Karima Echcherki

Karima Echcherki

Le portrait onirique de Karima Echcherki

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Dans le rêve, nous avions quitté la capitale noyée dans une vapeur azurée, fuir les tumultes de guerres civiles, fuir les jeunes réactionnaires poussant des cris d'orfraie, nous avions vu de loin, les bâtiments publics de l'État brûler, le monde partait en cendres, résister signifiait mourir, parfois battre en retraite, abandonner le champ de bataille, c’est le début de la victoire, d’un nouveau monde à construire, à découvrir. Après plusieurs jours à dos de poneys, nous avons atteint la vallée, que nous parcourons au petit trot précipité de nos montures, et qui est comprise entre deux collines, barrée à son extrémité par de belles montagnes dont les lignes majestueuses et la chaude coloration semblent empruntées aux chaînes construites par la lave du volcan Imyriacht. Nous sommes arrivés en fin d’après-midi à l' Oasiserrance , lieu réputé pour son atmosphère mystérieuse, ses jardins luxuriants et son hospitalité enchanteresse, créant ainsi une halte mémorable pour les nomades fatigués et les caravanes en quête de repos. Nous sommes ces voyageurs épuisés à la recherche d’un abri rafraîchissant et d’un répit bienvenu dans notre longue errance à travers ces contrées désertiques. Comme si la mort certaine dans la capitale nous poussait vers la mort certaine du désert. Au-delà du caravansérail de Oasiserrance, six ou neuf sentiers coupés en tous sens par une multitude de ruisseaux qui se transforment parfois en gaves mais qui se dirigent tous vers Somniville. L’endroit est unique et envoûtant, niché au cœur d'une oasis isolée. Nous n’étions pourtant pas seuls, à la droite d’un robinet qui fuite, un jeune homme est assis devant son chevalet et sa toile presque achevée. Il peint un nomade et son dromadaire, du Théodore Chassériau tout craché. L’art apaise quelquefois les mœurs. Voilà, c’est lui ! me prévient Karima Echcherki. Le jeune peintre devait nous ramener vers un endroit tenu secret à plusieurs kilomètres d’ici mais trop concentré sur son œuvre, nous préférons poursuivre notre chemin seuls. J’ai une boussole, entre autres, dans le cerveau, on trouvera, je ne sais pas si nous sommes à Mapuetos déjà, mais tout ressemble ici aux nombreuses descriptions de Marceau Ivréa. Karima Echcherki s’arrête brusquement et me dit : nous sommes à Mapuetos ? Vous êtes sérieux ? Je lui réponds en haussant les épaules accompagné d’une moue interrogative : j’ai découvert Mapuetos dans l'œuvre d’Ivréa et dans mes rêves, je décris tout cela depuis dix ans, je poursuis mes recherches et un jour, je toucherai bien cette terre. Elle me retient puis me lance : Patrick Lowie, que cherchez vous exactement ? Je ne pense pas que vous cherchez ce “Mapuetos”, cela doit avoir une autre signification pour vous, n’est-ce pas ? Vous n’abandonnerez jamais. Genre : rêver, oser, travailler et ne jamais abandonner ? Mais il doit y avoir quelque chose en vous qui vous anime. Je lui dis : j’ai peur de tout oublier, même les raisons de notre présence ici, même les raisons de mes recherches. J’adore vos écrits, j’espère que vous profiterez de cette fuite pour nous écrire quelque chose sur l’onirisme. Je sens mon corps bouger comme si j’allais me réveiller, je me retourne et le rêve se poursuit. Le crépuscule s’annonce, des oiseaux rentrent chez eux. On entend des voix sur notre droite, pas loin de jets de lave, magnifique magma. L’ambiance commence à nous effrayer un peu à tous les deux. Derrière de vieux eucalyptus aux feuilles cramées, on découvre un énorme trou noir, un puits peut-être, Des hommes et des femmes sont rassemblées autour d’un abîme, ces personnes sont complètement nues. On s’est regardé, Karima Echcherki et moi, d’abord dans les yeux pour mesurer nos trouilles. Des enfants étourdis chantent dans d’immenses arbres, ils mangent des reines-claudes puis crachent les noyaux dans le trou noir. Une scène rythmée mais d’apocalypse. Combien étaient-ils ? Cent ? Mille ? Cent-mille ? Deux, trois corps endiablés créent une énorme bousculade. Tout le monde essayant d’emprunter ce passage. Je dis à Karima Echcherki : ce trou débouche sur un autre monde. Je pense que si nous sommes arrivés jusqu’ici, il faudra faire comme eux. Nous allons libérer les poneys, ôter les vêtements et suivre la foule. On se voit, enfants, se faufilant dans la foule, prenant la vague humaine comme une opportunité, un moment de grâce, la peur s’est éteinte. On devra se taire, la vie est mystérieuse, et pendant qu’ils se battent nous devons garder le secret , me dit-elle dans un moment évident d’euphorie. Une vieille femme attrappe son bras et elle lui dit sur un ton menaçant : Attention ! Le passage va entraîner une perte de mémoire, amnésie totale. Tout ce que vous savez, tout ce que vous avez compris, sera effacé. Vous pourriez essayer de ne pas oublier l’existence de ce monde, mais vous l’oublierez quand même. Elle lui répond : comment puis-je tout oublier ? Tout effacer ? C’est impossible ! Et pourtant en s’engageant dans ce passage, nous assistons impuissants à l’effacement de nos connaissances et à nos souvenirs. Nous atterrissons, bébés, dans un autre monde. 


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Bio

Titulaire d’une thèse en électrochimie à l’université Paris VI et d’un doctorat d’état à l’École Mohammadia d’Ingénieurs en génie des procédés, je suis actuellement enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences et Techniques. En plus de la chimie, j’assure également les cours en master de management de la qualité, de la sécurité et de l’environnement dans un but de développement durable au niveau des entreprises. Je me suis également engagée pour la lutte des droits des femmes au Maroc, cet engagement est concrétisé par la publication d’un livre « Les Inconsolées » paru aux Éditions Onze. Un autre livre abordant le thème de l’avortement au Maroc est également en cours d’édition.

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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