Viktor Lazlo

Viktor Lazlo

Le portrait onirique de Viktor Lazlo

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J'ai sommeil ! J'ai sommeil ! Je veux rêver ! Rêver ! M'enfuir des cauchemars de la vie réelle! Plonger, plonger dans le substrat d'images projetées sans raison ! J'ai sommeil, sommeil ! Je veux transcender la norme. Défier la bienséance, profaner tout semblable au réel. Ces mots anomaux sortent du ventre repu d'un monstre sans tête ni queue, planté là devant une maison — aux volets fermés — que Viktor Lazlo vient d'acheter en Normandie. Je lui dis : qu'allez-vous faire du laideron ? Il n'a évidemment pas tort l'homoncule : grâce aux rêves, chaque nuit est une autre vie. Viktor et une amie pénètrent dans la chaumière qui est grande et belle de l'extérieur mais plutôt moche à l'intérieur nécessitant des aménagements et surtout de changer l'eau des fleurs fanées. La propriétaire, une vieille dame qui a perdu son élégance en même temps que ses dents, m'observe de son regard sombre, vide, qui cache sa fuite 8. Antonio Tabucchi, Tristano meurt insensée vers l'oubli et me dit sur un ton inquisiteur : vous êtes qui, vous ? Je m'avance, le canoë rose gonflable sous le bras, tout en lui proposant une poignée de main qu'elle refuse : Patrick Lowie, rêveur qui a longtemps baroudé. Elle n'aime pas mon humour et me fait signe d'entrer dans la maison à colombage comme si j'avais été, dans une vie antérieure, son domestique. Au moment de passer l'étroite porte avec nos immenses valises dévalisées je constate que mon pantalon est trop bien plissé. Ce rêve nous fait entrer et sortir de cette maison, comme indécis, passer et repasser comme pour franchir un seuil décisif, pourtant nous en avions déjà dépassés des caps. Que se passe-t-il ? Un grondement sort de l'antre de la cheminée, l'antre de nos peurs. Soudain cette maison se trouve au Vietnam pendant la guerre du même nom. Tout se transforme. Je dois avouer que dans un premier temps, j'ai pris un certain plaisir en observant ces changements, c'était captivant. La maison devient un palais aux nombreux étages. Mais la vision de soldats qui courent et qui tuent froidement toute la noblesse me terrorise. Nous ne sommes plus que trois, la propriétaire et le gnome se sont perdus dans le labyrinthe des incertitudes. L'incertitude, prémisse du néant, de la mort. Nous sommes dans le Palais de Norodom de Hô-Chi-Minh-Ville. Au bout d'un couloir interminable, un jeune homme efféminé avoue son asexualité, avoue s'aimer et se contenter de lui-même. Il n'y avait pourtant rien à avouer, les tribunaux moraux doivent cesser. Nous passons d'une pièce à une autre avec légèreté sans être inquiétés ou menacés, spectateurs d'atrocités, inconscients. La maison continue sa transformation, c'est un bateau sur la rivière de Saïgon, un hélicoptère à notre rescousse, nous sommes impuissants face au carnage. L'engin s'approche, se pose, nous montons... bruits étranges, ordres étouffés, voix maudites, l'hélicoptère est un leurre, des militaires nous menacent, tentent de nous enlever. Viktor Lazlo entre et élimine le soldat qui venait de me tuer. Elle prend les commandes de l'hélicoptère, décolle, survole la mer de Chine, voudrait rejoindre la partie occidentale mais il n'y a plus d'essence et l'hélicoptère perd de l'altitude avant de s'écraser. Nous nous réveillons tous dans la maison de Normandie. Je me lève, je guette l'ennemi et dis : on a besoin de changer d'air. La vieille édentée a versé des gouttes de cyanures, j'avais l'antidote. C'est Viktor Lazlo qui lève les volets et découvre une fissure dans le grand mur, une ouverture cachée, une meurtrière. Je la vois s'engouffrer avec lenteur, comme un corps à la dérive. Je vous suis Viktor, vous m'entendez ? Est-ce une escale encore ? Que voyez-vous ? Je disparais, à mon tour, dans la crevasse, le passage. Je la vois regarder à travers une vitre, la main levée comme pour sentir l'irréel. Elle me dit : Patrick, venez voir, c'est Mapuetos. Ça ressemble à un miroir, venez ... allons découvrir le nouveau monde.


Publications & anecdotes

Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 66 autres portraits oniriques de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.


Bio

Viktor Lazlo, née le 7 octobre 1960 à Lorient (Morbihan), d'un père martiniquais et d'une mère grenadienne, est une chanteuse, actrice et romancière française. Elle commence sa carrière en tant que mannequin podium pour Chantal Thomass et Thierry Mugler, (dont elle devient l'égérie) avant d'être repérée par le producteur belge Lou Deprijck. Elle va sortir plus de dix albums, jouer dans de nombreux films et pièces de théâtre et est l'auteur de trois livres : La femme qui pleure, My name is Billie Holiday et Les Tremblements Essentiels.

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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