Ce portrait a été publié dans le livre Le totem d'Imyriacht (2023) aux éditions maelstrÖm.
Gianni De Martino
Le portrait onirique de Gianni De Martino
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L’homme, l’immense écrivain italien, dit très doucement : elle est belle n’est-ce pas ? Je parle de la Ferrari... un de mes rêves récurrents est de voler. Une fois, je suis arrivé dans une ville inconnue, je savais que je devais me rendre à un hôtel, mais j'avais perdu l'adresse et je me sentais perdu. Mais voilà qu'arrive un petit garçon, peut-être un ange, qui me prend par la main et me ramène chez moi. Je réagis : le petit garçon c’était vous enfant ? Ou un frère que vous avez perdu ? Vous savez, rêver de voler est assez commun. Je ne sais pas si c’est le symbole onirique de la liberté ou un défaut de fabrication, Dieu voulait sans doute nous faire oiseau avant de se dire qu’il y en avait déjà trop. Je vais poser la question à cette dame-là assise dans le fauteuil rouge au milieu de la route... Madame, Madame,... vous attendez quelqu’un ? J’ai une question à vous poser : quel est votre rêve récurrent ? La femme ne bouge pas du fauteuil et me dit : j’attends le bus pour Mapuetos. Très en colère, je réagis : je l’ai dit partout, dans tous les rêves, dans le monde entier, Mapuetos n’existe pas... vous comprenez ça ? La femme sourit et me dit : c’est un canular ? Vous êtes drôle. Je vais répondre à votre deuxième question : un de mes rêves récurrents est de voler. Je ne parle pas d'un rêve de voyager en avion, mais plutôt de voler comme un oiseau. De planer dans les airs, de sentir le vent souffler sur mon visage et de survoler les montagnes, les forêts et les rivières. C'est un rêve que j'ai souvent eu depuis que je suis enfant et qui continue de me hanter encore aujourd'hui. Mais il y a un autre rêve, un peu plus étrange, qui me hante également. C'est celui que vous faites aujourd’hui, monsieur Patrick Lowie, le rêve où je me retrouve dans une ville inconnue, sans savoir où je suis ni comment je suis arrivé là. Je me sens perdue, désorientée, et je sais que je dois trouver un moyen de rentrer chez moi. Mais je ne sais pas comment faire.
Gianni de Martino est confus il semble vouloir surenchérir : un jour, j'ai eu ce rêve à nouveau même si c'était différent. Je me suis réveillé dans une ville inconnue, mais cette fois, c'était réel. J'avais pris un avion pour présenter un livre, mais j'avais perdu l'adresse de mon hôtel et je me sentais complètement perdu. J'ai essayé de me souvenir de l'adresse, de demander de l'aide à des passants, mais rien ne fonctionnait. C'est alors qu'un petit garçon est apparu. Il était peut-être un ange, ou peut-être juste un enfant comme les autres, mais il m'a pris par la main et m'a dit qu'il allait m'aider. Il m'a emmené dans un petit parc à proximité, où nous avons discuté de la vie et de nos rêves. Le petit garçon m'a dit qu'il aimait voler aussi, et il a commencé à courir dans le parc en agitant les bras comme des ailes. Je l'ai regardé, fasciné, alors qu'il s'envolait lentement dans le ciel. Je me suis alors rendu compte que j'étais en train de voler aussi, planant doucement dans les airs à côté de lui. Nous avons survolé la ville et nous sommes finalement arrivés à mon hôtel. Le petit garçon m'a souri et a disparu dans les nuages, me laissant seul avec mes pensées.
La Ferrari jaune s’arrête à notre niveau, je fais semblant de ne pas la remarquer et je dis : Gianni, permettez-vous de vous appeler Gianni, vous savez que je vous aime beaucoup, la fois où vous m’avez présenté une lettre signée par Pasolini, j’étais aux anges, vous vous en souvenez ? Mais vous n’êtes pas sans savoir que votre rêve est clair : parfois le chemin le plus direct vers notre destination n’est pas le plus important, parfois il faut prendre le temps de s’arrêter, de se souvenir du passé et d’envisager le futur. Même s’il ne reste plus que quelques semaines à vivre. Un bus rouge indiquant la destination de Mapuetos s’arrête, la femme embarque et nous salue. Gianni de Martino me salue aussi, très affectueusement, et s’envole dans le ciel devenu azure. La portière droite de la Ferrari jaune s’ouvre. J’entends une voix me dire : allez ! je vous emmène, c’est notre moment de gloire qui commence. Je n’hésite pas une seconde, une musique transperce mes sens, je me laisse emporter.
1 Adriano Celentano, Un albero di trenta piani
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