Patrick Guéguen
Le portrait onirique de Patrick Guéguen
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J'entends des cloches au loin, toujours tête en bas, l'odeur de l'herbe change, il fait sombre, la nuit tombe sans doute. Je me suis juré de rester dans cette position pour retrouver le lien qui s'est brisé. L'homme se présente : je m'appelle Patrick Guéguen, je peins la vie en couleur. Vous êtes yogi ? Je l'observe sans répondre, la femme s'en va. Je ferme les yeux et je les vois pédaler sur une longue ligne droite bordant la mer. Je les vois vouloir tourner vers la droite, mais il n'y a pas de route, impossible de bifurquer. Il pleut maintenant, légèrement, quelques gouttes sur l'herbe, une goutte est tombée sur mon visage, une larme à l'envers, j'ouvre l’œil, j'esquisse un sourire. Je parle enfin : allez-vous donner un bain chaud à votre grand-mère ? Il déplie le billet qu'il a entre ses doigts. Le billet que lui a donné un cafetier sur la route est vierge. Je lui dis : bain chaud, dans ce cas-ci, a une autre signification. Vous devriez prendre un bain chaud à sa place, et plonger la tête sous l'eau, les images qui apparaîtront face à vous, seront les morceaux manquants du puzzle familial. Je lui remémore une phrase de Rousseau : je voudrais que cet instant durât toujours ; et comment peut-on appeler bonheur, un état fugitif qui nous laisse encore le cœur inquiet et vide, qui nous fait regretter quelque chose avant, ou désirer encore quelque chose après ? Ça vous parle ?
Je n'avais pas remarqué les énormes fromages plus loin dans le champ de ruines fumantes ni les meules de différentes tailles en grande quantité. L'image est en noir et blanc, sauf les meules dont les couleurs blanc, blanc cassé, ocre clair, créent un contraste avec les ruines fumantes d'une couleur noire-violette. Vous ressemblez beaucoup à un écrivain que j'ai portraituré dernièrement, …. Patrick Lowie, vous connaissez ?
Je lui dis que je ne le connais pas. Je referme les yeux, je vois sa grand-mère lui montrer une photo avec des pendus dans une revue. Ils disparaissent. Toujours la tête en bas, des fourmis entrent dans mon nez, je ne bouge pas, ils sortent par mes yeux. Il faut aimer la nature, nous sommes la nature.
Patrick Guéguen revient avec toutes ses œuvres et me dit : je sais que c'est vous. Je vous ai apporté mon atelier. Toujours en position de yogi borné, je l'observe placé ses tableaux et dessins colorés et colorés, comme je les aime, autour de moi, comme s'il suffisait de méditer pour voir le monde changer. Je ferme les yeux encore et je vois le peintre retrouver sa grand-mère, je les vois tous deux pédaler avec des ombrelles jusqu'aux moulins des âmes retrouvées.




