Luis Francisco Palomino

Luis Francisco Palomino

Le portrait onirique de Luis Francisco Palomino

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Le rêve commence mal, comme un point faible, le début d'une tragédie. Un écrivain du Maroc me glisse à l'oreille : moi, j'avais déjà rêvé du coronavirus il y a quelques mois, mais je ne sais plus comment tout s'est terminé. Depuis, les mi-vérités, les mi-mensonges, les médias-anxiogènes, les sorciers des temps modernes, les décisions contradictoires, l'angoisse internationalisée, nous ont pris en otage. La citation de Machiavel sur la peur et les maîtres a été taguée sur un mur dans ma rue.

Je me réveille en sursaut, seul, confiné, en me disant que c'est certainement le meilleur moment pour tomber amoureux. Les rêves sont-ils seulement capables de parler d'amour ? Je m'endors entre l'écriture de deux poèmes surréalistes. Dans le rêve, je me dirige vers la gare centrale à Bruxelles. Au guichet, un ex-beau-frère en pleine reconversion professionnelle. Il me reconnaît et me dit : oui, voir les ascenseurs monter et descendre, ça me déprimait . Je garde le silence puis lui demande un billet pour l'Italie, pour Naples. Au moment de payer, ma carte bancaire se casse en deux dans le sens de la largeur, je me dis que c'est foutu. Se souvenir que l'Italie est devenu pays-fantôme et qu'il est plus compliqué d'aller à Stromboli qu'à Mapuetos. Je lui demande, en souriant lentement, s'il a un billet pour Lima au Pérou. Bien sûr ! me dit-il, et aujourd'hui, c'est gratuit. Le billet en main, sans valise, je m'avance dans ton ombre, toi qui a oublié que j'étais ta lumière. J'arrive en quelques minutes dans un roman de Mario Vargas Llosa, je joue le personnage du poète malheureux comme si de rien n'était, je croise Riquiqui , la journaliste qui me parle d'une nouvelle affaire : des individus volent des enfants distraits . Lima est vide, tout le monde est en confinement, je marche seul comme dans un désert construit, comme dans une ville où la ruée ves l'or est terminée. Je croise un jeune homme aux cheveux longs. Je lui demande : si je vous dis Mapuetos, cela vous fait penser à quoi ? Il réfléchit un instant et me répond : cela me fait penser à des animaux rêveurs. Cela me rappelle un rêve que j'ai fait il y a longtemps. J’étais recroquevillé dans le lit de mes parents, j’étais comme un petit animal, à côté de leurs pieds, quand des individus débarquèrent brusquement dans la chambre à coucher. Ils me tiraient à plusieurs reprises par les chevilles. Mes parents ne s’étaient pas réveillés. C’était terrible ! C’était une question de quelques secondes, peut-être trois ou quatre, mais je me souviens de la violence avec laquelle ils tentaient de m’arracher du matelas comme si c’était un épisode d’abus sexuel. Le pire c’est que lorsque j’ai ouvert les yeux, j’étais là-bas, au sein du scénario du cauchemar, comme si j’avais anticipé quelque chose d’horrible qui allait se passer dans peu de temps. Je lui dis que c'est horrible que quelqu'un entre dans une chambre sans que personne ne remarque sa présence… c'est un peu comme dans la vie, n'est-ce pas ? naître sans que personne ne vous remarque jusqu'à la mort …. Il me répond : La pluie. Plic, plic. Plic, plic.

Il me fait un large sourire, pas tout à fait sûr de lui et poursuit : vous êtes Patrick Lowie, n'est-ce pas ? On s'est déjà croisé dans une autre ville, j'avais envie de vous parler de tellement de choses là-bas mais je suis très timide je crois. Je ne lui serre pas la main, mesure barrière oblige. Je lui réponds : Luis Francisco Palomino, cher confrère écrivain, vous y croyez vous à cette histoire de coronavirus ? Parce que moi, j'ai l'impression que cela nous cache quelque chose de bien plus grave. Il disparaît, je suis à nouveau seul dans Lima. J'entends une chanson très ancienne, tout s'éclipse, l'âme et le coeur. J'espère ne pas me réveiller, j'espère n'avoir rien anticipé. Je me réveille, je suis alerté par un mouvement oscillatoire dans le ciel de Bruxelles, je prends ma paire de jumelles : c'est une boule de feu, laissant derrière elle une trace de fumée verte.

Tout explose.


Publications & anecdotes

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Bio

Luis Francisco Palomino (Lima, 1991) est l’un des jeunes écrivains les plus importants du Pérou. Ayant à son actif deux livres publiés ( Salim Vera. Biografía autorizada , 2018 ; Nadie nos extrañará , 2019), il a consolidé son talent littéraire avec une œuvre remarquable qui va de la nouvelle à la chronique journalistique. En 2013, l’un de ses récits a remporté le premier prix des jeux floraux de l’Université catholique. Cette année, son roman inédit El triángulo de abajo a été sélectionné par un jury spécialisé pour être publié avec le financement du Ministère de la Culture péruvien. Actuellement il écrit dans la section culturelle du journal officiel El Peruano.

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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