Mon cheval , dit Louis-Gabriel de La Garde, est celui de droite, il s'appelle France, Madame ne veut pas me dire le nom du sien qui présente une faiblesse au niveau du sabot droit avant, ce qui lui donne un certain style. Puis tout va aller très vite : Louis-Gabriel monte le cheval de son épouse, trébuche, est projeté au sol. Il n'a qu'une dent cassée, mais pour l'exemple, sa femme fait tuer le cheval à coups de couteau en répétant : ce que tu as fait est méchant ! C'est de la fenêtre de ma chambre que j'ai vu le couple prendre du bon temps à couvrir le jeune homme de tendresse, à lui offrir des fruits, ils se regardaient tous les trois, les yeux dans les yeux, le jeune homme faisant des dons, de sa voix, de ses yeux, de son corps. Puis, il y a eu le crash d'avion, toute la famille de Louis-Gabriel de La Garde décédée, les discussions sur l'écusson de la famille à changer, mais finalement tout le monde n'était pas mort, sa mère réapparut dans les couloirs avec un petit cheval en bois en guise de collier. J'observais Louis-Gabriel guérir tout le monde. Par la porte entrebâillée, je l'ai vu danser, le corps en forme de pépite d'or, en transe, le corps en forme de beauté, une perle. Puis, j'ai compris que le jeune homme était leur fils, la convergence de deux êtres sublimes en une seule excroissance. J'ai aussi entendu une conversation entre Louis-Gabriel et sa mère qui tentait de lui bloquer sa respiration pour vivre plus longtemps , disait-il. C'est vrai que l'exercice la rajeunit, mais elle a la haine, elle s'approche de son fils et enfonce violemment les deux pouces dans ses yeux. Il accepte de la suivre dans la mort, il commande son cercueil sur internet. Sa commande n'arrivant pas, il est terrifié de devoir mourir. Son cheval devient homme et sourit en disant : Louis-Gabriel, le cercueil n'est pas trop fin, vous verrez qu'allongé votre corps ne fait que quelques centimètres.  

Assis à une table d'un restaurant gastronomique de Genève, nous avons beaucoup mangé et pas mal bu, je perds un peu le fil de ces rêves en tiroirs, le jeune homme me regarde, penche la tête pour mieux m'examiner, de la fumée sort de sa bouche, le corps qui s'ébranle, il termine son histoire par : il me serra le poignet en guise d'adieu et me dit en latin quelque chose comme : « Je ne suis pas encore né alors tu n'as pas à être triste », je ne comprenais pas mais à ses yeux ceci semblait expliquer cela.

Nous gardons un long silence, puis il me dit : j'ai un cadeau pour vous. Il sort d'une pochette en cuir une tablette d'argile où l'on pouvait lire aisément Mapuetos. Tétanisé, je dis : il n'est pas question pour moi de prononcer la formule magique, je ne veux pas quitter ce rêve. Je veux rester avec vous.  

Je pense être réveillé, je suis nu, je me frotte le corps avec une motte d'argile pour me préserver des conséquences des rêves, tel un Mésopotamien, la motte absorbe la souillure laissée par les songes et je la jette dans l'eau du lac Léman en prononçant une conjuration de sorcier.

Ses mains brûlent d'amour, tout est dans le Livre des rêves .


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Bio

Louis-Gabriel de La Garde est un metteur en scène et scénographe pour la 3ème Scène de l'Opéra de Paris . Très discret sur sa carrière (et dont le nom d'artiste reste toujours inconnu) il commence la danse à l’âge de cinq ans au Conservatoire de musique de sa ville natale, Genève, auprès de Gilbert Mayer, tout en suivant parallèlement des cours de piano, de violon, d’analyse musicale et d’art dramatique. À l’issue de ses années d’étude, il obtient, en 1999, la médaille d’or au Concours international de danse de Genève ainsi que le Prix Pierrette Sandoz «jeune espoir» il a 10 ans. Il intègre alors l' École de danse de l'Opéra de Paris (de 1999 à 2002) grâce à Madame Elvire Braunschweig, Fondatrice du Prix de Lausanne et remporte le prestigieux prix de la Fondation Giannada ce qui lui permet d'intégré la toute aussi prestigieuse Ecole du Bolchoï jusqu'en 2011. La carrière du danseur s'arrête brutalement suite à de nombreuses blessures. Il se tourne vers des études d'histoire de l'art et de musicologie. Il débute en 2012 sa carrière de chorégraphe contemporain puis peu à peu, lui préférera la mise en scène. Depuis 2015 l'artiste part dans des directions totalement différentes, on le retrouve au violoncelle chez Nicholas Brittel, Oxmo Puccino (Opéra Puccino), à la réalisation avec : Océan Protoplasmique/Cox Translation, Upon Contact- The Arecibo message ou encore Instructions avant la fin du monde- Arbeiter Illustrierte Zeitung . Particulièrement intéressé par les adaptions télévisées il proposera notamment une version moderne de Confessions d'un Enfant du siècle, Singué Sabour et prochainement pour Il est en parallèle et depuis peu scénographe pour l' Opéra de Genève , il signe son troisième projet, après La Belle au Bois dormant et Métamorphosis en passant cette fois à la réalisation dans une version cinéma de La nuit des temps.

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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