Mouna Hachim

Mouna Hachim

Le portrait onirique de Mouna Hachim

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Voici mon rêve le plus marquant : voler dans le ciel comme un oiseau doté d’ailes larges et déployées ; surplomber rivières ondulantes et de verdoyantes vallées ; aucune peur de chute, aucun déséquilibre, juste une incroyable sérénité et un réveil au matin empli de merveilleuses vibrations avec la nette impression d’avoir fait un voyage fabuleux, me dit Mouna Hachim avec ce mélange d’emphase et de calme qui la caractérise. Vous en êtes bien certaine ? Il n’y avait rien d’autre dans votre rêve ? Aucun détail ? Elle reste silencieuse, préférant observer le fond du ciel qui était incolore ce matin. Puis me dit : cette cruauté qui change sans cesse de camp, va-t-elle un jour prendre fin ? Avant ici, les gens dormaient sur des cartons. Nous sommes à cheval, en route depuis plusieurs jours, à la recherche d’un détail, d’une ossature, d’un morceau d’océan, tout est invisible à perte de vue, perte de vies, même les ombres n’y sont plus, coincés entre deux voies, frappés par des cœurs battants les cartes d’un autre monde. En relisant le livre de Darwin, The Expression of the Emotions in Man and Animals, je lui ai posé la question du rêve, ce matin au réveil dans le camp que nous avions monté hier au milieu d’un après-midi aux nuages annoncés, elle ne m’a pas répondu immédiatement, préférant laisser infuser les ombres oniriques, les idées en suspension, puis le tremblement, les failles qui s’élargissent, la peur que ce soit la fin, les chevaux arabes perdus sous le poids de troncs déracinés, nous avons pris la poudre d’escampette, les chemins de traverse, pour rejoindre le chemin d’un monde pas si bucolique qu’on aime toujours se représenter. Trahis par nos perspectives, nos intentions et notre enthousiasme, longer les murs en pisé fissurés, longer les frontières imaginaires, au galop puis au pas. Je sens tous les indicateurs de douleur de mon cheval, je sens sa nervosité, son anxiété inhabituelle. Je descends de l’animal, lui trouve un peu d’eau et je remarque sa tête basse, ses mâchoires serrées et ses naseaux dilatés. L’animal souffre de ma souffrance. Mouna Hachim poursuit sa route sans moi. Elle ne se retourne pas. Des drones colorés envahissent le ciel, des fumées rouges et vertes dans un ciel qui tente pourtant de tourner la page. Je laisse le cheval, j’observe ce qu’il se passe derrière le mur de pisée, et je suis pris de vertige, profonde entaille dans ce paysage, j’appelle Mouna Hachim qui ne m’entend pas, qui ne se retourne pas. Je monte sur le mur et me tiens à califourchon, la couronne sur la tête, feintant d’être à cheval encore et toujours. Je me dis : je feignis que je l'aimais. Puis je répète cette phrase et je la crie enfin sans rien comprendre à mes maux. En panne d’espoir, je reprends le cheval, je rejoins Mouna Hachim. Après trois heures d’exaltation à cheval, c’était le moment d’une halte et d’une marche reposée sur le plateau qui couronne les cols de pays imaginaires, nous nous arrêtons émerveillés. Nos yeux stupéfaits se fixent sur des montagnes blanchies par la neige, pour glisser ensuite sur des vagues verdoyantes, un mince filet d’eau abreuvant la terre. J’observe Mouna Hachim et je luis dis : pourtant, j’en suis sûr, il manque un détail à votre rêve. Elle garde le silence. Nous arrivâmes enfin au sanctuaire, tout est là, transparent, simplement. Plus de peur que de mal, je tiens ma joue après une exclamation de douleur, une branche vient de me déchirer la peau. Comme un coup de fouet dans le visage. Je sens la nature revêche. Ce rêve m’épuise, m’angoisse même, elle sort de son silence : il y avait un détail effectivement, je ne sais pas comment, Patrick Lowie, vous êtes parvenu à le savoir. Comme si vous pénétriez dans mes songes, c’est gênant. Le détail, c’est qu’il y avait un nom qui apparaissait dans le ciel, comme un rêve dans un rêve, l’espoir retrouvé. Je l’observe et je lui dis d’une voix transformée : vous avez rêvé d’un nom ? Quel nom ? Vous avez rêvé de Mapuetos ? Le nom était Mapuetos ? Après un long silence, elle répond : non, c’était un autre nom mais je ne peux pas vous en parler. Je ne pourrai jamais vous en parler, ni maintenant ni jamais. Poursuivons notre chemin, et gardons bien nos rêves, ne divulguons pas tout .


Publications & anecdotes

Ce portrait a été publié dans le livre Le totem d'Imyriacht (2023) aux éditions maelstrÖm.

Cliquez sur la couverture du livre pour plus d'informations.

Bio

Mouna Hachim, essayiste et romancière passionnée d’histoire

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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