Daniel Soil

Daniel Soil

Le portrait onirique de Daniel Soil

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Dans le rêve, point d’ancrage de l’harmonie, je suis à Paris à l’entrée de l' enclos Chaptal , ancienne demeure d’Ary Scheffer, le peintre français de Dordrecht. Un homme ensanglanté s’approche et me dit : les mythes naissent toujours de l’absence de certitude et de la difficulté indiscutable d’appréhender le réel. Il se frotte les mains sur le visage, se griffe à sang, tire la langue et fuit tel un monstre des ténèbres. À bien y repenser, ils étaient même plusieurs. J’entre enfin dans l'hôtel Scheffer-Renan, tout est vide. Il ne reste plus que quelques dessins, une sculpture, deux ou trois bijoux et les dessous intimes de George Sand, une culotte et un slip troué. Le lieu avait perdu, dans le rêve, toute âme romantique. Comme si le romantisme n’avait plus rien à faire dans nos vies. Déçu, je sors et je prends la rue Henner pour rejoindre la rue Blanche, la rue de Liège et enfin la rue de Moscou. Je me demande si c’est acceptable de loger dans la rue de Moscou alors que la Russie a bombardé l’Ukraine durant toute la nuit. Le rêve insiste et me dit : arrête de marcher quand tu rêves, repose-toi, repose ton esprit et dors ! J’entre dans l’hôtel Astoria, j’aime cet endroit à l’ambiance calme, feutré et en même ton énergique. La bande sonore de mon rêve ressemble au meilleur de Chassol, avec dans l’âme une pointe de nostalgie du Maroc et une certaine appréhension à passer quelques jours à Bruxelles. J’entre dans ma chambre et je m’y sens chez moi, je sais que le rêve va s'arrêter, que je vais me réveiller dans quelques instants dans ce même lit, je me regarde dormir mais je ne dors pas, je caresse mes rêves, je m’imprègne des énergies bénéfiques de ma chambre d’hôtel et je me réveille enfin. Quelqu’un frappe à la porte, je demande qui c’est, il me répond : c’est Daniel Soil, réveillez-vous, je vous emmène, il faut rentrer ! Ne m’entendant pas réagir, il insiste : arriver à bon port et à temps, voilà l’espoir tout au long de ce rêve. Je constate qu’il est 3h33 de la nuit, j’ouvre la porte et à moitié nu, je découvre Daniel Soil, écrivain belge de renom, auteur d’un très beau Vent Faste. J’hésite puis je me lance : avant toutes choses, je voudrais m’excuser. Paul Auster a écrit que c’est compliqué de demander pardon, que c’est un geste délicat, en équilibre entre raideur orgueilleuse et contribution larmoyante et si l’on n’arrive pas à s’ouvrir à l’autre en toute honnêteté, toutes les excuses paraissent fausses et creuses. J’espère que vous comprendrez que mes excuses ne sont ni fausses ni creuses. Il me regarde et me dit : dépêchez-vous et habillez-vous surtout, nous devons rapidement quitter cette ville. La nuit, la nuit. Nous sommes plongés dans la nuit. Les Russes vont bombarder Paris dans moins d’une heure, fuyons ! Personne dans les rues, nous sommes les seuls à fuir. Comment Daniel Soil connaît-il l’heure du bombardement ? Un agent infiltré ? Comment savait-il où je logeais ? Il me suivait ? On se connait depuis quelques années, on s’était vu à Lisbonne, à Bruxelles et au Maroc. On fait du stop, pas de blabla, je pense avoir oublié une partie de moi à l’hôtel Astoria, nous arrivons à Bruxelles, à Ixelles, dans le haut de la ville. Voilà, nous y sommes. Je viens de lire les infos, Paris est dévastée. Je vous ai sauvé la vie. Venez avec moi. Vous devez savoir une chose : Il y a le haut de la ville… et le bas de la ville. Pour une raison obscure, je dois me rendre à pied d’un point à l’autre. Dans ce cas, du haut vers le bas. Au début, guère de problème. Les repères sont à leur place, nous marchons dans la bonne direction : l’école royale, l’orphelinat, le couvent, la gare centrale. Puis viennent de larges espaces qui portent un nom : la jonction nord-midi . Après, le trajet se complique. Finis, les grands dégagements. La ville se densifie. Les maisons et autres immeubles se resserrent, s’imbriquent. Il faut poursuivre la marche dans des ruelles de plus en plus tortueuses. Bientôt des portes viennent ralentir la progression. Il faut les ouvrir, les faire coulisser. Enjamber des seuils. Des couloirs partent vers la gauche, vers la droite, qui détournent de la trajectoire à vol d’oiseau. Des escaliers, des terrasses, de fausses issues obligent à des retours en arrière. Parfois de petites esplanades, des cours d’immeuble rappellent le plan initial. Et il y a bien quelques personnes sur le chemin. Mais elles semblent trop affairées pour répondre à la question de Daniel Soil : suis-je sur la bonne voie, fais-je fausse route ? Finalement, nous parvenons dans le bas de la ville. Mais l’activité qui avait justifié le déplacement, a commencé depuis longtemps. Il n’est plus temps d’y participer. Nous devons refaire l’itinéraire en sens inverse, me dit Daniel Soil avant de glisser sur une peau de banane. Je l’aide, il se relève et me dit : vous excusez pour quoi ? Je lui offre une gaufre de Liège. La bouche pleine, je lui dis : pourriez-vous m’emmener voir le temple maçonnique des Amis philanthropes ? Je connais si mal ma ville en fait. Moi qui suis probablement né dans une famille protestante, on nous a caché toute la vérité. On devait manger, boire, s’amuser et gagner de l’argent. La connaissance n’était pas de notre ressort. N’est-ce pas ? Si vous acceptez, je vous offre une deuxième gaufre. Offrez-moi un peu de lumière. Tenez, je vous offre aussi la culotte de George Sand que j’ai chipé au Musée du romantisme. Daniel Soil disparaît, les Russes ont décidé de bombarder Bruxelles aussi.  


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Bio

Né à Bruxelles. Après des études universitaires, j’ai enseigné l’éducation civique pendant 15 ans. Je suis devenu ensuite responsable d’associations de jeunesse. A partir de 1988, j’ai travaillé, depuis Bruxelles et comme fonctionnaire, aux relations culturelles avec le Québec, l’Afrique, l’Europe centrale et l’Europe du Sud. De 2004 à 2008, j’ai été diplomate culturel au Maroc - puis en Tunisie de 2008 à 2015 -, chargé de représenter la Belgique francophone dans les domaines de la Culture, l’Education et les liens entre s sociétés civiles. A la retraite depuis 2015, j’ai retrouvé mes attaches associatives d’une part, et poursuivi mon travail d’écriture romanesque. Devenu écrivain public, j’ai reçu, chaque semaine, des personnes, étrangères pour la plupart, ayant des difficultés à écrire documents et textes, personnels, littéraires ou administratifs. J’ai aussi animé des tables de conversation avec des migrants de fraîche date pour faciliter leur insertion dans la vie bruxelloise. Depuis 2020, je suis conseiller à la « Maison Commune », un lieu culturel situé au cœur de Bruxelles, avec une spécialité « écriture et photo ».

Précisions d’usage 
Ce portrait est un portrait onirique basé sur un rêve, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie. Erreurs de syntaxe, d'orthographe ou coquilles... faites-nous part de vos remarques à mapuetos@mapuetos.com

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