Fontana d’acqua del mio paese.
Non c’è acqua più fresca del mio
paese.
Fontana di rustico amore.*
L’homme
hésite un instant, observe le ciel, et me lance : Vous êtes sûr de la
traduction ?
... Je ne l’écoute plus depuis une dizaine de minutes et
ma réponse est immédiate : non, je ne suis plus sûr de rien.
Philippe
Leuckx, écrivain belge, auteur de ... attendez 1, 2, 3,.. 10,... 20,...
livres. Il me fait un sourire timide. Il me demande ce qu’il fait ici,
assis à même le sol, dos appuyé contre un mur. Moi, debout à
côté d’une fontaine d’eau potable dans ce rêve sous un ciel étoilé,
il me dit qu’il n’a pas de diplôme en astronomie, qu’il a oublié de
s’inscrire aux cours. Je lui réponds que je n’en sais rien et que ça
n’a aucune importance. Je pense que nous sommes dans un lieu
où un rien craque sous le cœur.
Mais je lui dis juste : imagine.
Il n’avait
pas tort en me lançant son imaginer quoi
? Cette ville me disait
bien quelque chose. Mais on avait beaucoup marché. Beaucoup
échangé. On regarde les filles passer, les filles poussées dans les
voitures décapotables, il y a bien quelques sons reconnaissables, des
intonations, on entend un dai Celina, forza, torniamo a casa, sono
stanco !
Philippe Leuckx me dit et si nous arrêtions de parler de livres.
Une guérison en vue ? Quand je lui ai demandé de me raconter son
rêve le plus intense, il se lança dans la description d’une histoire où
il revoyait sa grand-mère accoucheuse, qui devait être centenaire,
dans le rêve, il était persuadé qu’elle était encore vivante et qu’elle
habitait toujours 21, rue Verte à Havay en Belgique. Je me réveillais
de ce rêve avec une extrême nostalgie mâtinée de désappointement
et vous, Patrick Lowie, votre rêve sans fin ?
Je lui explique en avoir
beaucoup, celui qui m’intrigue le plus est lorsque je pilote un Boeing
747 dans les rues de Casablanca et que les bouts d’ailes frôlent les
murs. -Elle s’appelait comment votre grand-mère ? -Celina.
Rome
s’éteint doucement. Les chiens viennent uriner une dernière fois sur
les murs. Je ramasse quelques piécettes qu’on se divise. -On ne va
pas manger grand-chose avec ça. -Toujours plus qu’avec nos droits
d’auteur.
On est pris d’un fou rire. Il se lève et replace les lunettes
solaires sur le nez comme s’il fallait songer à effacer toute lumière
pour rehausser l’espace de cette gourme de fatigue et de calme. Ce
rêve est insidieux. On passe devant notre pizzeria habituelle, la vieille
dame nous voit arriver de loin. Alors, les poètes... on veut remplir sa
bedaine ? Les mots , ça ne suffit plus ?
J’ouvre la main : c’est l’argent
qui manque.
Elle me fait un clin d’oeil : vous êtes mes invités ce soir.
Lisez-moi en échange vos beaux mots !
Fontana d’acqua di un paese
non mio.
Non c’è acqua più vecchia che in quel paese.
Fontana di
amore per nessuno.*
* Pier Paolo Pasolini
Ce portrait a été publié dans le livre Next (F9), 111 portraits oniriques
de Patrick Lowie, publié aux éditions P.A.T.
Philippe Leuckx est né à Havay (Hainaut) le 22 décembre 1955. Poète et critique, il collabore à de nombreuses revues littéraires francophones (Belgique, France, Suisse, Luxembourg) et italiennes. Il commente la littérature et le cinéma sur des sites et blogues (près loin, poezibao, la république des livres, clopineries, rien ne te soit inconnu, Les Belles Phrases...). En outre, on peut lire ses poèmes dans de nombreuses revues papier et sur différents blogues (lese-art reMue, etatscivils...).