Tu t’appelles Eva Bergé
tu ne veux pas parler de ton métier tu as
sans doute encore vingt ans et les chemins et les villes et les pays et
les mondes parcourus furent nombreux trop sans doute ou même
pas assez on t’a empêché de vivre dans l’irréel on t’a bousculé pour
préférer mourir dans le réel et là tu n’en peux plus tu rêves encore
tu t’embarques encore dans cette ville sans port dans des histoires
sans queue ni tête et tu oublies ce que tu es qui tu es où tu vas
tu m’as raconté que dans le rêve tu traversais un grand stade celui
du bout de la ville les flics aux trousses tu ramassais en vain tes
affaires comme une petite voleuse le dos couvert d’incertitudes la
ville est là t’enlise t’empêche t’endort tu traverses le Mellah de la
ville ocre les sacs en plastiques désormais interdits remplis d’ecstasy
comme ce rêve est étrange Eva Bergé parce que tu t’es retournée et
tu m’as vu t’observer et tu m’as dit Patrick Lowie c’est quoi cette vie
c’est quoi cette illusion !
et je t’ai répondu aléatoirement comme on
répond sans réfléchir sans penser sans respirer comme on répond
sans nécessité aussi sans besoin d’échange ou d’escroquerie je t’ai
répondu bêtement va sans dire je t’ai répondu c’est la vie car la
vie est illusion n’est qu’illusion
tu as haussé les épaules comme les
gamines haussent les épaules quand elles n’y croient plus au trop
grand amour et tu es partie dans une bibliothèque à la recherche de
quelque chose que tu ne savais même pas toi-même et la bibliothèque
était sombre sombre sombre comme une boîte de nuit quand tout
le monde est parti et que le patron compte ses bouteilles son argent
sa monnaie et qu’il étale tout pour te montrer que l’argent n’est pas
que trahison l’argent est fluidité l’argent est honneur et bonheur
l’argent est drôle l’argent est liquide ou dur à prendre car on n’a pas
appris à pécher en cherchant le livre au sujet introuvable tu tombes
sur un rabbin qui te prend la main et qui avait dans l’autre un livre
qu’il connaissait bien sûr et qu’il ne connaissait probablement que
celui-là et ce rabbin que tu n’avais jamais vu ni d’Adam ni d’Eve ce
rabbin te dit qu’ils t’ont contacté plusieurs fois chaque vingt-et-un
du mois et que tu les as ignoré il te propose de prier prier tu as
résisté résisté as-tu fait ce qu’il t’a demandé as-tu lu ce psaume en
hébreu j’en doute mais tu vas dessiner tu vas peindre tu vas créer
et tu regarderas l’eau calme de la mère d’où sortiront des chiens
des hippopotames des chats des girafes peut-être je ne sais plus le
temps passe entre quatre saisons et tu abandonneras cette vie ta vie
de chouette mais sans passion tu retrouveras les planches la scène
le cœur des éléments voilà le rêve est fini et pourtant le rêve ne fait
que commencer.
Publications & anecdotes
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 111 portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Bio
Eva Bergé est traductrice et assistante de production dans le cinéma.
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com
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